Une intégration accélérée aux plans de guerre des États-Unis
L'utilisation de l'expression « Pour le Canada » pour décrire le budget fédéral de 2023 aura fait sourciller beaucoup d'observateurs, car en effet, pourquoi le budget ne serait-il pas « Pour le Canada » ? L'expression est clairement utilisée pour cacher quelque chose, et ce quelque chose, c'est la nature véritable des plans de l'élite dirigeante du Canada qui suivent une stratégie de destruction nationale et d'intégration accélérée à l'économie de guerre des États-Unis.
La fraude apparaît dans l'analogie donnée au chapitre du budget traitant du « Plan pour le Canada », où l'intégration du Canada à la sécurité énergétique et minérale des États-Unis est comparée au chemin de fer transcontinental sur lequel le Canada a été construit. « La course à la construction d'une économie mondiale propre est déjà en cours, lit-on dans le budget, et un nouveau projet national nous attend : construire la version de notre génération du chemin de fer transcontinental, qui protégera notre environnement, fera croître notre économie et fera en sorte que chaque Canadienne et chaque Canadien puisse profiter de la prospérité que nous créerons ensemble. »
Le « nouveau projet national » est basé sur les plans stratégiques des États-Unis annoncés en août 2022 avec l'adoption de la Inflation Reduction Act. Il est une réponse à la demande américaine. Le plan américain demande en fait au Canada de consolider son statut d'arrière-cour sûre des États-Unis dans leur tentative de s'affranchir de leur dépendance à l'égard de la Chine pour les mineraux essentiels. Avec ce budget, le Canada annonce qu'il fournira aux entreprises privées 80 milliards de dollars en allégements fiscaux et autres mesures pour répondre à l'obligation du Canada envers le plan américain.
Le rôle du Canada est « de devenir une superpuissance en électricité propre, dotée d'un réseau électrique pancanadien plus abordable, plus durable et plus sécuritaire ». Il doit également fournir les minéraux essentiels : « Qu'il s'agisse de la main-d'oeuvre du secteur des ressources qui extrait des minéraux critiques ou fournit de l'énergie propre au monde entier, des ingénieures et ingénieurs qui conçoivent des batteries de nouvelle génération ou des travailleuses et des travailleurs de l'automobile qui assemblent les véhicules électriques que les gens veulent acheter, nous pouvons nous assurer que les Canadiens produisent les biens et les ressources dont le Canada et ses alliés auront besoin pour les générations à venir. »
Cette orientation du budget est d'ailleurs mise en évidence par une référence spécifique à la demande américaine d'orienter les stratégies nationales en fonction de l'« amilocalisation », qui fait partie de la réponse des États-Unis à la crise à laquelle est confronté l'« ordre international fondé sur des règles ». La solution consiste à diviser le monde entre « amis et ennemis » et à cibler par l'agression et les sanctions les pays qui ne se soumettent pas à l'hégémonie américaine, faisant du Canada le complice d'une escalade très dangereuse de l'hystérie guerrière. Le budget considère que cela « représente une importante occasion économique pour le Canada et pour la main-d'oeuvre canadienne » car « le Canada peut profiter de nombreux avantages en devenant un fournisseur fiable de biens essentiels pour ses alliés démocratiques ».
C'est tout sauf un projet d'édification nationale canadien. Le budget met au défi les mouvements de la classe ouvrière au Canada et aux États-Unis de s'opposer à la machine de guerre américaine et, au Canada, de s'opposer à l'intégration dans cette machine de guerre au nom de grands idéaux. Dans une entrevue avec Empower Yourself Now sur les défis auxquels font face les travailleurs canadiens en ce moment, Pierre Chénier, secrétaire du Centre ouvrier du PCC(M-L), a souligné : « Au nom de bons emplois syndiqués et d'une économie verte, on dit aux travailleurs canadiens d'appuyer les plans de l'administration Biden aux États-Unis. Le gouvernement Trudeau a approuvé les plans du Pentagone de cibler la Chine et il agit de concert avec les agences de renseignement qui font la promotion de ces plans. Selon eux, la Chine et la Russie sont les ennemis et le Canada est en sécurité dans l'équation États-Unis/OTAN/NORAD.
« Les Canadiens veulent que le Canada soit une zone de paix. Ils veulent que le Canada respecte l'état de droit international, et non l'ordre américain fondé sur des règles, qui permet de commettre des crimes contre l'humanité au nom d'idéaux élevés. »
Pierre a donné l'exemple des positions chauvines imposées aux travailleurs industriels canadiens, aux mineurs, aux travailleurs des chemins de fer et des transports, entre autres. Il a dit :
« Le 28 mars, en prévision du budget fédéral et de ses subventions aux riches au nom des emplois verts et de la transition écologique, le dirigeant national du Syndicat des Métallos a tenu des propos scandaleux que tous les travailleurs devraient rejeter parce qu'ils ne constituent pas une voie d'avenir pour les travailleurs américains ou canadiens. »
Dans un communiqué de presse du syndicat, le président des Métallos a dit :
« Avec sa Loi sur la réduction de l'inflation, le président Biden s'est engagé à consacrer des centaines de milliards de dollars à la lutte contre le changement climatique, à l'investissement dans les infrastructures et à la création explicite de bons emplois syndiqués. Il sait bien que les travailleurs canadiens, l'extraction et la transformation de nos ressources et les produits que nous fabriquons sont essentiels pour atteindre ses objectifs climatiques et économiques. Le premier ministre et les membres de son cabinet ont affirmé aux travailleurs qu'ils comprenaient cela aussi. Ce budget est l'occasion pour eux de tenir leurs promesses. »
Le communiqué de presse ajoute : « Tout comme l'aluminium, l'acier, le ciment et le bois canadiens, des minéraux critiques, notamment le nickel, le charbon sidérurgique, le cobalt, le cuivre, le lithium, l'indium et le tellure, sont extraits et produits au Canada avec des impacts carbone nettement moins importants et par des travailleurs souvent soutenus par de bons emplois syndiqués.
