La crise prend de l'ampleur

– K.C. Adams –



Dans son allocution sur le budget le 28 mars, la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland a déclaré : «L'année dernière, le Canada a enregistré la plus forte croissance économique parmi les pays du G7.» Elle a blâmé «Poutine et la pandémie» qui «ont fait grimper l'inflation dans le monde entier». «Les banques centrales ont réagi en lançant l'un des cycles de resserrement monétaire les plus rapides et les plus synchronisés depuis les années 1980.»

Son éloge de la solidité de l'économie canadienne frôle la folie quand on sait quelle grave crise économique s'est installée et ce que même les milieux d'affaires au Canada disent de l'économie. Comparez, par exemple, les remarques de la ministre des Finances à celles du Business Council of British Columbia, qui dit: «L'économie du Canada a commencé l'année 2023 avec de graves faiblesses structurelles : la quatrième économie avancée la plus endettée au monde ; le service de la dette du secteur privé le plus lourd des pays du G7 ; les pires perspectives de croissance du PIB par habitant et de la productivité du travail de l'OCDE des 40 prochaines années ; des investissements des entreprises qui suivent à peine la dépréciation, ce qui se traduit par une stagnation ou une diminution du stock de capital par travailleur ; et un recul de deux décennies du commerce international, avec des exportations qui diminuent en proportion du PIB. Les jeunes Canadiens qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail sont confrontés à la triste perspective d'une croissance des revenus réels moyens la plus faible parmi les 38 pays de l'OCDE sur la période 2020-2060.»

La ministre des Finances ne mentionne pas la crise économique qui s'intensifie. Dans l'immédiat, elle risque d'entraîner des licenciements massifs dans les secteurs de la technologie, de la santé et du vin, ainsi que l'effondrement de milliers de petites entreprises de ces secteurs ou leur rachat à peu de frais par les grands cartels (fonds spéculatifs, géants de la technologie, de la santé et de l'agroalimentaire).

La crise actuelle ressemble à plusieurs égards à celle de 2008, dans la mesure où ce sont les mêmes instruments financiers qui occupent le rôle central : prêts massifs (dans ce cas-ci pas à des acheteurs de maisons ou de voitures, mais à des entreprises en démarrage qui n'ont que peu ou pas de revenus pendant des années et qui doivent avoir constamment recours à l'emprunt pour couvrir leurs coûts) et stockage d'importants montants de dépôts par les prêteurs (Silicon Valley Bank (SVB) et autres) dans des obligations, sauf que dans le cas présent il s'agit principalement d'obligations d'État et non des titres adossés à des prêts hypothécaires à risque (junk securities) comme en 2008. Cependant, les obligations d'État sont sensibles aux taux d'intérêt. Leur valeur est inférieure au prix d'achat initial à chaque augmentation du taux d'intérêt.

Selon un article de presse, la SVB a imposé aux emprunteurs, comme condition de prêt, de conserver la totalité ou la majeure partie de leurs liquidités chez elle. Une grande partie de ces liquidités serait l'argent emprunté qui serait utilisé pour payer les employés, etc. des entreprises en démarrage, ainsi que tout montant provenant des opérations (s'il en est).

Presque tous les dépôts de la SVB sont supérieurs à la limite garantie de 250 000 dollars de la Federal Deposit Insurance Corp., ce qui rend les liquidités déposées indisponibles, à moins qu'elles ne soient retirées avant l'effondrement. Le gouvernement Biden a ensuite annoncé un sauvetage public de tous les déposants de la SVB et de la banque Signature en faillite, quel que soit le montant du dépôt.

Des rapports circulent qui laissent entendre qu'il y a eu corruption à la SVB, car certains initiés, y compris des fonctionnaires fédéraux, ont retiré des fonds déposés et vendu des actions de la SVB juste avant l'effondrement. Certaines personnes (qui ont été nommées dans les médias sociaux) ont vendu des actions de la SVB pour des millions de dollars juste avant l'effondrement. Tous ceux qui ont acheté ces actions sans être au courant de la situation de la banque ou qui détenaient d'autres actions de la SVB lorsque la banque s'est effondrée perdront des millions.

Le problème immédiat de la SVB est dû au fait que, comme d'autres institutions financières, elle a placé une grande partie de ses liquidités (dépôts) dans des obligations d'État à long terme à des taux d'intérêt peu élevés. Avec l'inflation des prix et la hausse des taux d'intérêt (déterminés par la Réserve fédérale), ces obligations ont perdu beaucoup de leur valeur. Cela signifie que si les banques veulent vendre ces obligations pour se procurer des liquidités, elles perdront une grande partie du montant de leur achat initial. (La valeur des obligations est inversement proportionnelle aux taux d'intérêt, sauf si elles sont conservées jusqu'à leur échéance.)

La SVB a été contrainte de vendre des milliards de dollars d'obligations à perte parce qu'elle n'avait plus assez d'argent dans ses coffres pour couvrir les retraits de ses clients commerciaux pour les salaires, etc. Cette situation a été aggravée par la diminution du nombre de nouveaux prêts en raison de la hausse des taux d'intérêt et du ralentissement du secteur de la technologie.

La SVB et les banques comparables dépendent d'une nouvelle demande constante d'emprunts et de dépôts de cet argent emprunté pour couvrir les retraits sur les comptes existants, mais elles ont surtout besoin que leurs comptes apparaissent positifs et que le cours de leurs actions augmente. Elles doivent également se prémunir contre toute course au retrait des dépôts par des déposants inquiets, ce qui ressemble à une chaîne de Ponzi. (Une chaîne de Ponzi nécessite un flux constant d'argent frais entrant pour servir l'argent sortant sans production réelle de valeur nouvelle, sinon très peu.)

