Lettre ouverte sur l'inconstitutionnalité du serment au roi d'Angleterre
Le Journal de Montréal a publié le 22 octobre une lettre ouverte du Conseil national du Mouvement laïque québécois qui donne le point de vue de ceux qui épousent le principe démocratique moderne selon lequel prêter serment au roi d'Angleterre est une question de conscience et est inconstitutionnel car l'État québécois ne doit être religieux d'aucune façon. Nous reproduisons cette lettre à titre d'information.
Le serment au roi d'Angleterre est inconstitutionnel
Hérité de la Conquête et du colonialisme britannique qui s'est ensuivi, le « serment d'allégeance à Sa Majesté » que doivent prêter les députés est contraire à la charte québécoise des droits et libertés ainsi qu'à la Constitution canadienne de 1982.
Au nom du principe d'égalité de tous devant la loi, ces deux lois fondamentales interdisent toute discrimination, et donc tout privilège, exercé ou accordé en raison de l'appartenance à une religion.
Or, le roi Charles III, comme ses prédécesseurs, détient le titre religieux officiel de « défenseur de la foi et gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre ». Un titre qui remonte au roi Henri VIII et qui lui donne notamment le privilège de nommer les évêques, dont celui de Canterbury, primat de l'Église anglicane. Le monarque serait par ailleurs « roi par la grâce de Dieu » (dei gratia regina ou dei gratia rex) selon l'affirmation gravée sur la monnaie canadienne.
En confiant la charge de chef d'État à un monarque qui exerce des fonctions religieuses et qui est obligatoirement anglican en vertu de lois britanniques qui nous sont étrangères, les lois canadiennes qui régissent la monarchie dérogent au principe d'égalité de tous les citoyens contenu dans nos chartes.
Le roi britanno-canadien bénéficie ainsi de privilèges fondés sur son origine nationale, sur son lien de sang et sur sa religion, privilèges qui sont interdits aux citoyens canadiens. La nomination d'un tel chef d'État va manifestement à l'encontre du principe de l'égalité de tous et constitue une intrusion inacceptable de la religion dans la gérance de l'État.
Serment royaliste anti-laïcité
La prestation de serment des députés à un tel roi relève de cette même violation institutionnelle de nos droits fondamentaux, droits qui sont de nature républicaine. De plus, la Charte québécoise des droits et libertés ainsi que notre loi sur la laïcité affirment le caractère laïque de l'État québécois. Que des représentants d'un État laïque soient assujettis à un monarque religieux dont la seule légitimité est celle dévolue par un dieu est fort révélateur du caractère contradictoire et obsolète de la monarchie canadienne.
Nous estimons donc que les élu-es de l'Assemblée nationale du Québec n'ont pas à se soumettre à ce serment mensonger, archaïque, colonialiste et illégitime, qui perpétue la suprématie d'un monarque étranger. Au nom des valeurs d'égalité, de laïcité et de la souveraineté du peuple, ce serment doit être abrogé dans les plus brefs délais, de même que la monarchie à laquelle il est rattaché.
L'argument voulant qu'il y ait des choses plus urgentes à régler est irrecevable. Cette question revient à chaque élection depuis 40 ans alors qu'une simple motion suspendant l'obligation du serment royaliste, en attendant son abrogation, ne prendrait pas plus de dix minutes aux parlementaires.
En ne faisant rien au nom de ce faux prétexte, les élu-es maintiennent non seulement une pratique illégitime mais envoient aussi le message qu'un serment n'a aucune valeur et constitue même un grossier mensonge.
Marilou Alarie, Joseph Aussedat, Daniel Baril, Yoland Bergeron, Micheline Boucher Granger, Philippe Dujardin, Lucie Jobin, Yvan Lamonde, Éric Ouellet, Noëlle Tannou, pour le Conseil national du Mouvement laïque québécois
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 47 - 25 octobre 2022
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