Les États-Unis poursuivent leur politique hégémonique après leur défaite humiliante en Afghanistan
- Steve Rutchinski -
La déroute et l'humiliation des États-Unis en
Afghanistan ont, entre autres, sérieusement miné
la confiance envers les États-Unis en tant que «
partenaire fiable ». Alors que les
États-Unis se démenaient pour se sauver, ils ont
abandonné à leur sort tous leurs « partenaires »
de l'OTAN, ainsi que leurs collaborateurs.
Les États-Unis ont commencé à mettre l'accent sur
leurs plans pour la région indo-pacifique,
notamment en intensifiant leurs efforts pour
intégrer les pays qui s'y trouvent à la machine
militaire et financière des États-Unis. La
vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, a
visité le Singapour et le Vietnam dans la semaine
du 23 août 2021. Il s'agissait de son deuxième
voyage international, ayant précédemment visité le
Guatemala et le Mexique pour tenter de régler des
problèmes liés à l'immigration. Son voyage à ce
moment-là avait été ponctué de
nombreuses attaques contre la Chine, exprimant une
stratégie du bord de l'abîme dangereuse pour
toutes les parties concernées. Les conditions
d'humiliation et de désespoir poussent cette
soif de vengeance au bord de la guerre.
S'arrêtant
d'abord à Singapour, Kamala Harris a rencontré la
présidente de Singapour, Halimah Yacob, et le
premier ministre, Lee Hsien Loong. Elle a tenu à
visiter le navire de guerre
USS Tulsa à la base navale de Changi. Elle
n'a pas mâché ses mots lorsqu'elle s'est adressée
aux marins. Niant ce qui s'est passé lorsque les
États-Unis ont tenté d'imposer le type
de démocratie qui, selon eux, devait exister en
Afghanistan, elle a dit : « Je crois vraiment
qu'une grande partie de l'histoire du XXIe siècle
sera écrite dans cette région même où vous
servez en ce moment. Et nous voulons être ceux qui
aident à façonner et à dicter cette histoire. »
Les États-Unis considèrent le Singapour comme le
point d'ancrage de leur présence navale en Asie du
Sud-Est et leur base principale dans la région
indo-pacifique, avec le Japon et la
Corée du sud. Deux groupes d'attaque américains –
l'un centré sur le porte-avions USS Ronald
Reagan et l'autre sur le navire d'assaut USS
America – se sont rendus en juin
en mer de Chine méridionale, une zone de conflit.
Le groupe aéronaval du porte-avion Carl Vinson
et le USS America sont restés dans la
région du Pacifique occidental. Le
10 août 2021, les États-Unis ont organisé des
exercices de guerre dans la région de Singapour,
avec la participation des marines de 21 pays, 10
navires et plus de 400 membres
d'équipage.
Les menaces militaires font partie de la
stratégie du bord de l'abîme, un moyen de voir
comment la Chine et d'autres pays réagiront. Le
problème, tel que clairement démontré en
Afghanistan, est que les États-Unis sont
incapables de prédire ce qui va se passer. Est-ce
que « l'ennemi » va se soumettre ou est-ce que les
menaces vont intensifier le conflit et même
déclencher une guerre ?
Kamala Harris est allée plus loin. Au sujet de la
position contestée de la Chine dans la mer de
Chine méridionale, elle a dit : « [...] les
actions de Pékin continuent de saper l'ordre
fondé sur des règles et menacent la souveraineté
des nations. »
En même temps, les États-Unis ont fait des
efforts pour intégrer davantage Singapour dans
leurs structures militaires et de sécurité, une
forme moins évidente pour saper la
souveraineté.
Sur la question de la cybersécurité, les
départements du Trésor et de la Défense ainsi que
l'Agence de la sécurité cybernétique et de
l'infrastructure ont conclu une entente de
principe
avec leurs homologues de Singapour pour
l'expansion du partage de l'information et de la
formation permettant de combattre ce que les
États-Unis appellent les menaces cybernétiques. La
Maison-Blanche a aussi annoncé d'autres ententes
encourageant ce qui selon elle est une
collaboration sur l'exploration de l'espace et des
questions de défense.
