Bicentenaire de la doctrine Monroe

Les doctrines présidentielles impérialistes des États-Unis pour s'emparer du monde

Deux cents ans se sont écoulés depuis que les États-Unis ont déclaré que toute l'Amérique latine et les Caraïbes faisaient partie de leur sphère d'influence. Le 2 décembre 1823, le président James Monroe a énoncé ce qui est devenu la « doctrine Monroe ». Il a lancé un avertissement aux autres nations de ne pas s'approcher des Amériques en déclarant que les États-Unis : « considéreraient toute tentative de leur part d'étendre leur système sur une portion de cet hémisphère comme étant dangereuse envers notre paix et notre sûreté ». Au cours des 200 dernières années, la doctrine Monroe a été utilisée à maintes reprises pour justifier des dizaines d'invasions, d'interventions et de changements de régime de la CIA dans les Amériques.

Depuis que James Monroe a énoncé sa doctrine en 1823, à une époque où les États-Unis étaient qualifiés d'« empire de la raison », l'une des responsabilités du président des États-Unis est de promouvoir des ambitions d'édification d'empire tout en préservant une forme de gouvernance républicaine au niveau de ses arrangements fédéraux, enracinée dans la Constitution des États-Unis. Plus précisément, la doctrine Monroe a affirmé la mainmise des États-Unis sur les affaires de l'hémisphère occidental contre la Sainte-Alliance européenne et les autres puissances qui cherchaient à coloniser ou à monopoliser les marchés des Amériques, y compris les Caraïbes. En même temps, cette doctrine a rehaussé le profil du président en matière d'affaires étrangères. Dans sa version initiale, elle couvrait la guerre contre les peuples autochtones du continent et l'expansion coloniale de la puissance esclavagiste.

À cet égard, sous la présidence de James Polak (1845-1849), la doctrine Monroe a fourni la justification explicite de la guerre contre le Mexique en 1845 et de la colonisation du sud-ouest et de l'ouest du continent sous la bannière messianique de la « destinée manifeste ».

La guerre hispano-américaine de 1898 a mis fin à l'empire colonial espagnol dans l'hémisphère occidental. La victoire des États-Unis dans cette guerre a débouché sur un traité de paix qui a contraint les Espagnols à renoncer à leurs prétentions sur Cuba et à céder aux États-Unis leur souveraineté sur Guam, Porto Rico et les Philippines. Auparavant, les révolutionnaires cubains avaient mené une guerre de trois ans pour obtenir l'indépendance de la domination coloniale espagnole. Les États-Unis ont également annexé l'État indépendant d'Hawaï pendant le conflit. La guerre a donc permis aux États-Unis d'établir leur prédominance dans la région des Caraïbes et de poursuivre leurs intérêts stratégiques et économiques en Asie[1].

Au début de l'ère impérialiste moderne, en 1904, le président Théodore Roosevelt propose un corollaire à la doctrine Monroe en affirmant l'exigence américaine que les États voisins soient « stables, ordonnés et prospères »[2].

Prétextant une crise entre le Venezuela et ses créanciers qui, selon lui, pourrait déclencher une invasion de ce pays par les puissances européennes, le corollaire de Roosevelt de décembre 1904 stipulait que les États-Unis interviendraient en dernier recours pour s'assurer que les autres nations de l'hémisphère occidental remplissent leurs obligations envers les créanciers internationaux et ne violent pas les droits des États-Unis ou n'invitent pas à une « agression étrangère au détriment de l'ensemble des nations américaines ». Dans la pratique, les États-Unis ont eu de plus en plus recours à la force militaire pour « rétablir la stabilité interne des nations de la région », ce qui signifiait en fait que seuls les régimes favorables aux États-Unis étaient permis. Théodore Roosevelt a déclaré que les États-Unis pourraient « exercer un pouvoir de police internationale dans les cas flagrants de méfaits ou d'impuissance ». Sur le long terme, ce corollaire a servi à justifier les interventions des États-Unis à Cuba, au Nicaragua, en Haïti et en République dominicaine.