Une banque similaire à New York (Signature) s'est également effondrée et le gouverneur de l'État a déclaré que tous les dépôts, quel que soit le montant de leurs dépôts, seraient garantis. Selon certains rapports, plusieurs autres banques de cette taille sont également sur le point de s'effondrer.

Certains rapports laissent entendre que le problème pourrait aller au-delà des petites entreprises en démarrage et impliquer les plus grandes entreprises du secteur des technologies telles qu'Uber, Shopify, Doordash et Airbnb, car la plupart d'entre elles dépendent de l'entrée constante de nouveaux prêts pour couvrir leurs activités en expansion, qui pour la plupart n'ont pas de flux de trésorerie positifs.

Le PDG de Shopify a déclaré sur son compte Twitter qu'il s'attend à un « impact mineur » pour l'entreprise. Tobi Lutke a écrit qu'une petite partie de ses flux de fonds opérationnels américains étaient liés à la SVB, mais que tout allait se passer normalement, sans rien dire au sujet de l'impact sur les vendeurs.

Cependant, les clients de Shopify sonnent déjà l'alarme en disant que leurs comptes ont été perturbés.

« Dimanche soir, M. Lutke a tweeté une copie d'un courriel que Shopify a envoyé aux commerçants, offrant notamment une assistance à ceux qui ont des comptes SVB et qui pourraient avoir des difficultés à payer les salaires. »

La plupart des commentateurs s'empressent de dire que cette crise est différente de celle de 2008 parce que les obligations sont garanties par le gouvernement et ne sont pas des obligations de pacotille, et que la seule raison pour laquelle les obligations ont perdu de la valeur est la hausse des taux d'intérêt (bien que le résultat soit le même). Le seul problème, selon eux, vient du fait que de nombreuses entreprises en démarrage (emprunteurs) sont risquées et n'ont pas de revenus positifs, mais la plupart ne sont pas « de mauvaise qualité ». Dans le même ordre d'idées, on pourrait dire que les emprunteurs de prêts hypothécaires et automobiles à risque en 2008 étaient risqués, mais cela n'a pas empêché les banques de regrouper les prêts sous forme d'énormes obligations et de les vendre aux entreprises.

Le fait est que la déréglementation permet à une banque comme SVB et Signature de prêter un montant pratiquement illimité sans se soucier du montant de ses dépôts ni même de sa capacité à fournir des liquidités à ses déposants existants lorsqu'ils en ont besoin. Les nouveaux prêts n'arrivant pas à la vitesse requise, la SVB a été contrainte de vendre un grand nombre de ses obligations à perte. Les déposants, informés des difficultés, ont commencé à retirer leurs dépôts en masse, ce qui a contraint la SVB à fermer ses portes.

La SVB était le partenaire bancaire de près de la moitié des entreprises technologiques et de santé cotées aux États-Unis en 2022.

En raison de la hausse des taux d'intérêt, les banques (et d'autres acteurs) se sont retrouvées avec des obligations à faible rendement qui ne peuvent être vendues rapidement sans perte. (Il s'agit d'obligations d'État et d'obligations adossées à des créances hypothécaires acquises lorsque les taux d'intérêt étaient proches de zéro.) Si un trop grand nombre de clients retirent leurs dépôts simultanément, il y a un risque de déclenchement d'un cycle car la nouvelle se répand rapidement. Ce risque est d'autant plus grand aujourd'hui que la plupart des déposants peuvent transférer leur argent rapidement à l'aide de leur téléphone intelligent.

Avant son effondrement, la SVB a vendu à perte 21 milliards de dollars de son portefeuille d'obligations afin d'obtenir des liquidités pour servir les déposants qui avaient besoin de retirer de l'argent. La SVB a également annoncé son intention de vendre des actions supplémentaires sur le marché boursier, ce qui a renforcé le soupçon que quelque chose n'allait pas. Pourtant, deux semaines seulement avant l'effondrement, les régulateurs bancaires américains ont donné à la SVB un certificat de bonne santé et les agences de notation ont continué de lui attribuer la très solide note AA. On apprend aujourd'hui que le PDG de la SVB a commencé à vendre ses actions quelques semaines avant l'effondrement.

Les emprunteurs de la SVB étaient également ses principaux déposants. Les emprunteurs, pour la plupart des entreprises en démarrage des secteurs de la technologie et de la santé, doivent maintenant faire face à des taux d'intérêt plus élevés et à un ralentissement du secteur technologique. (Meta/Facebook vient d'annoncer le licenciement de 10 000 employés additionnels.) Les entreprises en démarrage ont besoin d'un flux constant de nouveaux emprunts pour soutenir leurs projets, car les revenus sont lents au départ et, pour beaucoup, n'atteignent jamais un niveau suffisant pour soutenir les opérations. Avec des taux d'intérêt proches de zéro, cette situation a été viable pendant un certain temps, mais dès que les taux d'intérêt augmentent, de nombreuses entreprises en démarrage ne peuvent plus assurer le service de leurs prêts en cours et ne peuvent plus demander de nouveaux prêts.