Les peuples
japonais, coréen, canadien et plusieurs autres
savent très bien ce que veut dire une telle «
coopération ». Lorsqu'il s'agit de questions
militaires, les États-Unis mettent des
forces étrangères en action et entraînent d'autres
pays dans leurs efforts et leur machine de guerre.
En outre, les États-Unis se sont organisés pour «
créer un partenariat basé sur la stimulation du
commerce par le biais d'une poignée d'industries
clé », en particulier celles en lien avec
la chaîne d'approvisionnement des États-Unis.
Kamala Harris a à nouveau souligné que ces
partenariats sont basés sur les intérêts des
États-Unis et leur volonté de « façonner » la
région et d'y « imposer leur diktat ».
« Notre intention est de consolider nos
partenariats et notre vision commune, pour que les
États-Unis et leurs partenaires puissent ensemble
continuer de façonner cette histoire. Ce
faisant, soyez assurés que nous avons des intérêts
à long terme dans cette région, et nous avons des
engagements à long terme aussi. Ces engagements
comprennent, évidemment, la sécurité.
Hier, j'ai visité la base navale de Changi. Le
navire de la Marine américaine, le USS Tulsa,
y est amarré en ce moment, le symbole d'un
partenariat pour la sécurité profond et
durable entre nos nations. Une déclaration de
l'engagement sécuritaire de l'Amérique dans cette
région. »
Les difficultés des États-Unis dans leurs efforts
pour imposer de tels partenariats
transparaissaient aussi dans l'allocution de
Kamala Harris. Ayant menacé la Chine, elle a
ajouté : «
Notre engagement en Asie du Sud-Est et la région
indo-pacifique n'est pas envers un seul et unique
pays, ni est-il conçu pour obliger de choisir un
pays plutôt qu'un autre. Notre
engagement consiste plutôt à promouvoir la vision
optimiste que nous entretenons sur notre
participation et nos partenariats dans cette
région. »
Le premier ministre Lee Hsien Loong a
publiquement exprimé des doutes sur les États-Unis
lors de la conférence de presse conjointe au cours
de laquelle il a été question de la défaite
des États-Unis en Afghanistan. « Ce qui compte
c'est comment les États-Unis vont se repositionner
en Asie-Pacifique, comment ils vont s'engager dans
la région entière et continuer de
lutter contre le terrorisme, car cela déterminera
la perception qu'ont les pays des priorités
mondiales des États-Unis et de leurs intentions
stratégiques », a affirmé Lee Hsien Loong.
En outre, Lee Hsien Loong a mis en garde les
États-Unis de ne pas continuer d'adopter une
approche agressive envers la Chine. Le ministre
des Affaires étrangères de Singapour,
Vivian Balakrishnan, a dit lors d'une récente
entrevue peu avant la visite de Kamala Harris que
Singapour « se rendra utile mais ne permettra pas
qu'on se serve de nous » dans ses relations
entre les deux pays.
Le porte-parole du ministère des Affaires
étrangères de la Chine, Wang Wenbin, a aussi
riposté, disant que les pays de l'Asie du Sud-Est
sont réticents à choisir entre la Chine et les
États-Unis. Il a dit que l'approche des États-Unis
est basée sur « une façon de penser démodée issue
de l'époque de la guerre froide visant à perturber
leurs relations avec la Chine,
engendrer la division et la confrontation, et
tenter d'ériger un mur d'endiguement » autour de
la Chine.
Les États-Unis « peuvent calomnier, supprimer,
forcer et intimider les autres pays à volonté afin
de maintenir leur Amérique d'abord, sans qu'il ne
leur en coûte rien », a-t-il dit.