Le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe est devenu mondialement connu sous le nom de politique du « gros bâton », qui affirmait la domination des États-Unis lorsque cette domination était considérée comme un « impératif moral ». Sur cette base, les États-Unis ont promu la diplomatie de la canonnière à l'échelle mondiale afin de maintenir des « marchés ouverts ». Théodore Roosevelt a déclaré : « L'injustice chronique ou l'impuissance qui résulte en un relâchement général des règles de la société civilisée peut exiger, en fin de compte, en Amérique ou ailleurs, l'intervention d'une nation civilisée et, dans l'hémisphère occidental, l'adhésion des États-Unis à la doctrine Monroe peut forcer les États-Unis, à contrecoeur cependant, dans des cas flagrants d'injustice et d'impuissance, à exercer un pouvoir de police international. »

Après la défaite de l'Espagne lors de la guerre hispano-américaine de 1898, les États-Unis ont acquis les colonies de l‘Espagne dans les Caraïbes et le Pacifique. Dans leur nouveau statut de puissance impériale, les États-Unis ont poursuivi une série de politiques destinées à protéger les territoires américains annexés et à étendre agressivement leurs intérêts commerciaux internationaux. Ces politiques comprenaient la promotion de la politique de la « porte ouverte » en Chine et l'ajout du corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe qui annonçait officiellement l'intention d'utiliser la force militaire pour défendre l'hémisphère occidental contre les incursions européennes. Parallèlement, Théodore Roosevelt supervise la construction du canal de Panama, qui aura de profondes répercussions économiques sur le commerce américain, et s'engage dans la diplomatie des grandes puissances à la suite de la guerre russo-japonaise. En un peu plus d'une décennie, les États-Unis ont redéfini leurs intérêts nationaux et internationaux pour y inclure une importante présence militaire à l'étranger, des possessions à l'étranger et un engagement direct dans la définition des priorités en matière d'affaires internationales.

Henry Stimson, secrétaire d'État (1929-1933) sous Herbert Hoover, a proposé une doctrine au moment de l'invasion japonaise de la Chine et de l'établissement d'un gouvernement fantoche en Mandchourie. En plus des références à l'intégrité territoriale et à la souveraineté nationale, la doctrine Stimson mettait l'accent sur la politique de la porte ouverte des États-Unis. La doctrine Truman a été mise en avant en 1947 avec l'octroi d'une aide militaire à la Turquie et à la Grèce. Cette doctrine déclare que les États-Unis « soutiendront les peuples libres qui résistent aux tentatives d'assujettissement par des minorités armées ou par des pressions extérieures ». Cette doctrine visait à détruire l'unité antifasciste qui s'était forgée dans le monde grâce aux luttes de résistance de la Deuxième Guerre mondiale. Elle a contribué à l'organisation d'un front mondial sur la base de l'anticommunisme et a été utilisée pour soutenir la politique d'endiguement des États-Unis. En 1957, le président Eisenhower a proposé une nouvelle doctrine proclamant que les États-Unis interviendraient au Moyen-Orient si un gouvernement « demandait de l'aide » contre le communisme.

La doctrine Monroe et le corollaire Roosevelt ont ensuite été invoqués à maintes reprises par le secrétaire d'État d'Eisenhower, John Foster Dulles, à des fins d'agression. Par exemple, John Foster Dulles a utilisé la doctrine en 1954 pour justifier le renversement du gouvernement de Jacobo Arbenz au Guatemala et le financement et l'armement des forces anticommunistes. John F. Kennedy a invoqué la doctrine Monroe à propos de Cuba en 1962, en déclarant : « La doctrine Monroe signifie ce qu'elle signifie depuis que le président Monroe et John Quincy Adams l'ont énoncée, à savoir que nous nous opposerions à ce qu'une puissance étrangère étende son pouvoir à l'hémisphère occidental, et c'est la raison pour laquelle nous nous opposons à ce qui se passe à Cuba aujourd'hui. C'est pourquoi nous avons interrompu nos échanges commerciaux. C'est pourquoi nous avons travaillé au sein de l'Organisation des États américains et par d'autres moyens pour isoler la menace communiste à Cuba. C'est pourquoi nous continuerons à y consacrer une grande partie de nos efforts et de notre attention. »

Les doctrines présidentielles des États-Unis rassemblent de prétendus idéaux sous la forme de l'intérêt national et des objectifs stratégiques des États-Unis avec la réponse de l'establishment militaire et politique aux normes internationales, telles qu'elles sont reconnues par les grandes puissances. Les doctrines présidentielles sont les déclarations officielles de la politique gouvernementale en matière d'affaires étrangères et de stratégie militaire. Les doctrines sont les sources des objectifs de guerre de l'establishment politique et militaire. Elles ne sont pas soumises à l'approbation du Congrès. En fait, en tant que déclarations du président, elles promeuvent la présidence, selon les termes de la Cour suprême des États-Unis, en tant qu'« organe unique des affaires étrangères américaines ». En tant que résultat de la raison d'État, elles sont opposées à l'intérêt public mais sont néanmoins considérées comme l'expression publique de ce que l'on appelle l'intérêt national ou la sécurité nationale.


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Volume 53 Numéro 11 - Novembre 2023

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