Preuve de la nécessité d'un moratoire sur le service de la dette impérialiste

« Le poids du service de la dette dans les pays pauvres atteint un niveau sans précédent depuis 2000 », se lit le communiqué de presse de la Banque mondiale annonçant son rapport de 2022 sur la dette internationale. Voici des extraits du rapport accompagné de commentaires.

« Les [75] pays les plus pauvres éligibles aux financements de l'Association internationale de développement (IDA) consacrent aujourd'hui plus d'un dixième de leurs recettes d'exportation au service de leur dette extérieure à long terme, publique ou garantie par l'État, soit un niveau sans précédent depuis 2000.

« [Le rapport de la Banque mondiale] constate que toutes les économies en développement, à revenu faible ou intermédiaire courent des risques croissants liés à leur dette. Fin 2021, la dette extérieure de ces pays s'élevait à 9 000 milliards de dollars, soit plus du double de son montant d'il y a dix ans. Durant la même période, la dette extérieure totale des pays IDA a presque triplé pour s'élever à 1 000 milliards de dollars. La hausse des taux d'intérêt et le ralentissement de la croissance mondiale risquent de faire basculer un grand nombre de pays dans une crise de la dette, sachant qu'environ 60 % des pays les plus pauvres sont actuellement exposés à un risque élevé de surendettement ou déjà surendettés.

« Le rapport révèle ainsi qu'à la fin de l'année 2021, les paiements du service de la dette extérieure à long terme publique et garantie par l'État des pays éligibles à l'IDA s'élevaient à 46,2 milliards de dollars, soit l'équivalent de 10,3 % de leurs exportations de biens et services et de 1,8 % de leur revenu national brut (RNB). Ces pourcentages sont en nette augmentation par rapport à 2010, quand ils étaient respectivement de 3,2 % et 0,7 %. En 2022, le service de la dette des pays IDA devrait augmenter de 35 % pour atteindre plus de 62 milliards de dollars, c'est-à-dire l'une des plus fortes progressions annuelles de ces deux dernières décennies. »

Commentaire : Un dixième du revenu d'exportation brut perdu à cause du service de la dette est un montant énorme pour n'importe quel pays, et encore plus pour un pays pauvre. Les investissements impérialistes dans les pays pauvres sont généralement destinés à accroître les exportations et non le développement interne d'une économie locale autonome. Les impérialistes affirment que les revenus des exportations peuvent être utilisés pour résoudre les problèmes sociaux et pour le développement interne. Les énormes charges du service de la dette et le sous-développement continu des pays les plus pauvres démentent ces affirmations.

Une grande partie de l'argent investi par les impérialistes, en dehors de celui investi dans les entreprises qu'ils possèdent, est destinée aux infrastructures nécessaires à leurs entreprises ou aux gouvernements locaux à leur service, en particulier pour les forces militaires et policières. Les entreprises que les impérialistes possèdent et contrôlent, y compris les mines, extraient du pays ciblé les ressources dont elles ont besoin, et qu'elles exigent, ainsi qu'une énorme valeur ajoutée, c'est-à-dire le profit que les travailleurs produisent lors de l'extraction puis du raffinage de ces matériaux.

Les revenus d'exportation des pays en développement provenant de la vente à l'étranger de ressources et d'autres produits sociaux sont directement sabotés par l'expropriation de la valeur sociale produite en tant que profit d'entreprise par les propriétaires impérialistes, en paiement du service de la dette aux propriétaires étrangers de la dette et en paiement des biens et services qu'ils achètent aux impérialistes. Le boeuf est écorché plusieurs fois, et sans cesse, par les propriétaires d'entreprises étrangères et les investisseurs qui bénéficient de la propriété directe des entreprises, de la dette extérieure qu'ils détiennent et des accords d'achat qu'ils ont conclus avec les centres impérialistes, en particulier pour les fournitures militaires.

Association internationale de développement (IDA)

La Banque mondiale a créé l'IDA en 1960 pour maintenir l'Afrique subsaharienne et d'autres régions sous le contrôle et l'exploitation impérialistes. L'IDA renforce le contrôle de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l'organisme de prêt initial de la Banque mondiale. L'IDA compte aujourd'hui 75 pays[1] et accorde des prêts à faible taux d'intérêt, appelés « crédits », pour des projets que les impérialistes américains et leurs proches alliés, comme l'élite dirigeante du Canada, jugent dignes d'intérêt et qui servent à consolider leur contrôle économique et l'hégémonie politique et militaire de l'impérialisme américain à l'échelle mondiale.

Le montant annuel des prêts additionnels de l'IDA aux 75 pays les plus pauvres a augmenté continuellement au cours des trois dernières années pour atteindre environ 36 milliards de dollars. Ce montant, bien qu'important pour ces pays pauvres, n'est qu'une fraction des milliers de milliards de dollars de flux mondiaux de valeur sociale provenant d'institutions impérialistes telles que le FMI, d'autres entreprises financières contrôlées par l'État et les banques et autres sociétés financières, commerciales et industrielles dominantes détenues et contrôlées par le secteur privé.

Rappelons que l'ère impérialiste est marquée par la circulation de la valeur sociale dans le monde entier, à la recherche incessante du profit maximum pour ses propriétaires et pour assurer le maintien du contrôle économique, politique et militaire mondial par les intérêts privés les plus puissants, centrés sur les centres impérialistes. L'objectif du flux mondial de valeur sociale n'est pas le développement mutuel de toute l'humanité pour le bien-être des personnes et l'humanisation de l'environnement social et naturel, mais la poursuite de la domination du monde par les impérialistes les plus puissants pour servir les intérêts privés de l'élite dirigeante.

