Sur le discours du gouverneur de la Banque du Canada Tiff Macklem au Forum des politiques publiques
Tiff Macklem déclare : « Ce que je veux souligner ici, c'est que l'emploi durable maximal va de pair avec le maintien de l'inflation à un niveau près de la cible de 2 %. Si l'emploi se situe bien en dessous du niveau d'emploi durable maximal, [ce qui veut dire dans son langage alambiqué un haut taux de chômage – note de la rédaction du LML], il manque des emplois et des revenus dans l'économie, et les dépenses sont inférieures à la capacité de production. Des pressions baissières s'exercent donc sur l'inflation et la font glisser sous la cible. C'est ce qui est arrivé au début de la pandémie. Par contre, si le niveau d'emploi durable maximal est dépassé et se maintient, les entreprises sont incapables de trouver assez d'employés pour suivre le rythme de la demande. Cela entraîne des pressions haussières sur les prix et fait monter l'inflation au-dessus de la cible. C'est là où nous en sommes aujourd'hui. »
Les notions du gouverneur de la Banque du Canada sont de la pseudo science. Le rapport entre le marché du travail, les salaires et l'inflation des prix existe dans le cadre de l'économie impérialiste. En économie, aucun lien direct ne peut être établi entre les taux de chômage et l'inflation des prix. Les deux peuvent être à la baisse ou à la hausse, selon les conditions concrètes, qui englobent différentes caractéristiques économiques et politiques à la fois objectives et subjectives du système impérialiste.
Selon cette théorie, Tiff Macklem laisse entendre que, de façon générale, le marché du travail ne fonctionne pas à son niveau durable maximal mais à un niveau inférieur. Les niveaux inférieurs et supérieurs invoqués par lui, et les niveaux inférieurs et supérieurs à son niveau durable maximal imaginaire sèment la confusion et sont difficiles à suivre. Il est délibérément obscur parce qu'il veut faire étalage de son intellect supérieur.
Dans son scénario imaginaire, un chômage élevé engendre une inflation peu élevée. En réalité, l'expérience même du Canada contredit sa théorie, en particulier durant la période des années 1970 quand il y a eu stagflation et que l'inflation des prix, le chômage et les taux d'intérêt étaient tous très élevés. Le mot stagflation aurait été consacré par le politicien impérialiste britannique Iain Macleod qui était chancelier de l'Échiquier en 1970. Macleod a inventé le terme pour décrire la situation au Royaume-Uni où l'inflation et le chômage étaient également élevés. Il a dit : « Nous avons maintenant le pire des scénarios – il n'y a plus que l'inflation seulement d'un côté et la stagnation de l'autre, mais les deux ensemble. Nous avons une situation de 'stagflation' ».
La théorie intéressée de Tiff Macklem laisse entendre qu'un marché du travail qui opère en deçà de son niveau durable maximal, accompagné d'un faible taux de chômage, engendrera des prix plus élevés. Ainsi, il laisse supposer qu'un chômage à la baisse est à l'avantage des travailleurs, leur permettant d'augmenter leurs salaires, et que cela engendrerait l'inflation des prix. Cette théorie repose sur la notion antiscientifique que les augmentations de salaires engendrent l'inflation des prix. Muni de cette ligne politique, il attaque le mouvement de la classe ouvrière à la défense de ses réclamations et de ses droits.
Son scénario est le suivant : le chômage à la baisse – et avec lui moins de concurrence pour les emplois – égale une pression exercée pour de meilleurs salaires, engendrant ainsi des prix plus élevés. Mais ceci ne reflète pas la relation telle qu'elle existe. Les salaires sont en contradiction avec les profits au sein du même coût de production. Le taux des salaires joue un rôle très mineur dans la hausse ou la baisse des coûts de production. Des salaires à la baisse engendrent des profits à la hausse et vice-versa pour le même coût de production.
Les coûts individuels de production plus élevés que ce qui est réellement fixé sur une base scientifique sont généralement la conséquence d'une manipulation des prix en raison d'un contrôle monopolistique ou l'offre d'un produit social particulier inférieure à la demande.
L'inflation générale des prix peut être le résultat d'une manipulation de l'État du montant d'argent en circulation ainsi que d'autres facteurs. Les grandes banques à charte contrôlent l'offre monétaire et, de connivence avec les gouvernements à tous les niveaux, mettent de la monnaie supplémentaire en circulation en fixant des taux d'intérêt inférieurs, en fixant des budgets pour payer les riches et en stimulant continuellement une économie de guerre contre-productive et destructrice, et en empruntant des créanciers mondiaux par l'entremise de l'État, ce qui engendre des versements d'intérêts non productifs à ces mêmes créanciers.
Tiff Macklem laisse entendre sans preuve à l'appui que l'inflation élevée actuelle au Canada est engendrée par ce qu'il considère un bas niveau de chômage ou un écart de son niveau imaginaire d'« emploi durable maximal ». Il dit en effet que l'économie impérialiste ne peut pas « maintenir » le plein emploi. L'économie ne peut pas assurer un emploi viable pour tout le monde et certains moins fortunés devront payer le prix de cette économie à la dérive. Rappelons que le taux de chômage officiel actuel qu'il décrit comme étant inférieur à « l'emploi durable maximal » est de 5,2 %. Devons-nous conclure que le taux de chômage désirable devrait être de 7 % ou de 8 % ou plus élevé encore ?
Il avoue dans son discours que ses opinions sont purement spéculatives ou intéressées pour l'élite dirigeante. Il débite les balivernes suivantes : « Nous reconnaissons que le niveau d'emploi durable maximal n'est pas directement mesurable et est grandement fixé par des facteurs non-monétaires qui peuvent changer avec le temps. Cela reflète la réalité que le niveau d'emploi durable maximal est davantage un concept qu'un chiffre. En pratique, il est difficile de savoir si nous l'avons atteint et nous devons spéculer où il en est, et les indicateurs de marché nous l'indiquent clairement seulement lorsqu'il est largement à la baisse ou à la hausse. » Comme charabia, il ne se fait pas mieux !
Les exemples qui permettent de contredire sa théorie frauduleuse voulant qu'un chômage inférieur à son niveau inventé d'emploi durable maximal engendre l'inflation des prix sont nombreux. Le Japon est un bon exemple en ce moment. Le taux de chômage au Japon est près de 2,5 %, de beaucoup inférieur au taux actuel au Canada, soit de 5,2 %, et encore plus bas que le taux « durable » préconisé par le gouverneur de la Banque du Canada.
Tiff Macklem dit que le taux de chômage du Canada est inférieur au niveau d'emploi durable maximal souhaité et que par conséquent il engendre l'inflation des prix. Nous devrions donc conclure que l'inflation des prix au Japon devrait être encore plus élevée que le 6 % du Canada étant donné que le taux de chômage est de beaucoup inférieur à celui du Canada et au niveau d'emploi durable maximal imaginaire de Tiff Macklem. Mais ce n'est pas le cas. En fait, l'inflation des prix du Japon se situe autour du 0 % et n'a pas cessé d'être à la baisse au cours de cette période prolongée de chômage à la baisse, ce qui est le résultat des conditions concrètes au Japon impérialiste.
Pour le peuple, la leçon à tirer du discours du gouverneur de la Banque du Canada est qu'il est nécessaire d'avoir sa propre théorie économique moderne qui est le fruit d'une analyse des conditions concrètes et qui est indépendante des délires intéressés de l'élite dirigeante.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 2 - Novembre 2022
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