Dans ce scénario, de nombreux emprunteurs ont commencé à retirer leurs dépôts de la SVB afin de poursuivre leurs activités. La SVB n'avait pas les liquidités nécessaires pour leur rendre leur argent, ce qui l'a obligée à puiser à perte dans son portefeuille d'obligations. (Les nouvelles obligations sur le marché ont des taux d'intérêt plus élevés, ce qui fait baisser la valeur des anciennes obligations en circulation qui ont des taux d'intérêt plus bas si elles ne sont pas conservées jusqu'à l'échéance.)

Comme toutes les entreprises financières qui détiennent l'argent des déposants, la SVB est loin de disposer de liquidités suffisantes (liquidités et autres avoirs tels que les obligations encaissables) pour restituer tous ses dépôts aux déposants, voire même une fraction des dépôts. En outre, la plupart des déposants de la SVB étaient des entreprises technologiques étroitement liées aux médias sociaux. L'inquiétude s'est rapidement répandue et, en quelques jours (le 9 mars), les déposants ont retiré 42 milliards de dollars, épuisant ainsi toutes les réserves disponibles de la SVB, y compris les obligations encaissées.

Dans l'ensemble, les banques américaines disposeraient d'environ 3 000 milliards de dollars de liquidités, contre 17 600 milliards de dollars de dépôts. Mais la plupart de ces liquidités ne sont qu'une page web sur laquelle est inscrit un montant. En fait, seuls 100 milliards de dollars (0,1 billion) sont détenus par les banques sous la forme de billets physiques dans des chambres fortes et des distributeurs automatiques de billets. Ainsi, les 17,6 billions de dollars de dépôts ne sont soutenus que par 3 billions de dollars de liquidités, dont 0,1 billion de dollars de liquidités physiques. Le reste est soutenu par des titres et des prêts moins liquides, comme dans le cas de la SVB.

Le président Biden a décidé de garantir les dépôts actuels de la SVB par l'intermédiaire de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) au-delà de la limite supérieure de 250 000 dollars. Cela signifie que les déposants pourront à terme retirer leur argent. Les investisseurs dans les actions boursières de la SVB risquent de perdre beaucoup. Il s'agit notamment des fonds de pension.

Selon un article paru le 13 mars, le groupe de pension suédois Alecta risque de perdre jusqu'à 12 milliards de couronnes suédoises (1,13 milliard de dollars) à la suite de l'effondrement de la Silicon Valley Bank. Alecta, qui gère environ 1,12 trillion de couronnes suédoises d'actifs, était le quatrième actionnaire de SVB Financial Group à la fin de 2022, avec une participation de 4,45 %. Le South Korea Pension Service, le California Public Employees Retirement Fund et des fonds de pension basés à Rhode Island, en Arizona, au Colorado, en Ohio, en Suède, aux Pays-Bas et dans d'autres pays perdront également de l'argent.

Le commerce de produits dérivés

Le commerce des produits dérivés a pris une ampleur considérable dans le monde entier. Les produits dérivés sont des titres papier désignant un paiement pour quelque chose suivant un taux dérivé d'une caractéristique du produit en question, comme les matières premières (par exemple, le pétrole, l'or), les actions, les obligations, les conditions météorologiques, les taux d'intérêt, les devises, etc. – en fait, tout ce sur quoi un acheteur et un vendeur peuvent se mettre d'accord peut être échangé.

Les produits dérivés jouent également un rôle dans la couverture des fluctuations de prix. Un acheteur doit acheter du pétrole dans six mois; il achète donc un dérivé pétrolier à un prix convenu et reçoit le pétrole dans six mois à ce prix, quelles que soient les variations du prix sur le marché.

Le commerce des produits dérivés est similaire à bien des égards aux plateformes de paris désormais courantes sur Internet, où l'on peut parier sur à peu près n'importe quoi.

Le commerce des produits dérivés est le marché mondial impérialiste sous stéroïdes, dominé par les grands cartels financiers (banques, fonds spéculatifs, etc.). La valeur des produits dérivés détenus est immense, comme le montrent les montants détenus par les banques américaines dans le graphique ci-dessous. Comme les produits dérivés concernent tout et n'importe quoi, leur volume est plus important que celui de n'importe quelle partie du marché, comme les marchés boursiers. Les produits dérivés peuvent être échangés par l'intermédiaire d'une bourse (par exemple, Chicago Mercantile) ou d'un marché de gré à gré entre une partie et une contrepartie.


(Statistica)

« Le marché des produits dérivés est, en un mot, gigantesque – souvent estimé à plus d'un quadrillion de dollars dans le haut de la fourchette. Comment cela est-il possible ? En grande partie parce qu'il existe de nombreux produits dérivés, disponibles sur pratiquement tous les types d'actifs d'investissement possibles, y compris les actions, les matières premières, les obligations et les devises. Certains analystes du marché estiment même que la taille du marché représente plus de 10 fois le produit intérieur brut (PIB) mondial », rapporte Investopedia.

Avant d'être racheté par UBS le 19 mars, le Credit Suisse détenait des billions de dollars de produits dérivés et est connu pour avoir subi des pertes lors de transactions au cours des dernières années. On soupçonnait depuis un certain temps qu'elle pourrait s'effondrer.

