L'élimination de la gouvernance démocratique au nom de la construction de logements
Le 8 décembre à 10 h, le gouvernement de l'Ontario utilisera sa majorité à l'Assemblée législative de l'Ontario pour faire adopter le projet de loi 39, Loi de 2022 visant à améliorer la gouvernance municipale. Les opposants à cette loi prévoient de remplir la tribune publique, seul moyen dont ils disposent pour exprimer leur opposition à ce coup de force du gouvernement Ford avec la connivence de certains maires et des intérêts commerciaux qui bénéficieront des décisions qui seront prises en vertu de ce projet de loi.
Le projet de loi 39 modifie la Loi de 2006 sur la cité de Toronto et la Loi de 2001 sur les municipalités afin de donner aux maires de la ville de Toronto et d'Ottawa respectivement le pouvoir de proposer des règlements ou des modifications aux règlements existants pour faire progresser une priorité provinciale prescrite. Il permet aux conseils municipaux d'adopter les changements et les amendements même si les deux tiers des membres du conseil municipal s'y opposent. Pour ce faire, il modifie les règles des décrets des conseils pour permettre l'adoption des règlements si seulement un tiers des conseillers vote en sa faveur.
Le projet de loi 39 modifie la Loi de 2001 sur les municipalités afin d'autoriser le ministre des Affaires municipales et du Logement à prendre un arrêté afin de nommer le président du conseil de la municipalité régionale de Niagara, de la municipalité régionale de Peel et de la municipalité régionale de York. Jusqu'à présent, ces postes étaient élus par des conseillers régionaux, dont bon nombre sont eux-mêmes maires provenant des petites municipalités qui forment une région désignée. Les nouveaux pouvoirs permettraient également aux municipalités régionales d'adopter ou de modifier des règlements provinciaux afin de faire progresser une priorité provinciale avec seulement un tiers d'appui.
La municipalité régionale de Peel est composée des villes de Mississauga et Brampton et de la ville de Caledon et compte 1,45 million de personnes vivant dans ses frontières selon le recensement de 2021.
La municipalité régionale de York s'étend au nord de Toronto jusqu'au lac Simcoe et comprend de nombreux hectares de ceinture verte protégée. Elle comprend la ville de Vaughan, les villes de Richmond Hill, Markham, Aurora, Whitchurch-Stouffville, le cantons de King, la ville de Newmarket et de East Gwillimbury, et la ville de Georgina, et compte environ 1,1 million d'habitants.
La municipalité régionale de Niagara est composée des villes de St. Catharines, Welland, Niagara Falls et Niagara-on-the-Lake, Lincoln, Grimsby, Fort Érié, Port Colborne et Thorold et compte environ 484 840 habitants.
Le projet de loi autorise la nomination de « facilitateurs provinciaux » pour évaluer les régions de Durham, Halton, Peel, Niagara, Waterloo et York en vue d'élargir les outils « pour des maires forts », comme cela a déjà été fait pour Toronto et Ottawa.
Le projet de loi s'inscrit également dans les plans du gouvernement visant à transformer les terres protégées en terrains résidentiels. Le projet de loi 39 abroge la Loi de 2005 sur la réserve agricole de Duffins-Rouge pour permettre le développement de ces terres à Pickering qui font partie de la ceinture de verdure de l'Ontario. Le gouvernement Ford a récemment adopté le projet de loi 23, Loi de 2022 visant à accélérer la construction de plus de logements, qui permet d'accélérer la construction de maisons et d'autres bâtiments. Dans ce contexte, il vient de mettre fin à une « période de rétroaction » sur les changements qu'il proposait d'apporter au plan actuel de la ceinture de verdure et au plan de la moraine d'Oak Ridges.
La Ceinture de verdure a été créée par une loi provinciale en 2005 pour protéger les bassins versants des rivières qui se jettent dans le lac Ontario, pour préserver les précieuses terres agricoles et pour relier les forêts et les écosystèmes de terres humides qui forment un arc au sommet des régions du Grand Toronto et du Niagara. Elle couvre environ 2 millions d'acres. Pendant les élections provinciales de 2018, Doug Ford a été forcé de s'engager à ne jamais toucher à la ceinture de verdure.
Les changements apportés aux plans de la Ceinture de verdure comprennent des échanges de terrains qui retireraient 7 400 acres de la zone de la Ceinture de verdure et, à sa place, désigneraient 7 400 acres de zones de la vallée de la rivière urbaine à la Ceinture de verdure, en plus de 2 000 acres des terres de la moraine de Paris Galt, pour un ajout total de 9 400 acres. Ces échanges exigeraient que les approbations soient obtenues d'ici la fin de 2023 et que la construction commence au plus tard en 2025. Le gouvernement provincial a également proposé de redésigner les terres de la zone du plan de conservation de la moraine d'Oak Ridges qu'il considère comme propices à l'aménagement résidentiel à court terme. Le règlement proposé s'appliquerait aux terrains situés dans le canton de King, et supprimerait leur désignation de « campagne » pour les redésigner comme « zone de peuplement ».
Les municipalités régionales où la province peut maintenant nommer le président du conseil régional se trouvent toutes à la limite sud (Peel et York) ou directement sur la ceinture de verdure de Toronto et du Golden Horseshoe. Le gouvernement Ford se sert maintenant de la crise du logement, qui existe depuis des années, pour justifier ses tentatives de prendre le contrôle des administrations municipales et à éliminer les règles et règlements que les intérêts privés qu'il représente veulent éliminer.
Ce projet de loi tourne en dérision ce que les gens entendent par gouvernance démocratique. Déjà, les citoyens et les résidents ne se voient pas du tout représentés par les conseils et les maires élus en raison d'un processus électoral qui les exclut des délibérations visant à identifier les besoins de leurs villes et villages. Désormais, toute légitimité conférée aux maires et aux conseils découlant d'un processus de vote est également jetée par la fenêtre.
Le fait que les gouvernements soient si pressés d'utiliser leur mandat pour répondre aux demandes d'intérêts privés puissants comme ceux impliqués dans l'immobilier, la construction et la fourniture d'infrastructures nécessaires pour sécuriser les voies de transport, entre autres, montre que les gouvernements ignorent tout besoin de légitimité. Utiliser leurs positions de pouvoir pour usurper plus de pouvoir afin d'agir en toute impunité, dans l'espoir que la population de l'Ontario n'ait aucune voix et aucun moyen de résister, est en effet cynique. C'est aussi manquer de vision que de penser que les intérêts privés qui sont servis s'en contenteront. Ils en voudront de plus en plus.
Les Ontariens, qu'il s'agisse des nouveaux arrivants ou des générations précédentes, ne s'accommoderont pas de ne pas avoir leur mot à dire sur les décisions qui affectent leur vie. Ils continueront à faire valoir leurs revendications auprès de la société, comme c'est leur droit, et à s'organiser pour se donner les moyens de les faire respecter. Les gouvernements qui adoptent des lois pour se donner le pouvoir d'agir en toute impunité ne sont pas légitimes ! La force ne fait pas le droit !
Les démocraties sont celles qui donnent au peuple le droit de gouverner avec des garanties, et non pas de les supprimer au nom de grands idéaux. Ce n'est pas le genre de société que les gens veulent.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 72 - 8 décembre 2022
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