Élections au Brésil
Le peuple rétablit Lula comme président dans une victoire électorale historique
Le 30 octobre, Luiz Inacio Lula da Silva a été élu pour la troisième fois président du Brésil lors du second tour de l'élection présidentielle contre le président actuel Jair Bolsonaro. Lula,fondateur et dirigeant du Parti des travailleurs (PT) a obtenu une majorité de 2,14 millions de votes sur son adversaire du Parti libéral. Lula et son colistier à la vice-présidence, Geraldo Alckmin, un membre du Parti socialiste, entreront en fonction le 1er janvier 2023.
Les résultats ont été serrés, avec une différence d'à peine 1,8 point entre les 50,90 % des voix de Lula et les 49,10 % de Bolsonaro. Plus de 123 millions de Brésiliens, soit 79 % de l'électorat, ont participé au second tour du scrutin.
Formation d'un front large pour empêcher la réelection
de Jair Bolsonaro
La stratégie du PT et de ses proches alliés a été de créer un front large de forces politiques désireuses de travailler ensemble pour tenter d'empêcher que Jair Bolsonaro puissent obtenir un deuxième mandat. L'ancien capitaine d'armée et son colistier, un général à la retraite, n'ont jamais dissimulé leur nostalgie pour le coup militaire appuyé par les États-Unis en 1964 et la dictature qui a suivi pendant vingt ans. Sous couvert d'un conservatisme religieux et social, Jair Bolsonaro a présenté sa campagne comme étant une lutte entre le « bien » et le « mal » et même une lutte entre le « christianisme » et le « communisme » pour éviter toute discussion sur la destruction que son gouvernement réactionnaire a infligé au Brésil, à ses peuples et à l'environnement naturel.
Pour débuter la construction de ce front large envisagé, le PT, le Parti communiste du Brésil (PCdoB) et le Parti vert se sont unis pour créer formellement la Fédération Brésil de l'espoir. Cette alliance a par la suite évolué en une coalition de dix partis en appui à la candidature de l'équipe Lula-Alckmin au premier tour de l'élection du 2 octobre. Deux autres partis et deux candidats majeurs qui avaient été éliminés au premier tour se sont ralliés à Lula pour le second tour.
Plusieurs syndicats, mouvements sociaux et personnalités connues, y compris d'anciens rivaux politiques, ont aussi déclaré leur appui à la candidature de Lula. Accompagné par ses alliés, alors qu'il livrait son premier discours en tant que président élu, Lula a déclaré le soir de l'élection que ce n'était pas sa victoire, ni celle du PT ni des partis qui l'avaient appuyé pendant la campagne, mais la victoire du « large mouvement démocratique créé au-delà des partis politiques, des intérêts personnels et des idéologies ».Il a dit que le défi à relever était « immense » et que la reconstruction du Brésil devait se faire dans toutes les sphères : « celle de la politique, de l'économie, de la gestion publique, de harmonie institutionnelle, des relations internationales et, par-dessus tout, celle visant à s'occuper des gens le plus dans le besoin. »
La campagne sale de Jair Bolsonaro et son
refus de reconnaître sa défaite
Une figure presque inconnue, Jair Bolsonaro a accédé en 2018 au pouvoir avec un coup d'État contre le PT, qui a commencé avec la destitution illégale de l'ancienne présidente Dilma Rousseff en 2016. Sa prochaine cible était Lula, pour l'empêcher de se présenter et de remporter probablement la présidence du Brésil en 2018. Il a fait l'objet d'une vicieuse campagne de « guerre juridique » orchestrée par un juge « anti-corruption » corrompu formé aux États-Unis, qui a abouti à sa condamnation injuste et à son emprisonnement pour des crimes dont rien ne prouvait qu'il les avait commis, mettant ainsi fin à sa candidature à la présidence quelques semaines seulement avant l'élection.