Le 15 mars, un site web d'échange a rapporté : « Le coût des dérivés de crédit liés à Credit Suisse Group AG atteint des niveaux qui rappellent la panique financière de 2008, après que le principal actionnaire du prêteur [Saudi National Bank] ait déclaré qu'il ne souhaitait pas augmenter sa participation. Ces mouvements sont exacerbés par le fait que les banques se précipitent pour acheter une protection contre un éventuel défaut de la société basée à Zurich afin de réduire leur risque de contrepartie sur les transactions, selon des personnes ayant connaissance du dossier. Au cours d'une journée de négociation chaotique, les cotations des swaps de défaut de crédit à un an étaient considérablement plus chères que les offres pour des durées plus longues, les prêteurs essayant de se doter d'une protection à court terme contre leur exposition au prêteur, ont déclaré ces personnes. »

Une faillite comme celle de la SVB perturbe le marché des produits dérivés parce que tous ses contrats dérivés s'effondrent. Le Credit Suisse était un cartel beaucoup plus important et d'envergure mondiale, l'une des trente institutions financières mondiales considérées comme des « institutions financières d'importance systémique (IFIS) » trop importantes pour faire faillite. Le Credit Suisse gérait les comptes de négociation de plusieurs cartels de fonds spéculatifs. Son actionnariat et son contrôle étaient mondiaux, les plus grandes participations du groupe se trouvant aux États-Unis, en France et en Arabie saoudite. Les propriétaires saoudiens ont fait savoir qu'ils ne mettraient plus d'argent dans le Credit Suisse. (Des retombées ont également eu lieu en raison de la saisie et du gel en Suisse de biens appartenant à des Russes, ce qui a entraîné une baisse récente des volumes d'investissement dans les institutions financières ayant leur siège en Suisse.)

La SVB détenait 27,7 milliards de dollars de produits dérivés, ce qui n'est pas une petite somme, mais ne représente que 0,05 % des 55 387 milliards de dollars détenus par JPMorgan, la plus grande banque américaine de produits dérivés, ou du montant détenu par le Crédit suisse.

Le marché des produits dérivés en Europe est estimé à 660 000 milliards d'euros.

Les renflouements des gouvernements

On trouvera ci-dessous quelques exemples des milliers d'entreprises déposantes de la Silicon Valley Bank que le gouvernement a renflouées à la suite de l'effondrement de la banque. Comme indiqué, le gouvernement renfloue également les déposants de la banque Signature en faillite. Six autres banques seraient au bord de la faillite.

Les dépôts sont assurés jusqu'à 250 000 dollars par une assurance payée conjointement par toutes les banques et gérée par la FDIC. Au-delà de ce montant, les dépôts ne sont pas assurés, à moins que le déposant ne souscrive à une assurance privée, ce que la plupart d'entre eux ne font pas. La FDIC agit en tant qu'administrateur judiciaire, ce qui signifie généralement qu'elle liquidera les actifs de la banque pour récupérer une partie des montants assurés qu'elle doit verser jusqu'à concurrence de 250 000 dollars. La FDIC n'a pas suffisamment de fonds en réserve pour payer plus que ce montant.

Un gros déposant (et emprunteur) typique de la SVB est Roku Inc. Fabricant d'un lecteur multimédia en continu, Roku a déclaré dans un document déposé auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis qu'environ 487 millions de dollars, soit 26 % de ses 1,9 milliard de dollars de liquidités, sont déposés auprès de la SVB. Roku a ajouté qu'elle pensait disposer de suffisamment de liquidités pour assurer son fonctionnement normal au cours des douze prochains mois, le solde restant de 1,4 milliard de dollars étant réparti entre d'autres grandes institutions financières.

L'année écoulée a été difficile pour Roku, comme pour beaucoup d'autres entreprises du secteur technologique. Bien que le nombre de téléspectateurs (clients) ait augmenté, les recettes stagnent car les annonceurs ont réduit leurs dépenses. Roku a également connu une baisse des ventes d'appareils. La stagnation des recettes est à mettre en regard de l'augmentation des dépenses due à l'inflation des prix et à la hausse des taux d'intérêt. Selon Yahoo Finance, « les dépenses d'exploitation de [Roku] au quatrième trimestre ont grimpé de 71 % d'une année sur l'autre, tandis que les recettes sont restées stables. Au lieu du modeste bénéfice enregistré en 2021, les opérations ont perdu la somme effrayante de 250 millions de dollars au quatrième trimestre. Au cours de l'année écoulée, alors que les recettes stagnaient, l'entreprise a enregistré une perte nette de 498 millions de dollars. En novembre 2022, l'entreprise a licencié environ 5 % de son personnel, mais cela pourrait ne pas suffire. L'entreprise prévoit une nouvelle perte nette de 205 millions de dollars au premier trimestre 2023. »

Un petit échantillon d'autres entreprises ayant d'importants dépôts à la SVB comprend la plateforme de jeux Roblox; Circle, une société de paiements basée sur la blockchain dont 3,3 milliards de dollars de sa crypto-monnaie Dollar Coin sont toujours détenus par la SVB; et, iRhythm Technologies, qui vend un dispositif portable qui surveille les rythmes cardiaques.

Selon certaines informations, la Réserve fédérale américaine a créé un fonds de prêt d'urgence pour soutenir le sauvetage des banques. Dans un premier temps, le fonds sera suffisamment important pour renflouer 175 milliards de dollars de dépôts. Ce fonds est similaire (mais beaucoup plus petit à ce stade) aux renflouements de 2008-2009. De nombreux observateurs estiment que les sauvetages de banques et d'autres entreprises par le gouvernement sont un facteur important de l'augmentation de la dette publique et de l'inondation du monde avec des dollars américains, ce qui contribue à l'inflation actuelle des prix.

