Visite du secrétaire d'État américain à Montréal

Le Canada se fait dire de rentrer dans le rang face aux tentatives des États-Unis d'isoler encore plus la Chine et la Russie

Le vendredi 28 octobre, François-Philippe Champagne, ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, et Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles, ont publié un communiqué de presse intitulé « Le Canada durcit les lignes directrices pour protéger les secteurs des minéraux critiques contre les entreprises étrangères d'État[1] ».

L'annonce a été faite dans le cadre de la visite officielle de 2 jours du secrétaire d'État américain, Antony Blinken, au Canada. Sa visite de deux jours au Canada a servi à promouvoir, entre autres, l'intégration de la chaîne d'approvisionnement en minéraux critiques du Canada à l'économie des États-Unis. Lors de sa deuxième journée de visite, il était à Montréal, en compagnie de la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, pour visiter une usine pilote de recyclage de batteries au lithium-ion provenant de véhicules électriques.

Le 11 octobre, la vice-première ministre Chrystia Freeland avait déjà déclaré lors d'une réunion au Brookings Institution, à Washington, DC, que l'approfondissement des liens commerciaux entre les pays qui épousent la « démocratie libérale » est nécessaire pour lutter contre les « puissants régimes autoritaires » tels que la Russie et la Chine qui « nous sont fondamentalement hostiles ». Elle a ajouté que cela « nous oblige à être vigilants dans nos relations avec les dictateurs mondiaux et leurs élites [...] Nous devrions poursuivre nos échanges commerciaux tout en veillant à ce qu'ils n'atteignent aucune vulnérabilité stratégique de nos chaînes d'approvisionnement et de nos économies en général[2] ».

Dans le même ordre d'idées, le communiqué de presse du 28 octobre indiquait qu'à « compter d'aujourd'hui, les transactions majeures proposées par des entreprises étrangères d'État touchant les secteurs des minéraux critiques du Canada seront approuvées comme étant à l'avantage net du Canada qu'à titre exceptionnel. De plus, si une entreprise étrangère d'État participait à ce type de transaction, cela pourrait constituer un motif raisonnable de croire que l'investissement est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada, quelle que soit la valeur de la transaction[3]. »

Quant à l'importance et à la valeur de ces transactions, le gouvernement Trudeau indique ce qui suit dans la mise à jour de la Politique concernant les investissements étrangers des entreprises d'État dans les minéraux critiques, dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada :

« Les minéraux critiques sont aussi des actifs stratégiques qui contribuent à la sécurité nationale du Canada en tant qu'intrants indispensables pour les secteurs de la défense et de la haute technologie. Dans ce contexte, certains investissements au Canada par des entreprises d'État « peuvent être motivés par des impératifs non commerciaux qui sont contraires aux intérêts du Canada » , ce qui comprendrait également « les investissements d'investisseurs privés évalués comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers, en particulier des gouvernements non favorables, ou soumis à leur influence, ou qui pourraient être contraints de se conformer à des directives extrajudiciaires de ces gouvernements[4]. »

Le gouvernement Trudeau définit une société d'État (SE) comme suit : « Pour les fins de ces lignes directrices, une SE est une société possédée, contrôlée ou influencée directement ou indirectement, par un gouvernement étranger[5]. »

Le document poursuit en disant que « En vertu de la Loi sur Investissement Canada, le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie doit approuver les acquisitions de contrôle proposées auprès d'investisseurs étrangers, y compris les entreprises d'État, lorsque la valeur de l'entreprise canadienne est supérieure au seuil déclencheur défini. »

