Lettre du chef du PQ Paul St-Pierre Plamondon
Mes chers amis,
Comme vous le savez, depuis plusieurs jours, le Parti Québécois était en négociation avec les trois autres partis représentés à l'Assemblée nationale afin d'obtenir un statut de parti officiellement reconnu, ce qui comprend des ressources financières, du temps de parole et une présence administrative dans certaines instances de l'Assemblée. Vous avez également probablement vu dans les médias que les différentes offres faites à notre formation ne permettaient pas d'atteindre le minimum vital donnant à un parti politique les moyens de fonctionner normalement, c'est-à-dire un nombre d'employés nous permettant d'effectuer correctement notre travail et un temps de parole nous donnant moindrement le droit d'exister.
Lors des dernières élections, les électeurs du Québec ont majoritairement appuyé 5 partis politiques, dont quatre dans des proportions quasi égales, chacun ayant recueilli entre 13 % et 15 % des votes exprimés. À l'ouverture de la chambre, un parti ayant obtenu 41 % des votes aura pourtant 72 % des sièges. Le mode de scrutin actuel a provoqué une distorsion sans précédent dans la composition de l'Assemblée nationale. Chacun de ces courants de l'électorat mérite d'être représenté correctement et démocratiquement. Cette situation exceptionnelle demande des mesures exceptionnelles afin de rétablir un certain équilibre démocratique, atténuer les distorsions et permettre à l'Assemblée nationale de représenter le plus fidèlement possible les principaux courants politiques québécois.
Ce n'est malheureusement pas dans cet esprit qu'ont eu lieu les présentes négociations. Très rapidement, nous avons compris, par les méthodes de calcul proposées et par le peu d'ouverture démontrée à la table des négociations par les autres partis politiques, que personne n'avait réellement l'intention de corriger les distorsions démocratiques engendrées par la dernière élection. Voici le genre d'offres auxquelles nous faisions face :
- Accepter qu'un parti (le PLQ), qui a obtenu moins de votes que le PQ, obtienne 10X notre budget et environ 70 % des questions, contre seulement 5 % pour nous.
- Accepter qu'un parti ayant obtenu un nombre de votes similaire au nôtre, Québec solidaire, obtienne 4X plus de budget que nous et environ 25 % des questions. Voilà les « offres généreuses » de la CAQ et du PLQ.
De nombreux chroniqueurs et commentateurs ont souligné que l'objectif de ces négociations n'était pas de trouver un terrain d'entente juste pour l'ensemble des formations politiques, mais plutôt–et les autres partis ne l'avoueront jamais bien sûr – de trouver le meilleur moyen possible de marginaliser la présence du Parti Québécois durant le prochain mandat. C'est malheureusement aussi ce que nous avons ressenti au fur et à mesure que les négociations avançaient.
Devant une CAQ qui voulait en donner le moins possible, le PLQ et QS ont malheureusement consenti à des offres et à un résultat final qui vient encore davantage accentuer les distorsions démocratiques plutôt que d'aider à les réduire. Nous n'avons pas senti d'appétit de leur part pour un rééquilibrage démocratique réel, ni un ni l'autre n'a agi pour que le PQ obtienne une réelle reconnaissance. Il faut à ce titre constater qu'à la fin, ces deux partis auront obtenu la totalité de leurs demandes, tant administratives que financières. Pour le PQ, c'est l'inverse : un refus généralisé de nos demandes initiales et une proposition financière rendant notre travail quasi-impossible.
Dans ces négociations, le Parti Québécois n'avait absolument aucun levier. En fait, il n'en avait qu'un seul : c'est vous. Lorsque nous nous sommes rendu compte qu'il n'y aurait pas de mouvement de la part du PLQ, de QS et de la CAQ, après plusieurs jours de négociations, la seule option qui nous restait était de rendre publiques les offres ridicules qu'on nous faisait. Vous avez été nombreux à nous appuyer et à réagir avec stupéfaction et déception.
