L'attaque du président américain contre les cheminots

– Kathleen Chandler –


Manifestation des cheminots à Columbus, Ohio, le 13 décembre 2022

Plus ça va, plus l'administration Biden se révèle être un gouvernement de pouvoirs de police qui considère les travailleurs comme des choses et non comme des êtres humains. Son dénigrement du rôle du travail dans la défense des intérêts de la société est tellement anti-démocratique qu'il enlève toute once de crédibilité à la prétention des États-Unis d'être une démocratie. Le gouvernement montre également qu'il manque de légitimité lorsqu'il s'agit de défendre l'intérêt public. Le désespoir de l'administration à servir des intérêts privés étroits est tel qu'elle ne se préoccupe même plus des faux-semblants de la démocratie et de la légitimité.

Cela est évident dans l'attaque du président Biden contre les cheminots, où il est intervenu à plusieurs reprises au nom d'intérêts privés étroits discrédités, dont les attaques contre les cheminots et le mépris de la sécurité publique sont notoires. Dans son attaque contre le droit de grève et de négociation collective, Joe Biden est allé jusqu'à imposer une convention collective qui consacre les conditions de travail intenables que les barons du rail ont déjà imposées et que les travailleurs combattent.

En plus de mettre en danger la vie des cheminots, ces conditions intenables signifient que l'état des voies est négligé, que les trains sont surchargés de marchandises dangereuses et qu'il n'y a pas assez de personnel, ce qui met les lieux de passage des trains en grand danger. Le président affirme que par son intervention il défend les « millions d'autres travailleurs et familles » mais cela sonne particulièrement creux. Les travailleurs de nombreux secteurs de l'économie américaine sont confrontés à des conditions de travail dangereuses pour eux-mêmes, leurs familles et leurs communautés, et ces justifications boiteuses sont accueillies avec le mépris qu'elles méritent.

Les conditions de travail des cheminots ne font qu'un avec les conditions de sécurité des familles et des communautés où passent les lignes de chemin de fer. Leurs revendications sont justes et constituent le minimum requis pour rendre les chemins de fer durables et sécuritaires. Elles comprennent l'élimination des longues heures de travail et d'autres pratiques inhumaines dans l'établissement des horaires, l'abolition des règles brutales sur l'assiduité qui interdisent toute absence du travail, par lesquelles les travailleurs sont licenciés s'ils sont malades ou s'ils assistent à des funérailles, et l'augmentation du personnel dans tous les secteurs, par exemple les nombreux trains qui ont besoin de cinq travailleurs n'en ont plus que deux.

Entre-temps, les barons du rail se sont organisés en oligopole pour obtenir satisfaction de leurs exigences et de celles des intérêts privés étroits que les chemins de fer servent, tels que dans l'énergie, la chimie et l'agro-industrie. Ce sont ces voix qui ont loué les actions antiouvrières du président et du Congrès.

Les nouvelles et commentaires dans les médias monopolisés cachent tout cela. Ils se sont surtout concentrés sur une seule question – les jours de congé de maladie, entre autres en déformant les revendications des travailleurs. Mais la lutte des cheminots va bien au-delà des congés de maladie. Comme les travailleurs de la santé et d'autres, tous essentiels au bien-être et au fonctionnement de la société, les cheminots savent qu'il y a un lien direct entre leurs conditions de travail et la sécurité du public. Les actions de Biden et la couverture médiatique servent à éliminer la reconnaissance de ce lien en assimilant les intérêts privés étroits des oligopoles à ceux du pays, de sa sécurité et de son bien-être.

L'intervention du président Biden est telle que la convention collective imposée par décret ne contient aucune disposition concernant les jours de maladie, payés ou non. Cela permet ensuite à ceux qui prétendent soutenir les travailleurs d'exiger qu'au moins sept jours de maladie soient inclus dans la convention imposée. Tout cela sert à banaliser ce qui est en jeu aux États-Unis et dans toutes les démocraties dites représentatives où les droits civils contenus dans des constitutions anachroniques sont éliminés par des décrets présidentiels qui violent tous les piliers connus de ce qu'on appelle système démocratique, tels que les droits à la négociation collective, à la grève, à l'association et à la parole.

Le fait que le Congrès ait si rapidement emboîté le pas a confirmé pour de nombreux travailleurs que le gouvernement américain d'aujourd'hui n'est pas seulement dysfonctionnel et ne répond pas aux besoins individuels, collectifs et sociaux de la population, mais qu'il a complètement renoncé à en donner l'apparence. Il a perdu toute légitimité de décider des affaires de la société.

Dépenser des milliers de milliards de dollars chaque année pour la guerre et les armes de guerre alors que les besoins sociaux et les êtres humains sont laissés pour compte, au pays comme à l'étranger, cause un grand tort aux êtres humains, à l'humanité et à l'économie américaine elle-même. Même le financement minimum nécessaire et disponible pour les congés de maladie des cheminots, ou pour des conditions de travail sécuritaires de manière plus générale, ou pour de l'eau potable pour tous, ou pour éradiquer la faim et l'appauvrissement, n'est pas fourni. Les gouvernants se sont montrés inaptes à gouverner. Pour rester au pouvoir, le recours aux pouvoirs de police est nécessaire – que ce soit par décret, par des lois illégitimes ou par la force.

L'inhumanité et la nature criminelle d'une telle gouvernance sont évidentes pour tous. Tout le monde voit également que cela se transmet de président en président, peu importe qui est porté au pouvoir. Dans le passé, une des considérations des intérêts privés étroits qui amènent ces présidents au pouvoir a été de maintenir la prétention de servir les intérêts publics et privés de manière égale ou équitable d'une certaine façon – mais cela a maintenant été jeté aux quatre vents. La situation révèle que les travailleurs doivent s'exprimer eux-mêmes dans le tribunal de l'opinion publique et éviter le piège de dépendre des tribunaux en espérant qu'ils statuent en leur faveur en rétablissant leurs droits civils. L'aspect nouveau est que les assemblées législatives se soumettent aux pouvoirs de police de l'exécutif et que les lois adoptées sont appelées « système fondé sur de règles » auquel tout le monde doit se soumettre au nom de la sécurité nationale, d'une économie prospère et ainsi de suite.

C'est la classe ouvrière qui doit définir l'édification nationale au XXIe siècle, et non les intérêts privés étroits qui ont usurpé le pouvoir de l'État. L'ancienne raison d'État inscrite dans des constitutions dépassées doit être remplacée par une nouvelle raison d'État. Non pas une raison d'État décrétée et imposée par les intérêts privés étroits, mais une raison d'État que les travailleurs définissent et qui répond aux exigences de l'ensemble de l'humanité qui veut humaniser son environnement naturel et social en sa faveur.


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Volume 52 Numéro 75 - 15 décembre 2022

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