La FDIC a déclaré qu'elle vendrait aux enchères tous les actifs de SVB et de Signature Bank et qu'elle imposerait éventuellement des cotisations spéciales ou des taxes aux banques pour récupérer ses pertes, si possible.

Parasitisme et putréfaction à l'oeuvre

Pendant le ralentissement économique dû à la pandémie, les banques américaines ont investi leurs liquidités excédentaires dans des obligations, ce qui a entraîné une augmentation de 44 % de leurs avoirs obligataires, qui atteignent aujourd'hui 5 500 milliards de dollars. La plupart de ces obligations sont assorties d'un faible taux d'intérêt jusqu'à leur échéance, dans de nombreuses années. En 2022, la Fed a commencé à relever les taux d'intérêt. Les nouvelles obligations sont désormais assorties de taux d'intérêt plus élevés. La plupart des obligations sont liquides en ce sens qu'elles peuvent être vendues, mais les obligations déjà achetées à des taux d'intérêt plus bas se vendront à un prix bien inférieur au prix d'origine (à payer à l'échéance), car le nouvel acheteur tient compte de la perte de valeur due à l'inflation, qui n'est pas couverte par le taux d'intérêt plus bas de l'obligation.

À la fin de l'année 2022, la FDIC américaine a indiqué que les pertes non réalisées sur les titres s'élevaient à 689,9 milliards de dollars au troisième trimestre, contre 469,7 milliards de dollars au deuxième trimestre. Il s'agit de pertes sur papier qui ne se sont pas encore transformées en pertes réelles.

Les pertes non réalisées sur les titres détenus jusqu'à l'échéance (obligations HTM) se sont élevées à 368,5 milliards de dollars au troisième trimestre, contre 241,8 milliards de dollars au deuxième trimestre. Les pertes non réalisées sur les titres disponibles à la vente se sont élevées à 321,5 milliards de dollars au troisième trimestre, contre 227,9 milliards de dollars au deuxième trimestre. (Les pertes non réalisées reflètent les pertes sur papier des titres détenus par les institutions financières, qui se réalisent lorsqu'ils sont vendus).

Les pertes non réalisées sont importantes pour les établissements de crédit car elles jouent un rôle dans la détermination du montant qu'ils peuvent prêter en fonction de la valeur monétaire qu'ils détiennent (exigences de fonds propres).

Pour atténuer l'impact des pertes sur leur bilan, les banques peuvent classer leurs titres dans les catégories HTM ou AFS. Ceux qui sont étiquetés HTM ne peuvent pas être vendus. Mais cela signifie que toute variation de la valeur de marché ne sera pas prise en compte dans les formules utilisées par les régulateurs pour calculer les exigences de fonds propres. En revanche, toute perte dans le panier AFS doit être évaluée à la valeur du marché et déduite des fonds propres de la banque (valeur monétaire).

Les bilans des banques américaines affichent d'énormes pertes sur papier. Si elles ont besoin d'argent et vendent leurs titres à perte, cela érode leur capital (valeur monétaire) et limite leur capacité à prêter.

Le Financial Times a lancé un avertissement il y a seulement trois mois, le 27 décembre 2022 : « Pour l'instant, les banques américaines restent inondées de liquidités et ne souffrent d'aucune tension financière évidente. Mais l'augmentation des sorties de dépôts et l'accroissement des pertes non réalisées pourraient devenir problématiques si elles devaient vendre des investissements pour répondre à des besoins de liquidités inattendus. Les avoirs obligataires pourraient devenir un point de pression important pour les banques en cas de marchés volatils. Les investisseurs devraient s'en préoccuper en 2023. »

Deux mois plus tard, en 2023, le président de la FDIC a déclaré : « La combinaison d'un niveau élevé d'échéances d'actifs à long terme et d'une baisse modérée du total des dépôts souligne le risque que ces pertes latentes se transforment en pertes réelles si les banques doivent vendre des titres pour répondre à des besoins de liquidités. »

Les tensions et les sorties de capitaux ont véritablement commencé au début de l'année 2023 dans le secteur technologique, mais elles s'intensifiaient depuis un certain temps. L'activité d'investissement dans le secteur technologique a chuté de manière significative au cours du dernier trimestre de 2021 et a continué à décliner tout au long de 2022 et encore cette année.

Les tensions et les pertes sont devenues évidentes dans le bilan de la SVB. La panique a commencé lorsque la SVB a tenté de lever des fonds pour couvrir ses pertes, ce qui est devenu de notoriété publique. L'inquiétude des détenteurs de dépôts s'est aggravée au début du mois de mars lorsque la SVB a annoncé qu'elle avait perdu 1,8 milliard de dollars sur la vente d'actifs dans le cadre de sa tentative de se procurer de l'argent en vendant des titres.

Le Financial Times pose la question rhétorique suivante : « Comment la SVB a-t-elle pu se retrouver dans cette position exposée ? Pourquoi n'a-t-elle pas été soumise à des tests de résistance ? Parce qu'en 2018, les réglementations ont été modifiées et que la SVB était une des premières à exercer des pressions pour que les réglementations onéreuses soient levées.

