Nuit des sans-abris en Outaouais
Cette année, la 34e Nuit des sans-abris au Québec a eu lieu le 20 octobre sous le thème : « Sans toit, ni choix ». Elle a eu lieu dans un contexte de détérioration grandissante des conditions de vie en raison de l'offensive antisociale qui permet des hausses vertigineuses des aliments et des loyers, sans oublier une détérioration des conditions de travail, et plus spécifiquement des travailleurs et travailleuses en santé, en éducation et en services sociaux et communautaires. Ils vivent des surcharges et du temps supplémentaire forcé avec tous les problèmes familiaux et de santé physique et mentale qui s'ensuivent. Aussi faut-il ajouter le refus catégorique du gouvernement du Québec d'investir dans le secteur public et d'accorder les augmentations de salaires requises. Cette situation exerce une pression de plus en plus forte sur les personnes qui n'ont pas les moyens de se loger.
L'Outaouais en est à sa 21e Nuit des Sans-abris et près de 1 000 personnes y ont participé. En raison du contexte ci-haut mentionné, le taux d'itinérance a augmenté de façon vertigineuse, particulièrement dans l'Outaouais. Lors du moment de silence au cours de l'événement pour rendre hommage aux personnes disparues depuis octobre dernier, c'est une cinquantaine de personnes qui ont été nommées, comparativement à une vingtaine par le passé, des personnes qui sont décédées dans des conditions inhumaines.
La première activité de la soirée a été une manifestation de près de 200 personnes, qui ont marché dans les rues du Vieux-Hull. Devant la Maison du Citoyen, elles ont fait valoir leur droit à un toit, leur droit à la dignité et à la sécurité. La marche a été suivie de prestations musicales, toutes préparées et présentées par des personnes en situation d'itinérance.
Le thème de « Sans toit, ni choix » a tombé pile pour les organisateurs de l'Outaouais, puisque le directeur du Centre intégré de santé et des services sociaux de l'Outaouais (CISSSO), ayant fait des propositions irréalistes et irréalisables pour les personnes en situation d'itinérance alors que l'hiver avance à grand pas, a déclaré que si certains se retrouvent dehors au froid cet hiver, « ce sera par choix ». Il y a aussi eu une sortie de la municipalité pour dire qu'un campement de roulottes et de tentes dans le stationnement de l'aréna Guertin n'est pas conforme aux règlements municipaux. Comme c'est souvent le cas, des choix sont faits et des directives données, sans tenir compte des principaux intéressés qui ne cherchent qu'à former des petites communautés d'entraide et à s'abriter tant bien que mal loin des intempéries.
Cette situation met en relief à quel point le gouvernement basé sur un système électoral censé représenter le peuple est une fraude. Il ne représente pas la population et exclut ceux qui se retrouvent en situation d'itinérance. Les propositions et les projets prétentieux ne répondent pas à leurs besoins mais, au contraire, satisfont les promoteurs désireux de s'approprier des projets qui leur rapportent beaucoup d'argent.
C'est ce que font ressortir les auteurs d'une lettre signée par un groupe de campeurs du ruisseau de la Brasserie, un des endroits où les gens sans abri se sont regroupés pour survivre et s'entreaider. Cette lettre a été publiée dans le quotidien régional Le Droit. Dans son éditorial, la rédactrice en chef dit : « Cette année, Le Droit saisit l'occasion pour offrir aux gens vivant dans la rue notre espace éditorial et y publier une lettre signée par des itinérants parlant de leurs conditions de vie et demandant d'être consultés pour faire partie des solutions. »
En voici des extraits :
« Nous vivons au campement près du Gîte Ami et de l'aréna Guertin. Peut-être voyez-vous nos tentes en passant rue Saint-Rédempteur ou sur le bord du ruisseau ? Nous avons quelques mots à dire sur les enjeux les plus pressants pour notre communauté, qui s'efforce de survivre, tous les jours, à l'intérieur de votre société.
« L'arrivée de l'hiver marque le début de notre guerre contre le froid extrême : nous préparons nos réserves de Purel, de propane et de tentes. Les engelures sont fréquentes et la chaleur se fait rare. Nous sommes inquiets pour les personnes qui sont dans la rue pour la première fois : elles ne connaissent pas les techniques pour se chauffer ou rester en sécurité lors des gels. Nous pensions compter sur une Halte-Chaleur, mais le Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais (CISSSO) n'a prévu qu'une roulotte chauffée de 30 places assises. Le nombre de tentes sur le campement est probablement supérieur à 100. La roulotte ne suffira pas et beaucoup de personnes pourraient mourir d'hypothermie si nous n'avons pas mieux.
« À la suite de nombreuses mobilisations, nous avons eu une installation sanitaire composée de quatre douches et de quatre toilettes en juillet 2023. Cette installation n'a jamais bien été entretenue et nous nous sentons déshumanisés par l'insalubrité et le manque d'intimité et il est impossible de prendre une douche tous les jours. Dans les prochaines semaines, elle sera enlevée et nous n'aurons accès qu'à un nombre limité de toilettes chimiques. Nous tentons de garder notre espace propre et nous aimerions que cela soit pris en considération par les décideurs comme ils le font pour les festivaliers.
« Le CISSSO a engagé des gardes de sécurité pour surveiller le campement, mais ils ne prennent pas nos problèmes au sérieux, ce qui oblige notre communauté à intervenir dans des conflits et surdoses. De nombreuses personnes ont été sauvées par d'autres membres de la communauté. Pourtant, la Charte québécoise prévoit que tout être humain en péril a droit au secours. Nous sommes en danger et abandonnés par les pouvoirs publics...
« Un nombre croissant de personnes sont à leur première situation d'itinérance et le Gîte Ami est à pleine capacité – 60 lits pour plus de 700 personnes dénombrées l'année passée !...
« En Outaouais, selon un rapport de la Société canadienne d'hypothèque et de logement, le prix moyen d'un appartement est de 1 562 $ par mois. Certains ne reçoivent qu'un chèque d'aide sociale de moins de 850 $ : il est impossible de subvenir aux besoins de base avec cette somme aberrante. D'autres sont au campement en raison d'une erreur administrative, mais sont pris dans un système dont ils ne comprennent pas le fonctionnement. Il est urgent d'investir des ressources pour un campement offrant une vie décente.
« Avec l'appui de notre travailleuse de rue, nous avons formé un comité afin de revendiquer nos droits et nos besoins. Nous dénonçons le manque d'investissement de la part du CISSSO dans les ressources de base comme la nourriture, des installations sanitaires adéquates et des agents de sécurité formés et humains. Nous sommes une communauté de plus en plus organisée et composée de personnes engagées pour contribuer à trouver des solutions à toutes ces problématiques. Mais nous ne sommes jamais consultés lorsque vient le temps de prendre des décisions qui affectent nos vies. Nous vous rappelons, cher CISSSO et chère Ville de Gatineau, que nous sommes présents et disponibles pour participer aux discussions et aux prises de décisions concernant l'itinérance...
« Nous aimerions que les gens arrêtent de penser qu'on est bien
ici, qu'on est ici par choix. Le Purel et les chandelles sont
les seuls moyens de se réchauffer et de survivre à l'extérieur
l'hiver, parce qu'ici, c'est l'enfer. »
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 10 - Octobre 2023
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