Sujets de préoccupation sur le
plan international
Les priorités du gouvernement Trudeau en matière de politique étrangère selon la lettre de mandat
- Margaret Villamizar -
Le premier ministre Trudeau a remis ses «
lettres de mandat » aux 38 membres de son Cabinet
le 16 décembre 2021, près d'un mois après
l'ouverture de la 44e législature le 22 novembre
2021.
Selon le Cabinet du premier ministre, ces lettres
de mandat « énoncent les objectifs stratégiques
que tous les ministres chercheront à atteindre,
ainsi que les défis urgents qu'ils devront
relever dans le cadre de leurs fonctions ». Le
Cabinet du premier ministre affirme que les
lettres de mandat accessibles au public « aident
les Canadiens à demander des comptes au
gouvernement » en leur donnant une idée claire
quant à la façon dont le gouvernement compte
réaliser son programme.
Toutes les lettres commencent par dire que la fin
de la lutte contre la pandémie reste l'objectif
central du gouvernement et mentionnent d'autres
questions sur lesquelles les libéraux ont
fait campagne lors des élections. Elles commencent
par énoncer ce que l'on dit être les grandes
priorités du gouvernement et les attentes de
chaque ministre pour la session parlementaire,
suivies de directives spécifiques sur les
principaux travaux et priorités de leurs
portefeuilles respectifs, notamment l'obligation
de présenter un plan pour appliquer ces
directives. Elles sont
révélatrices de ce que fait le gouvernement, tant
par ce qu'elles disent que par ce qu'elles
omettent.
Mélanie Joly est la cinquième ministre des
Affaires étrangères du gouvernement Trudeau depuis
l'élection de 2015 lorsqu'il a remplacé les
conservateurs de Stephen Harper. Les lettres
de mandat remises aux deux premiers ministres des
Affaires étrangères du gouvernement libéral,
Stéphane Dion (2015) et Chrystia Freeland (2017)
ont établi comme première priorité la
reconnaissance des États-Unis comme « l'allié le
plus proche et le partenaire économique et de
sécurité le plus important du Canada »
L'instruction spécifique donnée à Stéphane Dion,
ostensiblement pour réparer les dommages causés à
cette relation si importante par Stephen Harper,
était d'« améliorer les relations avec les
États-Unis » ainsi que de « renforcer la
coopération trilatérale nord-américaine ».
Chrystia Freeland, qui a travaillé comme
journaliste aux États-Unis pendant des années
avant de revenir au Canada pour se présenter pour
les libéraux lors d'une élection partielle en
2013, a remplacé Stéphane Dion lorsque la
renégociation de l'ALÉNA est devenue la question
brûlante après l'élection de Donald Trump comme
président des États-Unis en 2016. Il lui a
demandé de « maintenir des relations constructives
avec les États-Unis » et de « diriger les efforts
visant à approfondir les relations commerciales »
avec ce pays.
Chrystia Freeland a été remplacée après
l'élection de septembre 2019 par François-Philippe
Champagne, dont la nomination a coïncidé avec le
lancement de la campagne du
gouvernement Trudeau pour un siège au Conseil de
sécurité de l'ONU. La lettre de mandat qu'il a
reçue encadre son rôle comme étant celui de
veiller « à l'avancement des intérêts
nationaux du Canada dans un monde plus
imprévisible et dirigerez les efforts déployés par
le Canada pour contribuer à la résolution d'enjeux
mondiaux fondamentaux ». La priorité accordée
à l'avancement de la relation du Canada avec les
États-Unis dans les deux lettres de mandat
précédentes du ministre des Affaires étrangères a,
à toutes fins utiles, disparu, la seule référence
directe à cette relation apparaissant en dernière
position sur la liste, presque comme une réflexion
après coup, indiquant au ministre qu'il devait «
appuyer la vice-première ministre et
ministre des Affaires intergouvernementales dans
les travaux sur les relations canado-américaines
».
La candidature du Canada pour un siège au Conseil
de sécurité a été rejetée en juin 2020, lorsque
les faits concernant les activités du Canada sur
la scène internationale ont révélé une
histoire très différente de ce que laissait
entendre la lettre de mandat de François-Philippe
Champagne. Le voile est maintenant levé dans les
directives sur la marche à suivre données à la
cinquième ministre des Affaires étrangères de
Justin Trudeau, Mélanie Joly.
