L'initiative «Tech Against Terrorism» est une nouvelle atteinte au droit de conscience au nom de grands idéaux
Le premier ministre Justin Trudeau a participé au « Sommet des leaders » de l'Appel à l'action de la communauté de Christchurch à New York le 20 septembre. Le sommet a réuni « des gouvernements, des fournisseurs de services en ligne, la société civile et des organisations partenaires » [1] et était fermé à la presse.
Dans une déclaration publiée par le Cabinet du premier ministre le 21 septembre, intitulée « Le premier ministre prend des mesures à l'Assemblée générale des Nations unies », on lit : « Pour faire face à la montée de la haine et de l'extrémisme violent, le premier ministre a également participé au Sommet 2022 de l'Appel à l'action de Christchurch, où il a souligné l'engagement du Canada à éliminer le contenu terroriste et extrémiste violent en ligne. Il a annoncé l'octroi d'un nouveau financement pouvant atteindre 1,9 million de dollars sur trois ans à l'organisme Tech Against Terrorism pour mener à bien la phase 2 de sa plateforme d'analyse de contenu terroriste (PACT), un outil en ligne sécurisé qui aide les petites et moyennes plateformes en ligne à cerner et à contrer le contenu terroriste. »
« Ce financement est rendu possible grâce au Fonds pour la résilience communautaire (FRC) du Centre canadien d'engagement communautaire et de prévention de la violence, qui accorde son soutien aux partenariats et à l'innovation dans la lutte à la radicalisation menant à la violence au Canada », lit-on dans un communiqué de presse publié par Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique.
Le même jour, Trudeau a tweeté : « Nous devons faire face à la montée de la haine et de l'extrémisme violent. Au sommet de Christchurch Call, j'ai annoncé que le Canada financera un nouvel outil qui aide les petites et moyennes plateformes en ligne à mieux identifier et contrer le contenu lié au terrorisme et à l'extrémisme violent. »
« Tech Against Terrorism » est une initiative lancée et soutenue par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations unies, qui travaille avec l'industrie mondiale de la technologie pour combattre l'utilisation d'Internet par les terroristes tout en respectant les droits humains, dit-on aux Canadiens.
Le communiqué de presse indique que le financement vise le « contenu terroriste vérifié ». Le communiqué précise : « Devant cette facilité d'accès à l'information, le gouvernement du Canada a à coeur de veiller à ce que tant les médias sociaux que les autres plateformes en ligne ne servent pas d'outils pour préconiser, publier et promouvoir le terrorisme, la violence et la haine. »
Ailleurs, Trudeau fait aussi référence à la prévention des « contenus préjudiciables en ligne ». Rien de tout cela n'est discuté avec le public.
Le financement supplémentaire fourni par le gouvernement Trudeau pour la phase deux de la plateforme permettra d'étendre les capacités de détection et d'évaluation d'encore plus de types de contenu dans une gamme encore plus vaste de plateformes, et aidera à développer un outil de modération de contenu pour prêter main-forte aux petites entreprises technologiques à retirer rapidement tout contenu terroriste, selon le communiqué de presse. Aucune information n'est fournie quant à ce que l'on entend par « encore plus de types de contenu ».
La question ici n'est pas si les actes terroristes, racistes, misogynes et homophobes doivent être poursuivis et punis. Bien sûr qu'ils doivent l'être, qu'ils soient commis par des individus, des organisations ou l'État lui-même. La question est qui décide, sur la base de définitions, de critères et de processus acceptés, que l'acte d'un individu ou d'une organisation constitue du terrorisme ou une incitation au terrorisme. En outre, l'amalgame entre le terrorisme et la violence, la haine ou le préjudice, comme s'ils étaient identiques, revient à déclarer que la PACT doit être utilisée pour interdire tout discours selon ce que décident les entités étatiques et les puissants intérêts privés. C'est l' « ordre international fondé sur des règles » dans lequel ceux qui établissent les règles décident du crime et du châtiment, et prétendent que ce qui constitue de graves violations du droit de parole au moyen de décisions arbitraires sur lesquelles les gens n'ont aucun contrôle gardera les Canadiens en sécurité.
