À titre d'information

Le chef du Parti québécois parle de la signification du serment au roi

Le 21 octobre, après avoir juré fidélité au peuple québécois mais refusé le serment de fidélité au roi Charles III, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a entre autres exposé son point de vue sur ce que signifie prêter un serment d'allégeance.

« Nous sommes aujourd'hui dans une ère où le consentement est au coeur de plusieurs débats sociaux et à juste titre », a-t-il souligné. Voici un extrait de son intervention :

Le chef du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon en conférence de presse le 21 octobre 2022

« Je suis très heureux et très touché de vous voir nombreux ici ensemble pour célébrer notre serment sincère au peuple du Québec. Car un serment révèle une réelle signification, confère bel et bien un sens à notre engagement politique. Qui voudrait vivre dans un monde où rien n'a de sens ? Ni la parole donnée, ni le drapeau hissé, ni les symboles qui sont affichés, ni le passé de ses propres grands-parents, ni l'avenir de ses propres petits enfants, un monde ou tout serait relatif, vague et sans importance. Un monde où les promesses peuvent être rompues, où les convictions sont molles, interchangeables et changent au gré du vent dominant de la conjoncture, de la mode ou des ambitions. Un monde où il serait normal de dire le contraire de ce que l'on pense et de penser le contraire de ce que l'on dit.

« Le Parti québécois porte une longue tradition de services publics, de services de l'intérêt des Québécoises et des Québécois. Et comme 10e chef de ce parti, je souhaite poursuivre et amener plus loin cet héritage politique. Nous sommes du camp de ceux qui affirment que les mots ont un sens. Que lorsque l'on donne sa parole, qu'on prend un engagement, qu'on pose sa signature, ou qu'on vote une loi, on engage son honneur, on devient responsable au sens fort du terme. Depuis la nuit des temps, les humains ont imaginé des prises de parole plus fortes que toutes les autres, un engagement solennel, un serment. Prêter serment, c'est mettre son âme en jeu, affirmait l'écrivain Ken Follet.

« Nous vivons malheureusement au Québec, et ce depuis plusieurs décennies, dans un carcan qui condamne chaque élu du peuple québécois à l'hypocrisie. Un carcan qui force des démocrates de tous les partis à prêter un serment dans lequel ils ne croient pas et donc à se parjurer, à souiller la valeur même de leurs paroles et à le faire dans le cadre du premier acte qu'ils sont appelés à poser à titre de représentants des citoyens. Le chef fondateur du Parti québécois, René Lévesque, a fait franchir au Québec une partie du chemin en insérant dans la Loi de l'Assemblée nationale un autre serment, celui envers le peuple du Québec que vous venez d'entendre. Et ce faisant, il permettait à tous les élus de prêter au moins un serment sincère, mais sans les dispenser pour autant d'en prêter un autre qu'il faut bien caractériser par le mot qui est adéquat : mensonger. Et ici je ne blâme personne. Ce n'est que depuis quelques années qu'il y a des juristes qui se sont éveillés à l'hypothèse qu'il serait possible de sortir de ce carcan en ignorant tout simplement le serment fait à la Couronne britannique. On ne peut servir deux maîtres. La coexistence des deux serments, celui du vrai et celui du faux, a toujours été intenable, elle est désormais indéfendable.

« Nous sommes donc enfin à l'heure des décisions. Et à ce titre, posons-nous une question toute simple. Quand les Québécoises et les Québécois directement ou indirectement par l'entremise de leurs élus ont-ils consenti à l'existence de ce serment au roi d'Angleterre ? Quand les Québécoises et les Québécois ont-ils même consenti à ce qu'une famille royale étrangère, celle qui a pendu les patriotes, celle qui a déporté les Acadiens et celle qui a confirmé le rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne sans l'accord du Québec, quand avons-nous consenti à ce qu'une famille royale étrangère soit choisie pour diriger formellement l'État canadien et l'État québécois ?