Le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, est cité dans le communiqué de presse : « La crise de la dette à laquelle sont confrontés les pays en développement s'est aggravée. »[2] Évidemment, il n'identifie pas la Banque mondiale comme faisant partie du problème. Il n'expose pas non plus la racine du problème, à savoir le contrôle impérialiste et l'objectif et l'obsession du profit privé maximal aux dépens de l'humanité et de la Terre Mère.

Selon la Banque mondiale, les crises de la dette résultent d'un manque de « transparence de la dette ». Le communiqué de presse indique que « les vulnérabilités grandissantes de la dette soulignent le besoin urgent d'en améliorer la transparence et de fournir des informations plus complètes afin de renforcer la capacité des pays à gérer les risques d'endettement et à utiliser efficacement leurs ressources en faveur d'un développement durable ».

Indermit Gill, premier vice-président et économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale, a le culot d'en rejeter la responsabilité sur les pays pauvres qui « glissent aveuglément dans une crise de la dette » en raison de l'« opacité de la dette ». Que diriez-vous d'une mesure un peu plus concrète pour remédier à la situation, comme un moratoire sur le service de la dette et un changement d'objectif du système économique, qui passerait de l'expropriation du profit privé maximal à l'utilisation de la valeur sociale produite par les peuples pour le bien-être de tous et le développement mutuel de leurs économies, de sorte que, en plaçant l'économie sous leur contrôle, ils puissent humaniser l'environnement social et naturel ?

Pour M. Gill, cela n'est d'aucun intérêt et il suggère plutôt ceci : « Des données complètes et transparentes améliorent la gestion de la dette. Elles rendent plus fiables les analyses de viabilité et elles facilitent la mise en oeuvre des restructurations de la dette afin que les pays puissent retrouver rapidement la stabilité et la croissance économiques. À long terme, aucun créancier n'a intérêt à dissimuler les montants de dette publique. » Le vice-président de la Banque mondiale veut « la stabilité économique et la croissance » pour servir les créanciers impérialistes.

La question se pose immédiatement de savoir quand l'Afrique, par exemple, a-t-elle connu « la stabilité et la croissance économiques » auxquelles elle pourrait revenir. Les États-Unis et les anciennes puissances coloniales ont sauvagement attaqué, exploité et pillé les ressources humaines et naturelles de l'Afrique pendant des siècles, en commençant par l'inhumaine traite des esclaves.

Non, la Banque mondiale et l'élite dirigeante ne veulent rien savoir des conditions concrètes et présenter de vraies solutions qui ouvriraient une voie vers l'avant, comme un moratoire sur le service de la dette. Au lieu de cela, elle se félicite et crée l'illusion que le système économique qui est à l'origine des crises récurrentes, et l'élite dirigeante qui le contrôle, vont régler les problèmes. Cela n'arrivera pas ! Pas sans une lutte organisée et déterminée des travailleurs eux-mêmes pour imposer des réformes qui servent le peuple, telles qu'un moratoire sur le service de la dette impérialiste et des investissements accrus dans les programmes sociaux, qui ouvriraient la voie à un nouvel objectif et une nouvelle direction pour l'économie.

La Banque mondiale écrit pour se féliciter et pour maintenir la domination et l'exploitation de l'élite impérialiste : « Le nouveau rapport sur la dette internationale marque une avancée dans la transparence de la dette. Il s'appuie sur la base de données des statistiques de la dette internationale de la Banque mondiale, la source la plus complète d'informations comparables sur la dette extérieure des pays à revenu faible et intermédiaire. Il va plus loin que les rapports précédents, en y ajoutant une analyse approfondie et en élargissant l'étendue et la spécificité des données qu'il contient. » Bla, bla, bla. Il n'est pas étonnant que les gens méprisent tant les banquiers.

Mais les faits reviennent sans cesse hanter les bluffeurs et les illusionnistes. La Banque mondiale admet : « La croissance mondiale a fortement marqué le pas en 2022. Alors que le monde est confronté à un resserrement général des politiques monétaires et budgétaires sans précédent depuis 50 ans, le risque d'une récession planétaire l'année prochaine s'est amplifié. La dépréciation des devises a aggravé la situation de nombreux pays en développement dont la dette est libellée en dollars. »

« Au cours de la dernière décennie, la composition de la dette des pays IDA a considérablement changé. Ainsi, la part de la dette extérieure contractée auprès de créanciers privés a fortement progressé : fin 2021, les économies à revenu faible et intermédiaire devaient 61 % de leur dette publique et garantie par l'État à des prêteurs privés, soit une augmentation de 15 points de pourcentage par rapport à 2010. Dans les pays éligibles à l'IDA, 21 % de la dette extérieure était due à des créanciers privés à la fin de l'année dernière, soit 16 points de plus qu'en 2010. »

Dans l'ensemble du monde impérialiste, les milliardaires les plus riches et leurs serviteurs contrôlent de plus en plus directement non seulement l'économie, mais aussi les institutions politiques et gouvernementales, y compris la police et l'armée. Tout est privatisé et placé sous leur contrôle direct. Pour qu'un moratoire sur le service de la dette devienne une réalité, il faut un effort collectif déterminé des travailleurs organisés. Un moratoire sur le service de la dette remet en cause l'autorité et les objectifs des impérialistes au pouvoir. La victoire d'un moratoire sur le service de la dette serait un pas en avant pour les forces populaires dans la bataille épique contre l'impérialisme.


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Volume 53 Numéro 11 - Novembre 2023

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