Des intérêts privés d'une puissance obscène, comme Facebook,
Google, Twitter et Microsoft,
se voient conférer le pouvoir de décider qui et quel discours
doit être interdit en fonction de
critères secrets sur lesquels les Canadiens n'ont aucun
contrôle. Même l'identité de ceux qui
sont déclarés hors-la-loi et sur quelle base reste secrète. Il
n'y a aucun appel, et encore moins
de réparation pour les organisations et les individus diffamés
et accusés à tort de tels crimes.
Permettre une telle désignation en utilisant des pouvoirs de
police sur lesquels le peuple
n'exerce aucun contrôle est une grave violation du droit de
conscience. Dire, comme le fait le
gouvernement, que cela garde les Canadiens en sécurité et
renforce la primauté du droit est
absurde.
« Tech Against Terrorism »
« Tech Against Terrorism » est décrit sur son site web comme la deuxième phase d'un projet conjoint entre la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme des Nations unies (DECT) et l'ONG suisse ICT4Peace, avec le soutien des leaders de l'industrie des TIC [technologies de l'information et des communications].
Le site web de TCAP indique que son objectif est le suivant : « Nous suivons, vérifions, analysons et lançons l'alerte sur les contenus terroristes sur Internet. Nous rassemblons la plus grande base de données au monde de contenus terroristes vérifiés, collectés en temps réel à partir de canaux terroristes vérifiés sur des plateformes de messagerie et des applications. Nous soutenons les petites plateformes technologiques pour améliorer la modération du contenu....
« La TCAP automatise la détection et la suppression rapides des contenus terroristes vérifiés sur les plateformes technologiques, grâce au travail de nos experts en intelligence aux sources ouvertes et aux processus basés sur l'IA. La TCAP se concentre principalement sur les petites plateformes technologiques qui n'ont pas toujours la capacité de modérer le contenu terroriste par des processus automatisés, ce qui signifie que le contenu terroriste est plus susceptible de rester en ligne et de se propager davantage. Les archives de la TCAP visent à conserver un registre de tous les contenus afin de protéger les droits de la personne et de soutenir la recherche universitaire. »
Le site web indique que depuis sa création, la TCAP a émis 20 258 alertes à 72 plateformes technologiques concernant 34 entités terroristes au 8 octobre.
Adam Hadley, directeur exécutif de Tech Against Terrorism, a été cité dans Global News à propos du fonctionnement de la TCAP. Il a dit que les terroristes partagent généralement leur contenu d'abord sur des plateformes plus petites, et que ces plateformes ont une capacité limitée pour gérer l' « utilisation terroriste » de leurs services. La TCAP alerte rapidement les petites plateformes de ce contenu afin d'empêcher sa propagation avant qu'il ne devienne viral, a-t-il expliqué. Les plateformes recevront une alerte automatisée de contenu « vérifié » et pourront ensuite décider si elles veulent bloquer le contenu.
Les informations sont obtenues par une équipe d'analystes du renseignement de source ouverte (OSINT) et de « racleurs automatisés » qui extraient les données des plates-formes identifiées par l'OSINT, puis transfèrent les liens pertinents vers la TCAP.
La TCAP archive le contenu qu'elle recueille pour ce que son site web décrit comme des « objectifs académiques et de droits de l'homme », a déclaré Adam Hadley. En fait, il n'y a pas d'accès aux archives. Au lieu de cela, le site Web indique que « à l'avenir, les universitaires, les chercheurs et les membres de la société civile vérifiés auront accès à certains contenus de la TCAP pour soutenir l'analyse quantitative et qualitative, contribuant ainsi à la recherche empirique sur le contre-terrorisme afin d'éclairer le développement théorique et les décisions politiques.
