Projet de loi 31 sur le logement: une approche juridique qui nie le droit au logement
Bannière de la manifestation de Québec du 16 septembre 2023
contre l'élimination, dans le projet de loi 31, de la
possibilité pour un locataire de transférer son bail à quelqu'un
d'autre
Le 9 juin dernier, le projet de loi 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d'habitation, a été déposé par la ministre France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l'Habitation du gouvernement du Québec.
Voici les principaux points du projet de loi.
Cession de bail
Le projet de loi fait disparaître
la possibilité qu'ont les locataires depuis une quarantaine
d'années de céder leur bail à quelqu'un d'autre qui va continuer
de payer le même montant déboursé auparavant. Présentement au
Québec, un nouveau locataire a droit au même taux et peut
demander au Tribunal administratif du logement (TAL) quel était
le taux payé par un ancien locataire et exiger le même loyer.
Dans l'état actuel des choses, les propriétaires peuvent augmenter les loyers en fonction des taux d'inflation officiels une fois par an. Ils réclament la suppression des droits des locataires, sans lesquels le droit au logement est lettre morte. Cela leur permettrait d'augmenter les loyers de manière exponentielle à la fin d'un bail, y compris lorsqu'un locataire quitte un espace et que celui-ci est attribué à une autre personne. C'est l'une des dispositions les plus contestées par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec.
Sous prétexte qu'il ne convient pas que les gouvernements
s'immiscent dans le droit de propriété, les propriétaires
pourront désormais refuser une demande de transfert ou de
cession de bail à une autre personne « pour un motif autre que
sérieux » sans passer par le TAL. Les exigences du TAL
s'avéreront être une impasse pour les demandeurs de logement
dont la vie est déjà un cauchemar.
Avis d'augmentation
Le projet de loi 31 revoit les dispositions de la Clause F d'un
bail qui permettait à un propriétaire de hausser le loyer en
dehors des recommandations du TAL, et ce, au cours des cinq
premières années suivant la construction d'un logement. Le
projet de loi stipule qu'un propriétaire qui signe un nouveau
bail pour une nouvelle construction devra indiquer aux futurs
locataires les montants d'augmentation pour les cinq premières
années. « Ces dernières années, on a vu des locataires aménager
dans des logements neufs et faire face l'année suivante à une
hausse de 30 % ou de 40 % de leur loyer », indique David Searle,
chargé de cours au Département des sciences juridiques.
Éviction
Manifestation à Rimouski contre le projet de loi 31, 16
septembre 2023
Le projet de loi prétend réglementer les évictions, mais n'aborde pas la nature des évictions, notamment le fait que les personnes qui n'ont plus les moyens de payer leur loyer sont mises à la rue sans recours. En outre, les personnes menacées d'évictions sont confrontées à la visite d'un huissier de justice et aux frais qui en découlent pour payer l'huissier et récupérer leurs biens saisis. En vertu des dispositions du projet de loi 31, lorsqu'un locataire ne répond pas à un avis d'éviction, il sera présumé avoir donné un avis de refus d'expulsion. Il appartiendra désormais au propriétaire de faire valoir ses droits devant le TAL, qui est un tribunal chargé d'administrer la loi, et non un organisme chargé de veiller à ce que les personnes vulnérables disposent d'un logement !
Quelle façon insidieuse pour les gouvernements d'utiliser leur
position de pouvoir et de privilège pour prétendre qu'ils font
quelque chose de bien pour « toutes les personnes concernées ».
C'est ainsi qu'il faut définir ce qu'est un acte criminel et
qu'il faudra le faire un jour si l'on veut ouvrir la voie du
progrès à la société.
Le projet de loi 31 prévoit les modalités de l'indemnité à
verser par un propriétaire lorsqu'un locataire est évincé. Par
exemple, on peut y lire ce qui suit : « Des frais raisonnables
de déménagement ainsi qu'une indemnité équivalente à un mois de
loyer pour chaque année de location ininterrompue du logement
par le locataire, laquelle ne peut toutefois excéder un montant
représentant 24 mois de loyer ni être inférieure à un montant
représentant 3 mois de loyer. »
Pendant ce temps, les personnes à la recherche d'un nouveau
logement sont confrontées à des loyers qui dépassent largement
leurs moyens et ne sont nullement indemnisées par leur
soi-disant droit d'être indemnisées. Comme l'a dit le
représentant d'une organisation de locataires : « Si l'on perd
un logement qui est abordable et qu'on doit déménager dans un
appartement qui coûte 1000 $ de plus par mois, le propriétaire
aurait beau nous donner 30 000 $, à moyen terme, on reste
perdant. Le projet de loi est muet sur les conséquences
qu'entraînent une reprise de logement ou une éviction dans le
contexte d'une pénurie de logements. »
Consultations particulières
Des consultations particulières sur le projet de loi 31 étaient
prévues les 14, 19 et 20 septembre. Dix-huit organismes de
défense de droit, des villes, des juristes et des experts
seraient intervenus dans le cadre des travaux de la Commission
sur l'aménagement du territoire.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 10 - Octobre 2023
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