Dans cette élection,Jair Bolsonaro et ses bailleurs de fonds voulaient à tout prix conserver la présidence par tous les moyens, justes ou répréhensibles. Sa campagne électorale a systématiquement enfreint les lois électorales, submergeant les Brésiliens dans la désinformation, les « fausses nouvelles » et la menace des mauvaises choses qui pourraient arriver si Lula accédait à la présidence. Les preuves abondent également sur la façon dont Bolsonaro n'a pas perdu une occasion d'abuser du pouvoir de sa fonction et du contrôle du trésor public pour acheter des votes pour lui-même et supprimer les votes de ceux qui auraient pu appuyer Lula et le PT. Le harcèlement et l'intimidation des électeurs, ainsi que la violence, faisaient également partie de l'arsenal des bolsonaristes.
Lors des débats télévisés, Bolsonaro a raconté des mensonges et a traité Lula de « criminel » à plusieurs reprises, comme s'il n'avait pas été blanchi de toutes les condamnations injustifiées qui l'ont conduit à passer 580 jours en prison ; et comme si le juge qui l'a disculpé n'avait pas au contraire ordonné une enquête sur la conduite du juge corrompu de la justice dont Bolsonaro a fait son ministre de la justice pour services rendus.
Deux jours se sont écoulés avant que Jair Bolsonaro ne fasse une apparition publique ou ne s'adresse au public. Certains de ses partisans les plus fanatiques, cependant, sont immédiatement passés aux actes, criant à la « fraude » et dressant des barrages illégaux partout au pays pour exiger que l'armée intervienne pour empêcher Lula d'entrer en fonction. Lors d'une conférence de presse qu'il a enfin convoquée le 1er novembre, Jair Bolsonaro a parlé pendant moins de trois minutes, exprimant principalement son appui aux actions de ses partisans en colère, disant que leur « indignation » face aux « injustices du processus électoral » étaient compréhensible et justifiée. Il a demandé, par contre, que leurs manifestations soient pacifiques.
En ce qui concerne ses propres intentions, Jair Bolsonaro n'a donné qu'un message obscur, disant que ceux qui le traitent d'anti-démocratique ont tort, qu'il a toujours agi dans le respect de la constitution et qu'il continuerait de « respecter tous les commandements » de la constitution. Depuis, il n'a jamais reconnu sa défaite. Après l'intervention de Bolsonaro, qui a quitté sans accepter de questions, ce fut au tour du chef d'état-major de parler et il a dit que le processus de transition aurait lieu avec les représentants du prochain gouvernement. Son vice-président, le général d'armée à la retraite, Hamilton Mourao, a tenu des propos semblables peu après cette conférence de presse, disant qu'il « ne servait plus à rien de pleurnicher » et qu'il y aurait une transition pacifique. Tout laisse croire que l'armée et les intérêts du gouvernement des États-Unis qui avaient été déterminants dans l'arrivée au pouvoir illégitime de Jair Bolsonaro en 2018, en particulier l'administration actuelle de Biden, n'étaient pas disposés à appuyer une tentative de coup d'état à la Trump pour tenter de le maintenir en place.
La plupart des barrages routiers érigés par les partisans de Bolsonaro ont été levés dans les jours qui ont suivi après que tribunal électoral ait ordonné à la police de les démanteler et d'imposer de lourdes amendes à tous ceux qui refusaient de coopérer. Jair Bolsonaro a aussi rappelé, sur un ton moralisateur, à ses partisans de ne pas obstruer la liberté de mouvement du peuple puisque c'était « contraire à la constitution ». Il ne s'est pas opposé, par contre, à ce que ses partisans participent à de grandes manifestations devant les installations militaires où ils ont appelé à grands cris l'armée à faire un coup d'État. Certains de ces participants ont été filmés en train de faire des saluts nazis en entonnant l'hymne national brésilien.
Les dirigeants des forces armées, pour leur part, n'ont pas contredit les appels à la sédition devant les casernes militaires. Au contraire, dans une lettre ouverte publiée le 11 novembre, les commandants des armées terrestres, marines et de l'air ont fait la morale aux branches judiciaires et législatives du gouvernement, leur rappelant leur responsabilité de défendre les droits et libertés du peuple enchâssés dans la constitution de pouvoir manifester « de manière pacifique ».