« Le cadre de la banque qui fait pression dans ce cas est le même Greg Becker qui a vendu pour 3,6 millions de dollars d'actions de la société dans le cadre d'un plan de négociation moins de deux semaines avant que l'entreprise ne révèle les pertes considérables qui ont conduit à sa faillite. La vente de 12 451 actions le 27 février était la première fois depuis plus d'un an que Becker vendait des actions de la société mère SVB Financial Group, selon les documents réglementaires. Il a déposé le plan qui lui a permis de vendre les actions le 26 janvier. »

Le Financial Times critique la Réserve fédérale : « On n'augmente pas les taux d'intérêt de manière record sur une économie qui utilise un effet de levier record pour une spéculation maximale sans s'attendre à des conséquences. Cela [l'effondrement de la SVB, Signature et probablement First Republic] devait clairement se produire, et maintenant nous voyons les maillons faibles de la chaîne se briser. Les domaines où la spéculation était la plus courante et la plus flagrante sont clairement en train de s'effondrer. Des années de prise de risque excessive se retournent contre eux. La situation va se dégrader très rapidement. »

La crise économique se profile à l'horizon

Les crises économiques surviennent régulièrement dans le cadre du système impérialiste. Les propriétaires individuels qui contrôlent l'économie socialisée et la politique de l'État ont pour objectif d'exproprier le plus possible de richesses sociales de ce que produisent les travailleurs. Cet objectif les pousse à parcourir la planète à la recherche de richesses sociales exploitables par des moyens de plus en plus risqués et dangereux pour les peuples et la Terre Mère elle-même. Le parasitisme, la guerre et la décadence sont omniprésents dans leur système de contrôle et leur objectif intéressé étroit. Étant donné l'interdépendance mondiale des oligopoles qui opèrent sous forme de cartels et de coalitions, et la concurrence extrême et souvent violente entre eux, les crises sont devenues de plus en plus dangereuses et destructrices.

Les peuples doivent prendre les choses en main et se donner les moyens de contrôler le système économique et politique et toutes les affaires qui affectent leur vie et la Terre Mère. Ils doivent créer de nouvelles formes de gouvernance avec une nouvelle orientation et un nouvel objectif pour l'économie afin d'humaniser l'environnement social et naturel dans des relations de paix et de coopération pour le bien de tous.

Les intérêts privés étroits qui ont créé des oligopoles agissant comme des cartels et des coalitions mènent la société et la Terre Mère à la ruine. Les peuples du monde mènent des batailles courageuses pour les arrêter, comme dans le cas de la classe ouvrière en France qui poursuit une grève militante contre les pouvoirs de police de la présidence française. Cela peut se faire ! Cela doit se faire !


Toulouse, France, 23 mars 2023

Ellen Brown : « Le tsunami imminent des produits dérivés »

Voici de larges extraits de l'article d'Ellen Brown publié le 12 mars sous le titre précité, suite à l'effondrement de la Silicon Valley Bank le 10 mars. Les commentaires du Marxiste-léniniste sont entre doubles parenthèses.

Toutefois, le fonds FDIC ne couvre qu'environ 2 % des 9 600 milliards de dollars de dépôts assurés aux États-Unis. ((Les dépôts inférieurs à 250 000 dollars sont protégés par l'assurance FDIC.)) Une crise nationale déclenchant des ruées sur les banques dans tout le pays, comme cela s'est produit au début des années 1930, anéantirait le fonds. Aujourd'hui, certains experts financiers prédisent une crise de cette ampleur sur le marché des produits dérivés d'un quadrillion de dollars et plus, en raison de la hausse rapide des taux d'intérêt.

[...]

En 2002, le méga-investisseur Warren Buffett a écrit que les produits dérivés étaient des « armes financières de destruction massive ». À l'époque, leur valeur « notionnelle » totale (la valeur des actifs sous-jacents dont les « dérivés » sont « dérivés ») était estimée à 56 000 milliards de dollars. Investopedia a rapporté en mai 2022 que la bulle des produits dérivés avait atteint une valeur estimée à 600 000 milliards de dollars selon la Banque des règlements internationaux (BRI), et que le total est souvent estimé à plus d'un quadrillion de dollars. Personne ne le sait avec certitude, car la plupart des transactions se font en privé.

Au troisième trimestre 2022, selon le Quarterly Report on Bank Trading and Derivatives Activities de l'Office of the Comptroller of the Currency (l'autorité fédérale de régulation des banques), un total de 1 211 banques commerciales et associations d'épargne américaines assurées, nationales et d'État, détenaient des produits dérivés, mais 88,6 % de ces produits dérivés étaient concentrés dans quatre grandes banques seulement : J.P. Morgan Chase (54 300 milliards de dollars), Goldman Sachs (51 000 milliards de dollars), Citibank (46 000 milliards de dollars), Bank of America (21 600 milliards de dollars), suivie de Wells Fargo (12 200 milliards de dollars). La liste complète est disponible ici. Contrairement à ce qui s'est passé en 2008-2009, lorsque les principaux problèmes liés aux produits dérivés étaient les titres adossés à des créances hypothécaires et les swaps sur défaillance, aujourd'hui, la catégorie la plus importante et la plus risquée est celle des produits de taux d'intérêt.

[...]

Mais ces derniers temps, [les produits dérivés] ont explosé pour devenir de puissants véhicules de spéculation à effet de levier (emprunter pour jouer). À la base, les produits dérivés ne sont que des paris – un casino géant dans lequel les joueurs se couvrent contre divers changements dans les conditions du marché (taux d'intérêt, taux de change, défaillances, etc.). Ils sont vendus comme une assurance contre le risque, qui est transféré à la contrepartie du pari. Mais le risque est toujours présent et si la contrepartie ne peut pas payer, les deux parties sont perdantes. Dans les situations « d'importance systémique », le gouvernement finit par payer la facture.