Avant-hier, nous avons appris qu'une offre écrite nous excluant avait commencé à circuler entre les trois partis et qu'ils étaient prêts à la signer sans notre accord, ce qu'ils ont le droit de faire, puisque le règlement de l'Assemblée nationale demande « un fort consensus » et non pas l'unanimité. Ils avaient donc le pouvoir de nous enlever ce qui avait été négocié, rendant notre situation encore plus impossible, et réduisant notre budget et ma reconnaissance comme chef à néant. On ne pouvait pas risquer de perdre ce statut de chef, qui me permettra de poser des questions au premier ministre au courant des 4 prochaines années, aussi peu nombreuses soient-elles. On ne pouvait pas risquer de perdre encore davantage de budget que ce qui nous a été proposé. On ne pouvait pas risquer de potentiellement sacrifier la viabilité du mouvement indépendantiste au Parlement pour tenter d'aller chercher encore quelques miettes de plus.
Dans des conditions impossibles et n'ayant aucun autre levier, nous avons réussi, à la dernière minute, à faire quelques gains modestes avant de signer une entente à rabais :
- Nous aurons donc droit à 7 % des questions au lieu de 5 %, cela signifie deux questions par semaine.
- Nous aurons droit à un budget de 570 000 $ au lieu de 495 000 $, ce qui nous permettra d'embaucher un employé supplémentaire.
- Nous aurons droit à un siège « d'observateur » au Bureau de l'Assemblée nationale, sans droit de vote, au lieu d'une absence totale.
Nous sommes allés chercher le maximum que nous pouvions obtenir dans des conditions qui n'ont aucun sens. Dans des conditions où nos vis-à-vis sont juges et parties, où il n'y aucun pouvoir de négociation, aucun processus indépendant et très, très peu de bonne foi.
Maintenant, quelles conclusions tirer de cet épisode ? D'abord, qu'on ne peut pas se fier à la parole de François Legault. Au lendemain des élections, le premier ministre lançait un grand message d'ouverture et un appel à la collaboration avec les oppositions. Il affirmait aussi qu'il fallait être sensible aux distorsions démocratiques du dernier scrutin et qu'il ne fallait pas les accentuer davantage. François Legault a échoué à son premier test. Comme c'est trop souvent le cas, notre premier ministre est excellent pour faire des déclarations, mais beaucoup moins pour agir de manière cohérente.
Ensuite, qui pensez-vous fait peur à la CAQ ? Le résultat de cette négociation laisse peu de doute. Ce n'est pas Québec solidaire ou le Parti libéral du Québec qui fait peur à la CAQ. La CAQ veut être certaine que le PARTI QUÉBÉCOIS ne se relèvera pas. Ce qu'elle n'a pas encore compris, c'est que nous avons déjà commencé à nous relever et que nous continuerons à le faire encore davantage au courant des quatre prochaines années, malgré le peu de moyens dont nous disposerons.
Troisièmement, la population québécoise n'a pas encore dit son dernier mot. Avec le budget qui nous a été octroyé, il nous manque environ 2 postes à combler. Nous nous fixons un objectif de récolter 120 000 $ d'ici la fin de cette année. Comme c'est une année électorale, vous pouvez donner jusqu'à 200 $. Si 600 personnes font le don maximal, nous y arriverons ensemble.
Nous faisons donc appel aux 600 000 Québécois qui nous ont
appuyés et à toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la
démocratie, afin de lancer cette vaste campagne de financement
nous permettant de combler ces deux postes pour compléter notre
équipe et d'être en mesure de porter votre voix adéquatement
chaque jour. Je vous encourage à donner, peu importe le montant
dont vous disposez ! Pour faire un don, c'est ici.
Également, pour chacune des journées où nous serons privés d'une question en chambre, nous innoverons et trouverons un autre moyen de questionner la CAQ, que ce soit en point de presse ou ailleurs.
En terminant, je tiens à réitérer que le Parti Québécois est d'abord démocrate. Au courant des prochains mois, nous allons utiliser tous les moyens parlementaires à notre disposition afin de réformer le système pour qu'il représente davantage la volonté populaire. Malheureusement, notre système démocratique est de plus en plus brisé et les gens qui sont avantagés par cette dynamique souhaitent en profiter au maximum. Le Parti Québécois travaillera pour que ce processus bancal de « négociations » soit le dernier de l'histoire du Québec. Nous proposerons une réforme qui permettra notamment d'en faire un processus INDÉPENDANT et NEUTRE, en plus de changer les règles sur la reconnaissance qui ne sont plus adaptées à notre réalité.
Grâce à vous tous, nous y arriverons.
Merci à l'avance
(25 novembre 2022)
Cet article est paru dans
Volume 52
Numéro 65 - 29 novembre 2022
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