Le 23 novembre, le dirigeant du Tribunal supérieur électoral du Brésil a rejeté, la veille, la demande de Jair Bolsonaro et du Parti libéral cherchant à annuler tous les votes inscrits dans les machines électorales électroniques, ce qui aurait renversé les résultats des élections du 30 octobre. Le tribunal a refusé, et le juge en chef a souligné que « la mauvaise foi indubitable du plaignant et de sa demande à la fois bizarre et illicite...a été prouvée », se référant entre autres « à l'absence totale d'une seule preuve d'irrégularité et à l'étalage de faits complètement faux ».
Il a aussi ordonné la suspension de fonds du gouvernement destinés à la coalition du Parti libéral jusqu'à ce qu'elle s'acquitte d'une amende de 24 millions de réals (4,3 millions de dollars américains) pour avoir été de mauvaise foi.
Les défis auquel sont confrontés le nouveau
gouvernement et le peuple
Parmi les défis auxquels font face le nouveau président et son gouvernement sera celui de gouverner sans majorité dans les deux chambres du Congrès national et gérer la structure complexe d'un gouvernement de front large/coalition. Eux et le peuple brésilien organisé devront rester vigilants et prêts à répondre à tout ce que les forces de la régression pourraient décider d'entreprendre, même si le fait de carrément rejeter le résultat des élections n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant.
Aussi faut-il s'attendre à des pressions de toutes sortes exercées par les États-Unis qui chercheront à maintenir leur domination mondiale en entraînant autant de pays que possible dans leurs guerres économiques et militaires contre les anciens et nouveaux et incitant ceux qu'ils appellent leurs « partenaires » à s'ingérer dans les affaires d'autres pays qui ne leur ont jamais fait de mal. Cela prend toute son importance en ce moment à la lumière des efforts des États-Unis et du Canada pour se trouver des pays « partenaires » pour diriger et/ou fournir des troupes pour former la nouvelle force d'intervention qu'ils veulent imposer en Haïti, pour soi-disant combattre là-bas les gangs armés, un rôle que le Brésil a déjà joué de 2005 à 2017 en commandant la mission militaire et policière de l'ONU, la MINUSTAH que les Haïtiens ont condamnée comme une force d'occupation étrangère brutale et illégitime. Le peuple brésilien s'attend à ce que les relations internationales du nouveau gouvernement répondent aux besoins de l'Amérique latine et des Caraïbes d'être une zone de paix et d'adhérer rigoureusement aux principes de non-intervention et de respect pour la souveraineté et le droit à l'autodétermination des nations et des peuples.
Les transformations dont le pays et la société brésilienne ont besoin est une tâche que Lula a dressé dans son discours le soir de sélections. Lula a recoonu que les Brésiliens veulent faire plus que de simplement élire ceux qui les gouvernent, mais qu'ils veulent participer activement au processus décisionnel.
Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) félicite Lula et la Fédération Brésil de l'espoir et les autres partis politiques et mouvements sociaux qui ont travaillé ensemble pour assurer la défaite de Jair Bolsonaro et l'élection de Lula. Félicitations également au peuple brésilien qui, malgré les nombreux obstacles auxquels il a été confronté, a remporté la victoire historique du 30 octobre. Le PCC(M-L) ainsi que la classe ouvrière et le peuple canadiens sont des forces sur lesquelles on peut compter pour être solidaire avec le peuple et le nouveau gouvernement alors qu'ils relèvent les défis de rebâtir le Brésil, de défendre sa souveraineté et de mener les batailles nécessaires pour la démocratie et le progrès.
(Avec des informations de Brasilwire, CNN, Associated Press, Folha de Sao Paulo, Widipedia)
Cet article est paru dans
Volume 52
Numéro 2 - Novembre 2022
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