Pour 2022, les seuils sont les suivants : « 1,141 milliard de dollars au titre de la valeur d'affaire pour les investissements visant l'acquisition directe du contrôle d'une entreprise canadienne » par des investisseurs OMC ou non OMC qui ne sont pas des entreprises d'État, « 1,711 milliard de dollars au titre de la valeur d'affaire pour les investissements visant l'acquisition d'une entreprise canadienne par des investisseurs aux termes de l'accord commercial qui ne sont pas des entreprises d'État; des investisseurs aux termes de l'accord non commercial qui ne sont pas des entreprises d'État[...] » et « 454 millions de dollars en valeur des actifs pour les investissements visant l'acquisition directe du contrôle d'une entreprise canadienne par des investisseurs OMC qui sont des entreprises d'État et des investisseurs non OMC qui sont des entreprises d'État, lorsque l'entreprise canadienne visée par l'investissement est [...] contrôlée par un investisseur OMC[6] ».

Dans le cadre des changements apportés à la Loi sur Investissement Canada, des directives sont données quant aux critères à suivre lorsqu'il s'agit de sociétés d'État, appelés évaluation des avantages nets. Certains de ces critères comprendront un examen visant à déterminer « si le non-Canadien respecte les normes canadiennes de gouvernance (p. ex. des engagements en matière de transparence et de divulgation, l'indépendance des membres du conseil d'administration, l'indépendance des comités de vérification et le traitement équitable des actionnaires), et les lois et pratiques du Canada, notamment le respect des principes de marché libre ». L'examen « visera également à déterminer comment et la mesure dans laquelle un État possède ou contrôle la société non-canadienne, ou sa conduite et ses activités sont influencées par un État ».

Tout ce charabia sur l'examen des « investisseurs privés influencés » par des États étrangers et « le respect des principes de marché libre » sert à dissimuler le fait que l'administration américaine dicte la ligne de marche au gouvernement Trudeau lorsqu'il s'agit d'intégrer l'économie du Canada à l'économie de guerre des États-Unis. La souveraineté du Canada est traînée dans la boue au nom de grands idéaux.

Voici un extrait de la déclaration du vendredi 28 octobre, de François-Philippe Champagne, ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, et de Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles, intitulée « Le Canada durcit les lignes directrices pour protéger les secteurs des minéraux critiques contre les entreprises étrangères.d'État » :

« Les minéraux critiques sont essentiels à l'économie verte et numérique de demain. La demande croissante et l'offre limitée de ces minéraux de première importance représentent une occasion économique générationnelle pour le Canada. Le gouvernement du Canada est déterminé à saisir cette occasion tout en progressant vers l'atteinte de ses ambitieux objectifs climatiques.

« C'est pourquoi le Canada doit renforcer la résilience stratégique des chaînes d'approvisionnement nord-américaines en minéraux critiques en s'associant à des partenaires partageant des valeurs similaires, notamment au pays, en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde.

« Alors que nous continuerons d'accueillir les investissements étrangers directs qui appuient cet objectif, le Canada agira de manière décisive lorsque des investissements constituent une menace pour notre sécurité nationale et nos chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques. À cette fin, le ministre Champagne apporte des orientations supplémentaires quant à l'application de la Loi sur Investissement Canada pour les cas relatifs aux minéraux critiques et leurs chaînes d'approvisionnement. »

Notes

1. « Le Canada durcit les lignes directrices pour protéger les secteurs des minéraux critiques contre les entreprises étrangères d'État », Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 28 octobre 2022

2. « Allocution de la vice-première ministre à la Brookings Institution à Washington DC », 11octobre 2022

3. « Le Canada durcit les lignes directrices pour protéger les secteurs des minéraux critiques contre les entreprises étrangères d'État », Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 28 octobre 2022

4. « Politique concernant les investissements étrangers par des entreprises d'État dans les minéraux critiques dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada », Énoncés du ministre, 28 octobre 2022

5. « Lignes directrices sur les investissements au Canada par des entreprises d'état étrangères – évaluation des avantages nets », Loi sur Investissement Canada

6. « Seuils déclencheurs d'examen », Loi sur Investissement Canada, Gouvernement du Canada


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Volume 52 Numéro 1 - Octobre 2022

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