Campagne de peur du SCRS à propos d'ingérence de la Chine dans les élections canadiennes
Les accusations de Justin Trudeau au sujet d'une ingérence de la Chine dans les affaires politiques du Canada, y compris ses élections, semblent avoir été suscitées par la propagande que fait le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) à la demande des agences de renseignement de l'Alliance des Cinq Yeux au service des objectifs de guerre américains et britanniques. L'influence de l'agence d'espionnage sur les affaires politiques est de plus en plus visible dans les travaux parlementaires. En novembre, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes (PROC) a tenu deux réunions pour étudier l'ingérence étrangère dans les élections canadiennes.
Le Globe and Mail a écrit qu'Adam Fisher, directeur général, évaluation du renseignement, au SCRS, a déclaré au PROC que la Russie et la Chine « ont tendance à être les deux principaux acteurs dans ce domaine » et que « la Chine est le 'principal agresseur' en matière d'ingérence étrangère dans les pays occidentaux et 'est portée à travailler au sein de leurs systèmes politiques pour les corrompre' ».
Quelques jours plus tard, des médias canadiens ont dit qu'à partir de janvier, des responsables du SCRS ont remis une série de mémos et breffages au premier ministre et à plusieurs ministres qui alléguait que la Chine « avait ciblé le Canada avec une vaste campagne d'ingérence étrangère, qui comprend le financement d'un réseau clandestin formé d'au moins 11 candidats aux élections fédérales de 2019 ». Selon Global News, « ces efforts impliqueraient des paiements par l'entremise d'intermédiaires à des candidats affiliés au Parti communiste chinois, le placement d'agents dans les bureaux de députés afin d'influencer la politique, la recherche de cooptation et de corruption d'anciens fonctionnaires canadiens pour obtenir un levier à Ottawa, et le montage de campagnes agressives pour punir les politiciens canadiens que la République populaire de Chine considère comme des menaces à ses intérêts. »
Les médias citent d'anciens responsables du SCRS qui affirment que l'ingérence présumée est due à une législation laxiste qui a laissé des « failles » permettant l'ingérence, lesquelles devraient être éliminées par une nouvelle loi. Différents exemples de ces « opérations d'influence » chinoises sont donnés.
Toutefois, les propos alarmistes ne semblent être que cela, et ni les remarques du SCRS au PROC ni les reportages des médias ne concordent avec l'expérience d'Élections Canada et du commissaire aux élections fédérales, à qui on n'a pas soumis de cas d'infractions à la Loi électorale du Canada.
Le directeur général des élections, Stéphane Perrault, a témoigné devant le PROC le 22 novembre. Lorsque le député Michael Cooper lui a demandé : « Est ce que le premier ministre ou un membre de son Cabinet a rapporté ces renseignements au sujet d'une campagne d'ingérence de Pékin ? », Stéphane Perrault a répondu : « Je ne connais pas les détails relatifs à une campagne d'ingérence de Pékin, sauf ce qu'on a pu lire dans les journaux [l'article de Global News]. » Lorsqu'il lui a été demandé de préciser « que le premier ministre et les membres de son Cabinet n'ont pas déclaré ces renseignements », Stéphane Perrault a déclaré : « C'est ce que j'ai dit, madame la présidente. Je tiens à rappeler aux membres du Comité que, contrairement au mien, le mandat de la commissaire aux élections fédérales est d'enquêter sur les cas de non-conformité. S'il y a des renseignements qui pourraient donner lieu à une enquête relative à une infraction en vertu de la Loi électorale du Canada, ils devraient être transmis à la commissaire aux élections fédérales. » Il a ajouté : « Je n'ai pas reçu de rapport au sujet de cas précis de non-conformité à la loi ou de l'ingérence de la Chine dans les élections » et ne savait pas non plus si la commissaire aux élections fédérales avait reçu un tel rapport.
Quoi qu'il en soit, le SCRS a continué d'être le point de référence des membres du PROC. Lors d'autres questions, le député Ryan Turnbull a demandé à Stéphane Perrault : « À votre avis, est ce que les élections de 2019 étaient justes et libres ? » Le directeur général des élections a répondu : « Madame la présidente, je n'ai aucune raison de croire que les élections, dans leur ensemble, n'étaient pas justes et libres. » Il a répondu à une question complémentaire sur l'élection de 2021 en disant : « À mon avis, il n'y a aucune raison de croire que les élections [celles de 2021] n'étaient pas libres et justes. »
En réponse à d'autres questions allant dans ce sens, Stéphane Perrault a conseillé aux membres du PROC : « Il faut faire attention quant aux articles de journaux et aux médias. Je ne veux pas remettre en cause le travail journalistique, mais il n'y a pas eu d'enquête. On ne sait pas ce qui est arrivé ni quelles circonscriptions sont visées. On ne sait pas si de l'argent a été donné à des candidats pour leur campagne ou à des fins personnelles. Est-ce qu'on parle de corruption d'individus ou d'influence dans le financement des élections ? Je n'ai pas cette information.
« Il faut donc faire attention, à la lecture d'un article médiatique, avant de se prononcer sur l'équité d'une élection et les conséquences que cela peut entraîner. »
Interrogé par la députée Marie-Hélène Gaudreau à savoir si la Loi électorale du Canada est solide, Stéphane Perrault a répondu : « Je pense que nous avons un excellent régime. Cela dit, certains éléments pourraient être améliorés. J'en ai d'ailleurs fait part au Comité et, au besoin, je pourrais en dire plus à cet égard. Somme toute, de façon générale, je pense que notre régime de financement politique fait l'envie d'à peu près tous les autres régimes dans le monde. »
Le site Web de la commissaire aux élections fédérales énumère les accusations portées en vertu de la Loi électorale du Canada et de la Loi référendaire depuis février 2011. Le dernier résultat inscrit est celui du 10 décembre 2020. Le dernier communiqué de presse, daté du 7 novembre, porte sur « Sept sanctions administratives pécuniaires et un engagement pour des violations à la Loi électorale du Canada ». Ces violations concernaient :
- le chef d'un parti politique pour avoir omis de s'enregistrer en tant que tiers immédiatement après avoir engagé des dépenses de publicité électorale de 500 $ ou plus pour des messages de publicité électorale diffusés pendant la période électorale, ainsi que pour avoir omis de nommer un agent financier;
- un candidat d'un parti enregistré pour avoir omis de nommer un vérificateur après avoir obtenu plus de 10 % des votes exprimés dans sa circonscription;
- un candidat d'un parti enregistré pour avoir omis de nommer un agent officiel remplaçant; et
- trois agents officiels qui ont omis de produire le rapport de campagne électorale d'un candidat dans le délai requis suivant l'élection générale de 2019.
Aucune de ces violations les plus récentes ne concerne une quelconque forme d'ingérence étrangère dans les élections.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 5 - Novembre 2022
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