La lettre de mandat de la ministre des Affaires
étrangères
Les priorités qu'Affaires mondiales Canada doit
défendre sont contenues dans la lettre de mandat
qui demande à la ministre des Affaires étrangères
de se préoccuper de « promouvoir la
paix et la sécurité, de combattre l'autoritarisme
et de contrer l'ingérence étrangère grâce à des
réponses internationales collectives, y compris en
élargissant notre coopération avec des
partenaires qui partagent une vision commune et
des organisations canadiennes, internationales et
multilatérales ». Cela place le Canada presque
exclusivement au service de l'ordre du jour
des États-Unis d'ingérence, d'agression et de
guerre sous prétexte de combattre «
l'autoritarisme ».
L'« autoritarisme » serait représenté
principalement par la Chine et la Russie, mais
aussi par les dirigeants d'autres pays, aussi
petits soient-ils, qui menaceraient la démocratie
et les
droits humains dans le monde en refusant de
laisser les États-Unis, le Canada et certaines
puissances européennes leur imposer la «
démocratie représentative » libérale.
La lettre de mandat de Mélanie Joly indique
clairement qu'au nom d'idéaux élevés comme la
démocratie et les droits de la personne, le Canada
a accepté de renforcer son rôle de bon
flic face au mauvais flic américain. Il s'est
chargé d'essayer de vendre ces marchandises
pourries en prétendant défendre les intérêts et
les valeurs des Canadiens.
Pas
moins de 18 des 26 priorités sur lesquelles
Mélanie Joly a reçu l'ordre d'agir sont
explicitement ou implicitement associées à des
objectifs et des projets de longue date de la
politique étrangère des États-Unis dans la
poursuite de leur domination mondiale, avec des
entités « multilatérales » comme l'OTAN, le G7 et
une foule de coalitions, d'instituts, de
fondations, d'ONG et autres comme outils pour
cela. Certaines des activités d'ingérence de «
promotion de la démocratie » que le Canada s'est
engagé à diriger et à financer au cours de
l'année à venir ont été décrites dans la
présentation du gouvernement Trudeau au Sommet
pour la démocratie de Joe Biden en décembre 2021.
Il est entendu que, parallèlement aux objectifs
de la politique étrangère des États-Unis, alors
même que leurs cercles dirigeants se rapprochent
de plonger le pays dans une guerre civile,
un prix sera exigé de tous les pays que les
États-Unis considèrent comme représentant une «
menace » pour la réalisation de leurs objectifs.
Tout, des sanctions, de la « guerre juridique »
ou la persécution judiciaire jusqu'aux opérations
de changement de régime, la guerre et la
destruction, fait partie de leur arsenal pour
atteindre cet objectif, et des alliés comme le
Canada
sont pressés de participer à l'application des
punitions infligées aux pays et personnes ciblés.
La toute première chose sur la liste des
priorités que Justin Trudeau a donné à Mélanie
Joly pour agir est de « travailler avec moi, et en
étroite collaboration avec d'autres ministres,
pour continuer de renforcer notre partenariat avec
notre allié le plus proche, les États-Unis ».
Suivent des éléments tels que :
- faciliter le passage sécuritaire et la
réinstallation des personnes vulnérables
d'Afghanistan, en mettant l'accent sur les
personnes qui ont aidé le Canada et nos alliés de
l'OTAN au
cours des deux dernières décennies,
- élaborer et mettre en oeuvre une nouvelle
stratégie indopacifique exhaustive pour renforcer
les partenariats en matière de diplomatie,
d'économie et de défense, ainsi que l'aide
internationale dans la région,
- collaborer avec les pays du G7, de l'OTAN et
des partenaires qui partagent une vision commune
pour concevoir et prendre des mesures collectives
pour répondre à la détention
arbitraire, la coercition économique, les
cybermenaces, l'ingérence étrangère dans les
processus démocratiques et les violations
flagrantes des droits de la personne, notamment
par des
sanctions,
- faire progresser le soutien à la démocratie et
aux droits de la personne en tant que priorité
fondamentale dans l'engagement international du
Canada, notamment par les actions
suivantes :
1. Mettre sur pied un centre canadien afin
d'augmenter la disponibilité de l'expertise et
de l'aide du Canada auprès de ceux qui aspirent
à consolider la paix, faire avancer la
justice, promouvoir les droits de la personne,
l'inclusion et la démocratie, et favoriser la
bonne gouvernance.
2. Travailler avec des partenaires
internationaux pour mettre sur pied une cour
internationale de lutte contre la corruption
pour empêcher les dirigeants corrompus et les
gouvernements
autoritaires d'entraver le développement qui
bénéficierait à leurs citoyens.