Au sujet du soi-disant ordre américain fondé sur
les règles et la défaite des États-Unis en
Afghanistan, Wang Wenbin a ajouté : « Voilà
l'ordre souhaité par les États-Unis. Ils essaient
toujours de brandir les règles et l'ordre pour
justifier leur propre comportement intéressé,
intimidant et hégémonique, mais qui les croira
maintenant ? »
Lors de son voyage au Vietnam, Kamala Harris a
poursuivi ses provocations contre la Chine tout en
tentant d'impliquer d'autres pays dans les actions
des États-Unis. Dans une réunion
avec le président vietnamien Nguyen Xuan Phuc,
elle a dit : « Nous devons trouver les moyens
d'exercer la pression et, pour parler franchement,
augmenter la pression sur Pékin pour qu'il
respecte la Convention des Nations unies sur le
droit de la mer, et il faut contester ses actes
intimidants et ses réclamations maritimes
excessives. »
Le Vietnam ne s'y est pas laissé prendre. Le
premier ministre du Vietnam, Pham Minh Chinh,
venait de rencontrer l'ambassadeur chinois Xiong
Bo au moment de la visite de Kamala
Harris. Le gouvernement vietnamien a dit dans un
communiqué : « Le premier ministre a affirmé que
le Vietnam adhère à une politique étrangère
indépendante, autonome, multilatérale et
diversifiée en tant que membre responsable de la
communauté internationale. »
« Le Vietnam ne s'aligne pas avec un pays contre
un autre », dit-on dans le communiqué, ajoutant
que les conflits territoriaux dans la Mer de Chine
méridionale devraient être réglés en
vertu du droit international et d'« une bonne dose
de gros bon sens ».
Les États-Unis et la Chine disent de cette époque
qu'elle est « nouvelle » et les deux s'efforcent à
créer un ordre mondial et une structure qui leur
conviennent. Kamala Harris l'a
exprimé ainsi :
« Je crois que notre monde est entré dans une
nouvelle ère, une ère de nouveaux défis comme la
cybersécurité, et une ère offrant de nouvelles
opportunités, comme l'énergie propre. En
fait, notre monde est plus interrelié et
interdépendant, et pour s'ouvrir sur cette
nouvelle ère, les nations doivent être prêtes à
relever les défis ensemble et à créer des
opportunités ensemble.
C'est pourquoi nos partenariats au Singapour, dans
l'Asie du Sud-Est et dans toute la région
indo-pacifique sont de la plus haute importance
pour les États-Unis. »
Malgré leur défaite en Afghanistan, les
États-Unis continuent de proférer des menaces de
violence les plus extrêmes et même de leur donner
suite dans l'espoir de préserver leur rôle en
tant que « nation indispensable ». Les remarques
de Kamala Harris n'ont pas réussi à changer la
perception que le recours des États-Unis à la
violence détermine ce que les États-Unis
défendent comme droits et lois.
Avec leur déroute en Afghanistan, une grande
incertitude et une imprévisibilité continuent
d'exister. L'impunité et l'arbitraire déchaînés
avec la « guerre contre le terrorisme » montrent
que l'anarchie a remplacé l'autorité et il en est
toujours ainsi aujourd'hui.
L'incapacité
de prédire ce qui peut arriver est largement
promue. Diverses factions dirigeantes au sein de
l'establishment politique et des médias prétendent
que l'armée a fait preuve
d'incompétence, incapable de prédire la vitesse à
laquelle les talibans allaient reprendre le
pouvoir, etc. La promotion d'un tel niveau
d'incertitude et d'imprévisibilité vise en partie
à laisser
entendre que le monde est insaisissable afin
d'entretenir le faux espoir et la croyance que
cela poussera les peuples des États-Unis et
d'autres pays ainsi que leurs agences militaires
et
policières à s'aligner avec les blocs militaires
et économiques des États-Unis.
Au contraire, la revendication grandissante des
peuples du monde est que les peuples ont le droit
de délibérer et de décider sur les questions de
guerre et de paix, que les gouvernements
bellicistes et les économies de guerre doivent
être démantelés et qu'il faut mettre sur pied des
gouvernements antiguerre. Les peuples de la
région, notamment ceux du Vietnam, du Japon,
de la Corée et des Philippines, forts de leur
longue expérience avec les bases militaires, les
occupations et les guerres américaines, ont
affirmé que les États-Unis doivent fermer leurs
bases,
retirer leurs troupes et respecter la position
anti-guerre des peuples et leurs revendications
pour des relations fondées sur le respect et
l'avantage réciproques.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 1 - 13 janvier 2022
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