Comme sur un hippodrome, les joueurs peuvent parier sans avoir d'intérêt dans l'actif sous-jacent (le cheval). Cela a permis aux paris sur les produits dérivés d'atteindre plusieurs fois le PIB mondial et a ajouté un autre élément de risque : si vous ne possédez pas l'étable sur laquelle vous pariez, la tentation est grande de brûler l'étable pour obtenir l'assurance. Les entités financières qui prennent ces paris se couvrent généralement en pariant dans les deux sens, et elles sont fortement interconnectées. Si les contreparties ne sont pas payées, elles ne peuvent pas payer leurs propres contreparties, et l'ensemble du système peut s'effondrer très rapidement, un risque systémique appelé « effet domino »

C'est la raison pour laquelle les SIFI insolvables ont dû être renfloués lors de la crise financière mondiale de 2007-2009, d'abord avec 700 milliards de dollars d'argent public, puis par la Réserve fédérale grâce à l'« assouplissement quantitatif ». ((L'assouplissement quantitatif est une forme de politique monétaire utilisée par les banques centrales pour augmenter la masse monétaire nationale. Une banque centrale, comme la Réserve fédérale américaine, achète des titres sur le marché libre afin de réduire les taux d'intérêt et d'augmenter la masse monétaire. L'assouplissement quantitatif crée de nouvelles réserves bancaires, fournissant aux banques plus de liquidités et encourageant les prêts et les investissements. – Investopedia))

Les produits dérivés étaient au coeur de cette crise. Lehman Brothers était l'une des entités dérivées ayant pris des paris sur l'ensemble du système. Il en était de même pour la compagnie d'assurance AIG, qui a réussi à survivre grâce à un sauvetage colossal de 182 milliards de dollars de la part du Trésor américain; mais Lehman a été considérée comme trop faiblement collatéralisée pour être sauvée. Elle s'est effondrée et la Grande Récession a suivi.

Les produits dérivés sont en grande partie une création du système bancaire parallèle, un groupe d'intermédiaires financiers qui facilite la création de crédit au niveau mondial, mais dont les membres ne sont pas soumis à une surveillance réglementaire. Le système bancaire parallèle comprend également des activités non réglementées menées par des institutions réglementées. Il comprend le marché des pensions, qui s'est développé comme une sorte de prêteur sur gages pour les grands investisseurs institutionnels disposant de plus de 250 000 dollars à déposer. Le marché des pensions est un endroit sûr pour ces prêteurs, y compris les fonds de pension et le Trésor américain, où ils peuvent placer leur argent et gagner un peu d'intérêt. Mais sa sécurité n'est pas assurée par la FDIC, mais par des garanties solides fournies par les emprunteurs, de préférence sous la forme de titres fédéraux.

Comme l'explique le professeur Gary Gorton :

« Ce système bancaire (le système bancaire 'parallèle' ou 'fantôme') – l'accord de rachat (repo) basé sur la titrisation – est un véritable système bancaire, aussi important que le système bancaire traditionnel réglementé. Il est d'une importance capitale pour l'économie car il constitue la base de financement du système bancaire traditionnel. Sans elle, les banques traditionnelles ne prêteront pas et le crédit, qui est essentiel à la création d'emplois, ne sera pas créé. »

S'il est vrai que les banques créent l'argent qu'elles prêtent simplement en inscrivant les prêts sur les comptes de leurs emprunteurs, elles ont toujours besoin de liquidités pour compenser les retraits; et pour cela, elles s'appuient largement sur le marché des pensions, dont le chiffre d'affaires quotidien dépasse les 1 000 milliards de dollars rien qu'aux États-Unis. Le commentateur financier britannique Alasdair MacLeod fait remarquer que le marché des produits dérivés s'est construit sur le crédit repo bon marché. Mais les taux d'intérêt ont grimpé en flèche et le crédit n'est plus bon marché, même pour les institutions financières.

Selon un rapport de la Banque de règlements internationaux (BRI) datant de décembre 2022, 80 000 milliards de dollars de produits dérivés de change hors bilan (documentés uniquement dans les notes de bas de page des rapports bancaires) sont sur le point d'être réinitialisés (reconduits à des taux d'intérêt plus élevés). [...] Une autre bombe à retardement fait parler d'elle : le Crédit Suisse, une banque suisse géante spécialisée dans les produits dérivés, a été victime d'une ruée de 88 milliards de dollars sur ses dépôts de la part de grands investisseurs institutionnels à la fin de l'année 2022. La banque a été renflouée par la Banque nationale suisse grâce à des lignes de swap avec la Réserve fédérale américaine à un taux d'intérêt de 3,33 %.

[...]

[L]'amendement de 2005 à la Loi sur les faillites, qui stipule que les garanties déposées par les emprunteurs insolvables pour les prêts repo et les produits dérivés bénéficient d'un statut de "sphère de sécurité" qui les exempte de toute récupération par le tribunal des faillites. Lorsque Lehman a semblé en difficulté, les négociants en pensions et en produits dérivés se sont tous empressés de réclamer les garanties avant qu'elles ne soient épuisées, et le tribunal n'a pas eu le pouvoir de les en empêcher.

[...]

