Au-delà de la dispute sur le financement

Le système de santé moderne est constitué d'un vaste réseau où s'imbriquent des disciplines touchant à la construction et l'utilisation d'édifices, aux fournitures d'hôpitaux et aux produits pharmaceutiques et où on a recours à la capacité de travail de travailleurs instruits. Le système produit des travailleurs en santé, ajoutant une immense valeur sociale à leur capacité de travail, à l'économie et à la société.

Les querelles en matière de santé entre factions dirigeantes de l'élite soulève de sérieuses questions sur la direction du système de santé, comme qui doit le contrôler, comment il devrait être géré et la place de ce secteur dans le système économique, y compris comment devrait être réalisée et répartie la valeur générée par les travailleurs de la santé.

Ces querelles détournent l'attention de l'essentiel, qui est l'affirmation du droit à la santé et la nécessité d'un réseau de la santé qui soit au diapason avec la réalité sociale moderne. L'incapacité de l'élite dirigeante de réformer le système et de résoudre les problèmes existants remet en cause le but actuel du système, qui n'est pas de garantir le droit à la santé, mais d'extorquer un profit maximum privé pour les quelques-uns. Les dirigeants politiques feignent être préoccupés par leurs échecs et par les montants qu'ils doivent puiser dans le trésor public pour la santé. Cette préoccupation masque et nie que le système et sa main-d'oeuvre produisent une énorme valeur pour l'économie et la société mais que cette valeur sert à enrichir quelques-uns plutôt que d'être réinvestie dans le système de santé et sa main-d'oeuvre.

Ces étranges querelles sur le financement nient ou masquent le fait que le système lui-même et ses milliers de travailleurs produisent une valeur nouvelle, qui doit être réinvestie dans l'industrie, notamment sous forme de salaires et de conditions de travail selon le niveau exigé par ceux et celles qui font le travail et qui savent, de par leur expérience et les conditions matérielles, ce dont a besoin le système de santé. Une grande partie de la valeur qu'ils produisent est plutôt pillée par les intérêts privés et retirée du système de santé.

Plus l'industrie de la santé est devenue utile à fournir des travailleurs en santé aux grands employeurs, plus elle est devenue une source de profit privé. Le système de santé est profitable à la fois par le profit que les travailleurs créent et par son produit : des travailleurs en santé. Des profits privés énormes sont réalisés dans la construction et l'entretien des édifices et dans l'apport de biens matériaux tels que les fournitures d'hôpitaux et les produits pharmaceutiques. En outre, les grandes entreprises qui embauchent les travailleurs en santé et qui exproprient la valeur ajoutée qu'ils produisent paient peu ou rien pour la valeur sociale incorporée dans la capacité de travail de leurs employés.

Financer la santé à partir de revenus fiscaux est l'une des façons par laquelle l'élite dirigeante maintient son emprise sur l'objectif dépassé de payer les riches, entrave la modernisation de l'économie et empêche les travailleurs de s'affirmer en tant qu'êtres humains ayant le droit de décider et de contrôler tout ce qui affecte leur vie. Aux prises avec de vieilles habitudes, l'économie produit des travailleurs en santé en tant que choses, et ces choses coûtent peu cher pour ceux qui achètent leur capacité de travail. L'emprise de l'ancien empêche l'économie d'aller de l'avant, de répondre au droit de tous et toutes à des soins de santé et de développer un système de santé viable sans crises récurrentes.

Plutôt que d'accepter la réalité de la nécessité d'une nouvelle direction, l'élite dirigeante attaque ceux et celles qui font le travail et manipule le système pour canaliser la richesse sociale vers les coffres des riches. Cette direction devient de plus en plus difficile à pérenniser et c'est pourquoi ceux qui contrôlent et leur système politique ont dégénéré en pouvoirs de police pour imposer leur diktat et détourner les fonds publics vers des projets pour payer les riches et pour se préparer à la guerre et faire la guerre.

La direction imposée par les dirigeants soulève la question de qui devrait contrôler le système de santé. Est-ce que ce ne devrait pas être les travailleurs eux-mêmes, qui peuvent élire de leurs propres rangs ceux et celles qui devraient être en position de contrôle et déterminer entre eux ce que révèlent les conditions matérielles. Cela comprend comment fixer les salaires et les investissements requis pour que le système atteigne son objectif de garantir le droit de tous et toutes aux soins de santé au plus haut niveau possible.

Le système croule plutôt sous le poids de dirigeants politiques et de bureaucrates obsédés par l'objectif dépassé d'exproprier un profit privé de l'économie. En outre, l'élite dirigeante a formé une couche intermédiaire de médecins qui perpétue ce système dépassé en tant que médecins et gestionnaires d'une pratique ou d'une entreprise privée. Plutôt que de participer d'égal à égal avec les autres travailleurs de la santé et faire en sorte que leurs compétences et leur éducation contribuent à affirmer le droit de tous et toutes en matière de santé et à améliorer le système, plusieurs d'entre eux agissent comme des hommes d'affaires à la tête de leur propre entreprise ou en tant que franchise d'un monopole dont l'unique intérêt est d'exproprier un profit privé. Leur condition d'hommes d'affaires et d'employeurs les placent en conflit d'intérêt avec leur devoir en tant que médecin et en contradiction avec les personnes qu'ils embauchent et avec celles à qui ils prodiguent des soins et qui, pour eux, sont des clients.

Au-delà du problème de la corruption du système de santé par l'entreprise privée, la réalisation du produit — la valeur sociale incorporée dans les travailleurs en santé — est atteinte par le biais indirect et insuffisant de taxation publique plutôt que par des paiements directs versés par les entreprises qui embauchent les travailleurs en échange de leur capacité de travail. La réalisation indirecte de la valeur sociale de la santé par l'entremise de taxation gouvernementale cache la réalité de qui profite de la valeur sociale des travailleurs en santé d'un point de vue économique dans le système impérialiste, qui est l'employeur et qui devrait payer directement pour la valeur sociale qu'il reçoit et qu'il utilise.

La valeur sociale de la capacité de travail que les employeurs utilisent et consomment reste dans l'ombre et n'est pas directement réalisée, et pourtant ceux-ci bénéficient de la valeur produite par la capacité de travail qu'ils achètent et qu'ils embauchent. Le financement du système à partir de la taxation, les assurances et les paiements individuels permet à l'élite dirigeante de manipuler l'opinion publique et de détourner l'attention de la nécessité d'une nouvelle direction conforme aux conditions modernes socialisées.

Aussi longtemps que le système d'échange de marchandises demeure le point central du système économique, la valeur individuelle et sociale de la capacité de travail des travailleurs doit être réalisée directement et intégralement par ceux qui les embauchent et qui achètent cette capacité de travail et qui exproprient la valeur nouvelle ainsi produite. Puisqu'elles participent au système économique socialisé, toute entreprise ayant plus de vingt travailleurs doit payer une somme au prorata de la valeur sociale de la capacité de travail de ceux et celles qu'elle embauche, qui comprend en premier lieu la valeur sociale liée à la santé et à l'éducation. Le montant au prorata devrait être calculé selon le nombre de travailleurs embauchés par une entreprise et son revenu brut, et devrait être suffisant lorsque combiné aux autres entreprises pour réaliser la valeur sociale de toute la nation, augmenter de façon constante les investissements dans les programmes sociaux et améliorer la qualité de ces programmes.


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Volume 52 Numéro 71 - 7 décembre 2022

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