« Nous sommes aujourd'hui dans une ère où le consentement est au coeur de plusieurs débats sociaux et à juste titre. Alors quand avons-nous dit oui à la reine et au roi, à ce serment, à cet exercice d'humiliation et de rappel de la domination coloniale ? Certainement pas en 1982 lorsque la Constitution canadienne a été adoptée reconduisant cet acte de soumission sans l'accord du Québec, car à l'époque, les députés du gouvernement et de l'opposition officielle ont rejeté cette constitution, donc ont rejeté ces dispositions de roi et de serment. Donc on dit souvent dans cette assemblée, pas de consentement. Pas non plus 10 ans plus tard en 1992, lorsque les Québécoises et les Québécois eux-mêmes, personnellement, ont signifié à 57 % que la version améliorée de cette constitution ne serait pas acceptable. Donc à nouveau, pas de consentement.

« Aurions-nous consenti en 1867, au moment de la rédaction de cette constitution ? Aucun des élus québécois n'avait de mandat d'approuver ce texte car son existence n'avait été nullement évoquée dans les élections antérieures. Elle fut au centre de l'élection de 1867 qui est la plus frauduleuse de notre histoire. On sait qu'à l'époque, une majorité de Québécoises et de Québécois était opposée au texte constitutionnel et à l'entrée du Québec dans la confédération. Et à nouveau, pas de consentement.

« Nous n'avons jamais dit oui au roi et à ce serment. Et en fait, la légitimité du roi Charles III au Québec, comme celle de tous ces prédécesseurs ne repose que sur une seule chose : les armes. La conquête, et la violence qui venait avec. Et à la continuité qu'on a bien voulu comme Québécoises et comme Québécois donner à tout cela, par l'entremise de notre propre passivité. Sans les armes, sans la violence et sans la conquête, il n'y aurait pas au Québec de roi ni de serment. À travers les siècles, c'est donc au nom du colonialisme et de la domination impériale britannique qu'on force nos élus québécois à se parjurer et je pense qu'il est temps d'en finir avec un passé que nous n'avons jamais choisi.

« Pour donner un sens au serment et à la cérémonie qu'on a aujourd'hui, il faut désormais ne prêter qu'un seul serment, celui au peuple québécois, celui qui parle à la totalité ou à l'immense majorité des personnes que l'on représente et c'est pourquoi je tends la main aux autres 122 députés, démocratiquement élus à l'Assemblée nationale. Soyons dès maintenant le changement que nous voulons voir dans le monde. Soyons à la hauteur de la confiance que le peuple québécois nous a accordée en nous élisant, soyons à la hauteur de l'histoire et de l'avenir.

« Ce qui m'amène à revenir sur l'élection que nous venons de vivre et sur la suite des choses. Le 3 octobre dernier, vous qui nous écoutez, vous avez été plus de 600 000 à nous accorder votre confiance. Plus de 600 000 à dire que le Québec avait besoin de députés indépendantistes à l'Assemblée nationale, à nous avoir donné le mandat de se battre pour des questions fondamentales, comme l'avenir du français, l'avenir des changements climatiques, des questions qui nous tiennent à coeur. Et j'aimerais donc par conséquent à nouveau vous remercier du fond du coeur, vous tous qui nous écoutez d'un peu partout au Québec. Nous tâcherons de remplir notre mandat avec toute la hauteur, toute l'honnêteté et tout l'enthousiasme qu'on puisse y mettre. Bien que nous soyons moins nombreux que je l'aurais voulu, nous nous devons de garder une vue d'ensemble, de nous rappeler que nous sommes certes 3 élus, mais nous sommes également plus de 2 000 000 de Québécoises et de Québécois qui souhaitent que le Québec devienne un pays. Notre travail au cours des 4 prochaines années sera d'augmenter ce nombre et nous y travaillerons à chaque jour. »

(Photo : page Facebook de Paul St-Pierre Plamondon)


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Volume 52 Numéro 47 - 25 octobre 2022

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