[L]'exemption de la sphère de sécurité est une caractéristique essentielle du système bancaire parallèle, dont il a besoin pour fonctionner. Comme les banques traditionnelles, les banques parallèles créent des crédits sous la forme de prêts garantis par une « dette exigible », c'est-à-dire des prêts à court terme ou des dépôts qui peuvent être rappelés à la demande. Dans le système bancaire traditionnel, la promesse que le déposant peut récupérer son argent à la demande est rendue crédible par l'assurance des dépôts soutenue par le gouvernement et l'accès au financement de la banque centrale. Les banques parallèles avaient besoin de leur propre variante de « dette exigible », et elles l'ont obtenue grâce au privilège de la « super-priorité » en cas de faillite.

Le statut de sphère de sécurité accorde le privilège d'être exclu du sursis obligatoire et, fondamentalement, de toutes les autres restrictions. Les prêteurs de la sphère de sécurité, qui comprennent actuellement les pensions et les marges sur les produits dérivés, peuvent immédiatement reprendre possession et revendre les biens mis en gage. Cela confère aux pensions de titres et aux produits dérivés une priorité extraordinaire sur toutes les autres créances, y compris les créances fiscales et salariales, les dépôts, les crédits garantis réels et les créances d'assurance

Le dilemme de notre système bancaire actuel est que les prêteurs n'avanceront pas les liquidités à court terme nécessaires pour financer les prêts repo sans une garantie à toute épreuve; mais la garantie qui rend l'argent du prêteur sûr rend le système lui-même très risqué. Lorsqu'un débiteur semble être sur un pied d'égalité, on peut s'attendre à une ruée des créanciers privilégiés pour s'emparer de la garantie, dans une ruée vers la sortie qui peut propulser un débiteur autrement viable vers la faillite; c'est ce qui est arrivé à Lehman Brothers [crise de 2008].

Les produits dérivés ont bénéficié d'une « sphère de sécurité » parce que leur défaillance était également considérée comme un risque systémique. Cela pouvait déclencher un « effet domino », entraînant l'effondrement de l'ensemble du système.

[...]

Les dérivés de taux d'intérêt sont particulièrement vulnérables dans le contexte actuel de taux d'intérêt élevés. De mars 2022 à février 2023, le taux préférentiel (le taux que les banques appliquent à leurs meilleurs clients) est passé de 3,5 % à 7,75 %, ce qui représente une hausse radicale. L'analyste de marché Stephanie Pomboy parle de « choc des taux d'intérêt ». Le marché ne sera vraiment touché que lorsque les contrats à taux variable seront réinitialisés, mais 1 000 milliards de dollars de contrats d'entreprises américaines doivent être réinitialisés cette année, un autre billion l'année prochaine, et encore un autre l'année suivante.

Quelques faillites bancaires sont gérables, mais un choc de taux d'intérêt sur l'énorme marché des produits dérivés pourrait entraîner l'effondrement de toute l'économie. Comme l'a écrit Michael Snyder dans un article de 2013 intitulé « A Chilling Warning About Interest Rate Derivatives » (« Un avertissement glaçant sur les produits dérivés de taux d'intérêt »)

Une hausse rapide des taux d'intérêt va-t-elle déchirer le système financier américain comme une lame de tondeuse à gazon géante ? Oui, l'économie américaine a survécu à des taux d'intérêt beaucoup plus élevés dans le passé, mais à l'époque, il n'y avait pas des centaines de milliers de milliards de dollars de produits dérivés de taux d'intérêt suspendus au-dessus de notre système financier comme une épée de Damoclès.

Une hausse des taux d'intérêt pourrait faire éclater la bulle des produits dérivés et provoquer des « faillites massives dans le monde entier » [citant le milliardaire mexicain Hugo Salinas Price]. Bien sûr, beaucoup de gens seraient ravis de voir les banques « trop grandes pour faire faillite » faire faillite, mais la vérité est que si elles s'effondrent, c'est toute notre économie qui s'effondrera avec elles. [...] Tout notre système économique repose sur le crédit et, comme nous l'avons vu en 2008, si les grandes banques commencent à faire faillite, le crédit se bloque et, soudain, plus personne ne peut obtenir d'argent pour quoi que ce soit. [...]

((La moitié restante de l'article d'Ellen Brown contient ses propositions pour réformer le système bancaire d'une manière qui, selon elle, bénéficierait aux citoyens. Ce faisant, elle présente les actions que les peuples pourraient entreprendre dans le présent pour défendre ce qui leur appartient de droit mais, curieusement, elle utilise ensuite ces énoncés de politiques pour nier la nécessité de créer de nouvelles formes qui résoudraient la crise en leur faveur. La crise découle d'un système impérialiste dysfonctionnel et n'est pas une question de mauvaises politiques et de mauvais comportements comme tels. Aussi corrompues et moralement répréhensibles soient-elles, elles sont dans l'ordre des choses et les « bonnes politiques » ne sont pas favorisées lorsque l'économie est réduite à un casino mondial dans lequel les choses vont de mal en pis.

((L'économie socialisée s'est répandue dans le monde entier avec des forces productives dirigées par une classe ouvrière moderne mais capturées dans des rapports de production sous le contrôle d'intérêts privés étroits supranationaux, une classe sociale qui n'est plus pertinente mais qui s'accroche par l'oppression, la destruction et la guerre. Pour établir leur propre point de vue, les travailleurs doivent régler leurs comptes avec la vieille conscience de la société et se battre pour ce qui leur revient de droit dans cette perspective.))

(Traduction des citations d'Ellen Brown par Robert Kissous)


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Volume 53 Numéro 3 - Mars 2023

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