Les travailleurs réclament la sécurité au travail
Les travailleurs de la construction du Québec intensifient leur lutte pour la reconnaissance de leurs demandes
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L'un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs de la construction au Québec est que, lorsqu'ils prennent la parole pour exiger des conditions de travail sécuritaires, ils sont criminalisés par les entreprises de construction et le gouvernement et son agence, la Commission de la construction du Québec (CCQ).
Les travailleurs organisent une manifestation mardi le 13 décembre à Montréal devant les bureaux de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour exiger sur l'ensemble des chantiers de construction que la formation des représentants en santé et en sécurité qui entreront en fonction, selon la loi, dès le 1er janvier 2023, soit faite par les travailleurs et non par les employeurs .
Les statistiques démontrent l'urgence de cette demande qui fait partie de l'ensemble des demandes des travailleurs de la construction à la défense de leurs droits.
En 2021, 207 travailleuses et travailleurs ont perdu la vie au Québec dans le cadre de leur emploi, par accident de travail ou des suites d'une maladie professionnelle. C'est une hausse de 20 % par rapport aux statistiques de 2020. Parmi ces décès, 71 sont survenus dans l'industrie de la construction, une hausse de 60 % par rapport à 2020. Au total, dans tous les secteurs de l'économie au Québec, 105 692 lésions professionnelles ont été recensées, 960 de plus par rapport à 2020.
Les décès dans l'industrie de la construction sont passés de 25 % du total des décès au travail en 2020 à 35 % en 2021, alors que les travailleurs de la construction représentent 5 % de la main-d'oeuvre en emploi.
Dans plusieurs discours pendant et après les élections, le premier ministre François Legault a affirmé que le secteur de la construction est essentiel à la construction d'infrastructures pour les corridors énergétiques et autres, pour la construction d'usines engagées dans l'extraction de minéraux critiques exigée par les États-Unis pour sa machine de guerre, et d'autres projets. Le premier ministre a dit que la pénurie de main-d'oeuvre dans la construction est le problème principal à résoudre à l'heure actuelle.
Il y a effectivement une surchauffe présentement dans le secteur de la construction. Les statistiques sur les heures travaillées le démontrent. Selon les statistiques les plus récentes qui sont disponibles, il y a eu 195 millions d'heures travaillées dans la construction en 2021, par environ 190 000 travailleurs, un record absolu. En 2018, les heures travaillées approchaient les 150 millions alors que le nombre de travailleurs approchait les 160 000, soit un rapport plus élevé travailleurs/heures travaillées qu'en 2021.
L'affirmation d'une pénurie de main-d'oeuvre dans la
construction
Le nombre de travailleurs qui quittent le secteur chaque année est d'environ 15 %. En 2020, il y a eu 22 % de départs de plus qu'en 2019. Les travailleurs quittent pour plusieurs raisons dont de mauvaises conditions de travail, l'accélération effrénée des cadences de travail, l'absence de sécurité d'emploi sans listes d'ancienneté et de rappel dans la très vaste majorité des secteurs, l'intimidation par les entreprises lorsque les travailleurs dénoncent les conditions non sécuritaires, le refus par la CNESST de garantir des conditions sécuritaires, parmi tant d'autres.
La réponse du gouvernement et de la CCQ face à cette « pénurie » est d'affaiblir la formation des travailleurs pour les faire entrer plus vite dans le secteur.
Les grutiers luttent depuis plusieurs années, et leur lutte se poursuit toujours, contre l'abolition de l'exigence obligatoire que les grutiers suivent une formation et obtiennent un Diplôme d'études professionnelles avant qu'ils puissent opérer une grue . Cette exigence a eu comme résultat une diminution marquée des décès et accidents impliquant des grues.
Maintenant, au nom de traiter de la pénurie de main-oeuvre, on assiste à un phénomène général dans l'ensemble du secteur de la construction, qu'on appelle « l'ouverture des bassins », c'est-à-dire l'entrée massive de travailleurs, dont un très grand nombre de jeunes, dans les différents secteurs de la construction, sans formation professionnelle. La CCQ permet à toute personne avec une garantie d'emploi de 150 heures d'entrer dans l'industrie de la construction comme apprenti. On fait miroiter aux jeunes la possibilité d'aller gagner de bons salaires sans devoir aller s'asseoir sur les bancs d'école.
Selon un syndicat de la construction, le taux d'abandon des travailleurs et des travailleuses qui entrent par l'ouverture des bassins sans formation est très supérieur au taux de ceux qui ont obtenu un diplôme d'une école de formation ou ont une expérience de travail pertinente. Plusieurs ne terminent même pas leurs 150 heures.
Selon ce syndicat, 9.3 % des diplômés quittent en moyenne le secteur après 1 an, contre 20,6 % pour les non diplômés. Après cinq ans, 28,3 % des diplômés quittent le secteur alors que la proportion est de 41,6 % chez les non diplômés.
Le gouvernement et la CCQ promeuvent ouvertement cette méthode aventurière au nom de régler la pénurie de main-d'oeuvre.
Un autre problème que soulèvent les travailleurs, c'est celui de la formation et de la sécurité d'emploi des représentants en santé et en sécurité.
La loi 27, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, a reçu la sanction royale le 6 octobre 2021 malgré l'opposition massive des travailleurs. C'est une attaque en règle contre le droit des travailleurs à des conditions de travail salubres et sécuritaires. Entre autres choses, elle laisse les programmes de prévention dans les mains des employeurs.
La loi généralise la présence de représentants en santé et sécurité sur les chantiers de construction, autrefois réservé aux plus grands chantiers. Ces représentants sont élus par les travailleurs et sont censés exercer leur travail de façon indépendante par rapport aux employeurs. Officiellement, ils ne peuvent pas être congédiés ou soumis à des mesures disciplinaires par ceux-ci pour avoir exercé leurs fonctions.
Ces représentants sont censés entrer en fonction le 1er janvier 2023 à l'échelle du Québec.
La manifestation du 13 décembre devant les bureaux de la CNESST vise à faire en sorte que ces représentants entrent non seulement en fonction mais soient formés par leurs syndicats et que ces représentants puissent agir de manière indépendante face aux employeurs. Les grandes entreprises de la construction s'y opposent et veulent contrôler la formation.
En plus, parce qu'il n'y a pas de sécurité d'emploi dans la construction, pas de liste de rappel ou d'ancienneté sauf dans des cas très rares et que les travailleurs doivent postuler pour un emploi à chaque nouveau projet, il n'y a pas de protection pour les représentants de santé et sécurité. Officiellement, l'employeur n'a pas le droit de congédier un travailleur représentant en santé et sécurité mais, de manière routinière, les travailleurs qui défendent leurs droits sont congédiés sur les chantiers en se faisant dire qu'il n'y a plus de travail de disponible pour eux, qu'ils doivent chercher du travail ailleurs.
Les travailleurs vont manifester mardi le 13 décembre en opposition à cet arbitraire, et pour demander que les représentants en santé et sécurité soient entièrement formés par les travailleurs et leurs syndicats.
Les travailleurs de la construction mettent de l'avant des demandes comme la sécurité d'emploi, la planification des travaux pour éviter le surmenage durant les périodes de pointe suivies de périodes de disette de travail, et une formation professionnelle adéquate pour tous les travailleurs de la construction.
Le Centre ouvrier du PCC(M-L) appuie fermement ces demandes des travailleurs de la construction et leur droit de s'organiser et leur réclamation à l'immense valeur qu'ils créent pour l'économie.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 74 - 12 décembre 2022
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