« En plus de demander une amélioration de l'accès à l'assurance-emploi et des investissements pour développer les soins de santé, y compris les soins dentaires et l'assurance-médicaments, [le président du syndicat] a souligné que les investissements pour un plan d'emplois durables et l'engagement à mettre en valeur les produits à plus faible teneur en carbone du Canada sont essentiels si le gouvernement veut vraiment soutenir les travailleurs canadiens et obtenir davantage d'exemptions aux règles américaines ‘Buy America'. »
Le président des Métallos a poursuivi : « De la promesse d'une loi anti-scabs à l'investissement dans ce qui a été appelé la ‘transition juste', ce gouvernement a beaucoup parlé de soutenir les travailleurs canadiens, mais le président Biden nous a montré à quoi ressemble une action réelle.
« Pour s'assurer que les emplois syndiqués de haute qualité qui soutiennent les familles restent au Canada et que nos deux pays atteignent les objectifs d'une économie à faible émission de carbone, les travailleurs ont besoin que le gouvernement du Canada saisisse cette occasion pour mériter notre place en tant que partenaire dans les plans du président Biden. » [Notre souligné]
Pierre a également souligné ce que la présidente d'Unifor a dit lorsqu'elle est intervenue au congrès des Travailleurs unis de l'automobile aux États-Unis le 27 mars :
« La semaine dernière, j'ai assisté à un dîner officiel pour accueillir votre président, Joe Biden, au Canada. Moi et quelques centaines d'autres Canadiens.
« Le président Biden n'a pas seulement apporté un message d'opportunités partagées et d'unité, il a aussi apporté un message de solidarité. Je ne pense pas que le mot ‘syndicat' ait été mentionné autant de fois, d'une manière aussi positive, dans l'histoire de notre Chambre des communes. Cela m'a remplie de fierté....
« Je dirai que, de notre point de vue, ce que font les États-Unis – et l'administration Biden en particulier – en matière de politique économique et industrielle est tout à fait impressionnant. Je n'ai jamais vu un gouvernement, quel qu'il soit, faire preuve d'autant d'ambition pour rapatrier des produits manufacturés essentiels, investir dans les chaînes de valeur nationales et promouvoir les technologies propres.
« Si c'est la course pour l'économie que les États-Unis ont entamée, c'est une très bonne course. Et c'est une course que le Canada et les États-Unis, comme la plupart des choses, gagneront en tant que colistiers. Une course qui sera gagnée en garantissant de bons emplois, avec des conventions collectives, pour tous. [Notre souligné]
« Une course qui sera définie par ses politiques centrées sur les travailleurs en ce qui concerne les rabais accordés aux consommateurs de véhicules électriques.
« Nos membres ont été incroyablement soulagés de voir que la loi sur la réduction de l'inflation prévoyait une exception pour le Canada », a-t-elle déclaré. [Notre souligné]
Pierre a condamné cet éloge du Canada en tant que « partenaire des plans du président Biden », le Canada cherchant à « être intégré » dans la Loi sur la réduction de l'inflation, « le Canada en tant que compagnon » des États-Unis dans leur « très, très bonne » « course pour l'économie ».
« Voici un défi lancé aux travailleurs », a dit Pierre Chénier. « Le défi consiste à réfuter l'esprit de politique d'apaisement des États-Unis, qui ne résout pas la crise généralisée dans laquelle ils sont embourbés et qui s'aggrave à grands pas, et à intensifier leur lutte pour une économie qui réponde aux besoins du peuple, qui soit contrôlée par le peuple et qui contribue à la coopération entre les peuples. »
« La menace est évidente dans ces discours, car on dit aux travailleurs que si le Canada n'est pas un partenaire dans les plans de Joe Biden, leurs emplois et leurs syndicats sont finis. Pourquoi ne pas discuter de ce qui arrive aux syndicats, aux emplois et aux travailleurs dans le cadre de ces plans et de la manière de résoudre efficacement les problèmes auxquels nous sommes confrontés au Canada et auxquels sont confrontés les travailleurs aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France, en Grèce et dans d'autres pays en raison de l'offensive antisociale néolibérale, de l'anarchie et de la violence qui règnent en conséquence du conflit entre l'Autorité et les Conditions ?
« Seuls les travailleurs eux-mêmes devraient être autorisés à parler en leur nom », a conclu le secrétaire du Centre ouvrier.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 3 - Mars 2023
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