Visite du Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones
Le rapporteur spécial des Nations unies José Francisco Cali-Tzay
(deuxième à partir de la gauche) visite le Centre national pour
la vérité et la réconciliation à Winnipeg, le 7 mars 2023.
José Francisco Cali-Tzay, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, a visité le Canada du 1er au 10 mars. Il s'est rendu à Ottawa, Montréal, Winnipeg, Edmonton et Vancouver, où il a rencontré des représentants de gouvernement et des organisations autochtones, notamment l'Assemblée des Premières Nations, l'Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis. Il s'est également rendu dans des communautés autochtones et a également rencontré des organisations non gouvernementales. Au cours de sa visite, le rapporteur spécial a examiné un large éventail de questions touchant les Premières nations, les Inuits et les Métis, notamment la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le droit à l'autodétermination, à la terre et aux ressources, ainsi que les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les sépultures anonymes associées aux pensionnats, la langue et la culture, ainsi que le consentement préalable, libre et éclairé.
La page d'information du Haut-Commissariat de l'ONU pour les droits de l'homme dit que José Francisco Cali-Tzay « est Maya Kaqchikel du Guatemala, avec une expérience dans la défense des droits des Peuples autochtones, tant au Guatemala qu'au niveau des Nations unies et de l'Organisation des Etats Américains ». La dernière visite du rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au Canada remonte à octobre 2013, lorsque le poste était occupé par l'avocat américain James Anaya, qui avait déclaré : « D'après tout ce que j'ai appris, je ne peux que conclure que le Canada est confronté à une crise en ce qui concerne la situation des peuples autochtones du pays. »
Le 10 mars, José Francisco Cali-Tzay a publié une déclaration de fin de mission, dont voici des extraits. Il présentera son rapport final au Conseil des droits de l'homme en septembre. Il ressort clairement de cette déclaration que le traitement réservé par le Canada aux populations autochtones demeure une situation critique.
« En ma qualité de Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, je suis heureux de vous faire part de mes observations et recommandations préliminaires à la fin de ma visite officielle au Canada qui a eu lieu du 1er au 10 mars 2023. L'objectif de ma visite était de comprendre, dans un esprit de coopération mutuelle et de dialogue constructif, comment le Canada met en oeuvre les droits des peuples autochtones, afin d'identifier à la fois les bonnes pratiques et les obstacles potentiels et de proposer des recommandations concrètes pour surmonter les défis que j'ai observés. Mon évaluation finale et mes recommandations au gouvernement Canadien seront ultérieurement présentées dans un rapport écrit au Conseil des droits de l'homme à sa 54e session cette année. Malheureusement, en raison du peu de temps dont nous disposons, mes observations préliminaires ne refléteront pas l'ensemble des questions portées à mon attention, ni toutes les initiatives des gouvernements fédéral et provinciaux liées aux droits des peuples autochtones.
[...]
« La surreprésentation des personnes autochtones dans le système judiciaire pénal doit être contextualisé autour du colonialisme et du traumatisme intergénérationnel lié aux pensionnats. Les taux disproportionnellement élevés de personnes autochtones en milieu carcéral ont été liés à la discrimination raciale structurelle à tous les niveaux, y compris les actions policières, le système judiciaire et les services correctionnels. Les femmes autochtones et les personnes de diverses identités de genre sont les plus touchées, représentant environ 50 % de l'incarcération des femmes au Canada, même si elles représentent moins de 4 % de la population du pays. Dans les provinces centrales, y compris la Saskatchewan et le Manitoba, les chiffres atteignent 85 %. Les peuples autochtones sont détenus de manière disproportionnée dans des établissements à sécurité élevée et ont un accès limité aux programmes de réadaptation culturellement adaptés et sont soumis de manière disproportionnée au recours à la force et à l'isolement. Je n'ai pas observé de mesures d'adaptation spécifiques pour les détenus de diverses identités de genre.
[...]
« La relation des peuples autochtones avec leurs terres et territoires joue un rôle central dans la définition de leur identité en tant que peuples distincts. Au cours de ma visite, j'ai entendu à maintes reprises qu'une véritable réconciliation ne peut être réalisée qu'en respectant les traités existants et en prévoyant une restitution et une indemnisation pour la perte de terres, de territoires et de ressources. Je salue la décision rendue en 2017 par la Cour suprême du Canada, Nation Tsilhqot in c. Colombie-Britannique, la première déclaration de titre autochtone de l'histoire du Canada. Cependant, on m'a informé qu'en raison des coûts élevés et de la complexité des processus judiciaires et de négociation des traités, certains peuples autochtones doivent abandonner leurs revendications territoriales. De plus, j'ai entendu parler de la perte de confiance lorsque les gouvernements fédéral et provinciaux continuent d'exploiter les terres et les ressources alors que des traités modernes sont en cours de négociation.
« Au cours de ma visite, j'ai été informé qu'un grand nombre de mégaprojets dans les territoires autochtones se déroulent sans consultation de bonne foi et en l'absence du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones concernés, comme dans le cas du pipeline Trans Mountain. Je suis également préoccupé par la militarisation continue des terres autochtones et la criminalisation des défenseurs des droits humains autochtones qui résistent aux pipelines Trans Mountain et Coastal GasLink en Colombie-Britannique. J'exhorte le gouvernement du Canada à mettre fin à ces violations et à adopter des mesures adéquates pour garantir le droit des peuples autochtones à la consultation, au consentement préalable libre et éclairé et aux droits fonciers et leurs droits sur les terres, les territoires et les ressources.
[...]
« Les peuples autochtones sont de plus en plus confrontés à des catastrophes naturelles et à d'autres situations d'urgence telles que les incendies de forêt, les inondations, la déforestation et les phénomènes météorologiques extrêmes, souvent dus aux activités des industries extractives ou exacerbés par celles-ci. Le changement climatique, y compris la menace de déplacement dû à l'érosion côtière, a créé de nouveaux défis pour la sécurité du logement. Je demande au gouvernement du Canada de consulter les peuples autochtones pour relever ces défis, notamment en soutenant les initiatives dirigées par les peuples autochtones pour conserver la biodiversité et prévenir les catastrophes et la dégradation environnementales. Je réitère les conclusions de mon rapport thématique de 2022 au Conseil des droits de l'homme selon lesquelles les femmes autochtones sont des agents de changement actifs dans la société et des championnes de la durabilité, leurs connaissances scientifiques ont un rôle clé à jouer dans la sauvegarde des écosystèmes et pour la garantie de la justice et de l'équité environnementales.
[...]
« Je voudrais terminer ma déclaration en réaffirmant que les peuples et les individus autochtones doivent être exempts de toute forme de discrimination raciale, dans l'exercice de leurs droits. Les droits humains sont universels, indivisibles et interdépendants, et tous les peuples autochtones devraient avoir des droits et des chances équitables. J'invite le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires à profiter de cette occasion pour promouvoir une réconciliation fondée sur une relation de nation à nation avec les peuples autochtones. Je tiens à souligner que le Canada a assuré qu'il travaillait à un avenir transformateur qui respecte et protège les droits des peuples autochtones à l'autodétermination, aux terres, aux territoires et aux ressources. »
Pour le texte complet de la déclaration de fin de mission, cliquer ici.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 3 - Mars 2023
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