3. Accroître le soutien rapide et flexible aux
démocraties fragiles et émergentes, en
augmentant la présence diplomatique du Canada
dans les régions revêtant une importance
stratégique.
4. Continuer de soutenir et de mettre en oeuvre
la loi Magnitsky du Canada, la Loi sur la
justice pour les victimes de dirigeants
étrangers corrompus, [une copie conforme
du
U.S. Magnitsky Act - Note du LML]
et promouvoir l'adoption de lois et pratiques
semblables dans le monde.
- Travailler pour renforcer l'engagement et la
présence du Canada dans le système de
l'Organisation des Nations unies (ONU) afin que
l'ONU soit plus efficace, efficiente, pertinente
et
responsable, et qu'elle soutienne un système
international fondé sur des règles, en particulier
pour pouvoir mieux lutter contre ceux qui
cherchent à saper la démocratie, les droits de la
personne et la primauté du droit.
- Accroître l'engagement du Canada auprès des
alliés, des partenaires et des organisations
internationales dans le but de promouvoir la paix
et la sécurité.
- Travailler avec le ministre de la Défense
nationale, le ministre des Affaires du Nord et les
partenaires pour défendre la souveraineté dans
l'Arctique.
- Travailler avec la ministre de la Défense
nationale et les partenaires de l'OTAN en vue de
l'établissement au Canada d'un Centre d'excellence
de l'OTAN sur le climat et la sécurité,
afin de veiller à ce que le Canada et ses alliés
soient en mesure de réagir aux menaces et urgences
liées aux changements climatiques.
- Travailler avec le ministre du Logement et de
la Diversité et de l'Inclusion pour soutenir
l'envoyé spécial pour la préservation de la
mémoire de l'Holocauste et la lutte contre
l'antisémitisme [l'envoyé spécial est un sioniste
qui fait la promotion de la définition
controversée de l'antisémitisme de l'Alliance
internationale pour la mémoire de l'Holocauste
(IHRA)
adoptée par le gouvernement Trudeau. Cette
définition bidon assimile la défense des droits
des Palestiniens et la critique d'Israël à de l'«
antisémitisme » – Note du LML]
pour faire avancer son mandat.
Comme dans le cas de leur tentative ratée
d'obtenir un siège au Conseil de sécurité de
l'ONU, où ce poste aurait été utilisé pour saper
l'autorité de la Charte de l'ONU et la primauté du
droit en poussant à son remplacement par l'« ordre
international fondé sur des règles » des
États-Unis, les libéraux de Trudeau cherchent
maintenant à faire croire aux Canadiens que le
fait
de servir de prête-nom aux plans de « promotion de
la démocratie » de type américain pour s'ingérer
dans les affaires de nations et de peuples
souverains a quelque chose à voir avec leurs
valeurs ou avec la contribution aux droits
humains, aux droits des femmes et des filles, ou à
la paix et à la sécurité dans le monde. On ne peut
guère s'attendre à ce qu'un gouvernement qui
n'est pas perçu comme faisant ces choses à
l'intérieur de ses frontières les défende à
l'étranger.
Ce qui ressort
clairement de l'examen de la lettre de mandat de
la ministre des Affaires étrangères, c'est que les
Canadiens n'ont pas leur mot à dire dans la
décision du rôle que leur
pays doit jouer dans le monde. Toutes les
questions relatives à la politique étrangère du
Canada demeurent du ressort d'un exécutif qui agit
derrière des portes closes et loin du Parlement, à
l'écoute des États-Unis et d'organismes
supranationaux régis par des intérêts privés
étroits. Aucun des sujets abordés dans la lettre
n'a été soulevé par les libéraux, les autres
partis du cartel
au Parlement ou les médias monopolisés pendant la
campagne électorale, qui a été remarquablement
dépourvue de toute discussion sur la politique
étrangère, à l'exception de celle soulevée
par le Parti marxiste-léniniste du Canada et
d'autres petits partis.
Comme toutes les questions qui touchent la vie
des gens qui composent le pays appelé Canada,
l'objectif de sa politique étrangère doit être
établi par le peuple pour faire avancer la
cause de la paix, de la liberté et de la
démocratie dans le monde. Le Canada doit
contribuer à faire respecter la primauté du droit
à l'échelle internationale, comme le prévoit la
Charte des
Nations unies, cesser de s'ingérer dans les
affaires intérieures de pays souverains au nom
d'un rendu frauduleux des valeurs des Canadiens et
faire du Canada une zone de paix en se retirant
de l'OTAN et de NORAD dans un premier temps.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 1 - 13 janvier 2022
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