« Tech Against Terrorism cherche à jeter des ponts entre les partenaires publics et privés, pour aboutir en fin de compte à l'élaboration d'un cadre normatif d'auto-réglementation pouvant guider les réponses à l'utilisation d'Internet par les terroristes, dans le respect des normes du droit international », est-il indiqué ailleurs.
Ce jargon complexe a pour but de tromper les gens sur ce qui se passe. Par exemple, que signifie « jeter des ponts » entre les partenaires publics et privés ? Derrière des portes closes, des monopoles obscènement riches et puissants, dont Facebook, ou Meta comme on l'appelle maintenant, Microsoft, Twitter, Google, etc. sont habilités à décider qui peut être privé de son droit de parole et de son droit de conscience. Sous couvert de lutter contre le « terrorisme », le gouvernement canadien a ajouté la « violence », la « haine en ligne », l'« extrémisme violent à motivation idéologique », l'« extrémisme » et même les « préjudices en ligne ».
Les Canadiens n'ont certainement pas donné leur consentement à l'utilisation des pouvoirs de police de l'État, des pouvoirs arbitraires des géants de la technologie et maintenant des petites plateformes technologiques, pour décider qui et quoi doit être mis hors la loi. Il est absurde de prétendre que l'état de droit existe au Canada face à l'exercice des pouvoirs de police, où les dirigeants décident du crime et du châtiment.
Il a été démontré que Facebook, Twitter et d'autres autorisent les bots et les faux comptes dans le but d'encourager la violence et la déstabilisation de sociétés entières, comme ce fut le cas avec les tentatives de fomenter une contre-révolution à Cuba. Il est bien documenté, et c'est aussi l'expérience des gens, que les algorithmes utilisés par Facebook servent à promouvoir et à « amplifier » la haine et l'incitation à la violence, y compris la violence communale, les contenus racistes, misogynes et homophobes, les théories du complot et la division du peuple. Ceux qui luttent pour le Nouveau, ceux qui contestent, par exemple, le discours en vigueur selon lequel les forces des États-Unis et de l'OTAN défendent la liberté et la démocratie en Ukraine, et bien d'autres choses encore, sont interdits et annulés. Bien que les algorithmes soient secrets, les gens ont une grande expérience des résultats qu'ils produisent.
Trudeau a déclaré à plusieurs reprises que tous ceux qui n'acceptent pas l'ordre constitutionnel existant et la domination des partis du cartel sont des « extrémistes ». Par exemple, il a déclaré qu'il n'introduirait pas un système de représentation proportionnelle comme promis parce que cela permettrait aux partis « extrémistes » de gagner des sièges à la Chambre des communes.
Le rôle de la police et des agences de sécurité au Canada dans l'organisation, l'infiltration et la participation à des organisations extrémistes de droite a été révélé à maintes reprises. Le Canada, de concert avec les États-Unis et l'OTAN, a armé et entraîné les néonazis en Ukraine. Leur salut nazi, « Gloire à l'Ukraine, Gloire aux héros », a été repris par les milieux officiels canadiens. Les agences de police et de sécurité assimilent l'opposition à l'OTAN à la déloyauté envers le Canada, voire à la subversion.
La violence d'État est utilisée contre les peuples autochtones, aujourd'hui surtout contre les Wet'suwet'en qui défendent leur territoire et qui subissent la violence de la GRC depuis plus de trois ans dans leur lutte pour arrêter le gazoduc Coastal GasLink. Tout cela se fait au nom de la « sécurité nationale » et de « l'intérêt national ».
Les mesures antidémocratiques prises par le Canada et d'autres violent le droit de conscience et le droit humain de parole, et font partie de la vaste offensive antisociale contre la lutte des peuples pour prendre en mains leurs affaires et à la défense de leurs droits. Elles ne peuvent pas être acceptées et elles ne le seront pas.
Note
1. L'Appel de Christchurch a été adopté à la suite de l'attentat terroriste dans lequel 51 personnes ont été tuées et de nombreuses autres blessées dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019. Les assauts ont été diffusés en livestreaming sur Facebook.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 5 - Novembre 2022
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