Conférence de presse de Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois
[Nous allons prêter le serment d'allégeance au peuple] québécois et non au roi d'Angleterre et je demande à l'Assemblée nationale de ne pas sévir et de me laisser siéger sur la base de ce serment envers le peuple québécois sans mentionner la couronne britannique.
Laissez-moi dans un premier temps revenir sur pourquoi je prends cet engagement-là, pourquoi je persiste dans cet engagement-là, et dans un deuxième temps j'aimerais expliquer pourquoi c'est faisable et qu'il y a une voie de passage pour respecter la liberté de conscience de tout le monde dans ce processus-là.
Dans un premier temps, je vous rappelle que la monarchie au Québec nous coûte 67 millions de dollars par année et c'est un 67 millions de dollars que je qualifierais de dilapidation de fonds publics. Non seulement l'utilité de la monarchie au Québec elle est nulle, mais surtout que ça nous rappelle une domination coloniale, une conquête, et donc cela nous rappelle qu'on n'est pas maître chez nous. On ne peut pas prendre nos décisions par nous-mêmes et on en a un exemple éloquent dans le cas d'un député élu qui veut siéger sans allégeance au roi d'Angleterre. La monarchie britannique c'est non seulement 67 millions de dollars par année, mais c'est un rappel de la domination coloniale qui a mené à la pendaison des Patriotes, à la déportation des Acadiens, et qui a mené à la Loi sur les Indiens et aux réserves indiennes, une loi qui a toujours cours, en raison de ce régime colonial britannique. Dans ces circonstances-là, pendant la campagne, je l'ai fait à plusieurs reprises, j'ai dit moi si je suis élu, je ne prêterai pas serment au roi. C'est pour ces raisons-là que j'ai pris cet engagement-là et vous comprendrez que la pire chose qu'on pourrait m'imposer, une fois que je suis nouvellement élu, c'est de m'obliger à dire le contraire de mon engagement que j'ai fait devant des millions de Québécoises et de Québécois. Donc je vais tenir parole et je vais être cohérent.
Quel est l'état du droit au Québec sur ce fameux serment ?
Le droit québécois, donc les règlements de l'Assemblée nationale, prévoit un serment au peuple québécois. Donc un serment où on jure fidélité au peuple québécois et au fonctionnement de l'Assemblée nationale. Il n'y a pas de droit écrit dans le corpus de l'Assemblée nationale qui oblige de prêter serment au roi. Le seul document qui requiert une allégeance et une loyauté envers le roi d'Angleterre, c'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la Constitution canadienne, de 1867. Donc comment la pratique a évolué c'est qu'on demande aux députés de faire les deux serments, l'un après l'autre. Faire un serment de loyauté envers le peuple québécois et ensuite de faire un serment de loyauté envers le roi d'Angleterre. Moi ce que je vous dis ce matin c'est qu'à sa face même, c'est un conflit d'intérêt. On ne peut pas servir deux maîtres lorsqu'on sait que ces intérêts-là sont contradictoires. On ne peut pas d'une part dire je vais être loyal et que tout mon travail va être en fonction de l'intérêt du peuple et en même temps dire que je vais être loyal et tout mon travail va être en fonction de l'intérêt de la Couronne britannique, un souverain d'un autre pays, qui a conquis le territoire du Québec il y a fort longtemps de ça. Donc il y a un conflit d'intérêt et de mon point de vue on ne peut pas servir deux maîtres. De la même manière que pour l'Assemblée nationale se pose la question : est-ce qu'on va choisir la reconnaissance du processus démocratique supervisé par Élections Québec et laisser quelqu'un qui prête serment envers le peuple québécois rentrer dans le salon bleu et faire son travail, ou est-ce qu'on va choisir la loyauté envers la couronne britannique et l'Acte de l'Amérique du Nord de 1867 ? La réponse à mon avis est que l'Assemblée nationale, sa responsabilité, c'est de veiller à la démocratie québécoise, à l'intérêt de l'Assemblée nationale, pas l'intérêt de la Couronne britannique.
Maintenant si la Couronne britannique n'est pas contente et qu'il y a des poursuites, je pense que les tribunaux pourront entendre des causes initiées par Ottawa, initiées par la gouverneure générale, le lieutenant-gouverneur général, mais ce que j'ai demandé formellement à l'Assemblée nationale ce matin, c'est de me laisser prêter uniquement serment envers le peuple québécois et de considérer que même la jurisprudence fédérale dit que le serment au roi n'en est pas un au roi spécifiquement mais en est un aux institutions démocratiques. Donc dans la mesure ou j'aurai déjà prêté serment envers le peuple québécois, je demande à l'Assemblée nationale de ne pas sévir, d'enregistrer mon serment et de me laisser siéger parce que je suis dûment élu. C'est ce qu'Élections Québec va confirmer.
Je terminerai en disant que mon assermentation a lieu le 21 octobre. J'ai invité mes amis, tous les bénévoles. Je suis très clair avec l'Assemblée nationale sur mes intentions et je demande tout simplement à nos institutions québécoises de veiller à leur mission, à savoir veiller à notre démocratie québécoise. Et si l'impérialisme britannique juge qu'il faut intervenir, sévir, ce sera à ces institutions-là de prendre l'initiative mais pas à l'Assemblée nationale, parce que l'Assemblée nationale est une institution de tradition civiliste, et dans la tradition du droit québécois, ce qui est marqué noir sur blanc doit être suivi, et ce qui est marqué noir sur blanc je vais le faire, à savoir jurer fidélité au peuple québécois sans pour autant dire quoi que ce soit par rapport au roi d'Angleterre. Donc c'est mon intention. Je voulais vous en informer. Et évidemment j'espère que cela va susciter une réflexion. Je ne considère pas que c'est la question la plus urgente au Québec, mais pour moi c'est une question de cohérence et je considère également que si on veut que les choses changent, bien il faut agir de manière conséquente et il faut se tenir debout. Et cette folie-là de dilapider 67 millions de dollars par année pour une institution qu'à peu près 80 % des Québécois jugent inutile, elle a assez duré, tout simplement. Et je demande à l'Assemblée nationale de respecter le fait que je suis élu et on verra ensuite comment les institutions fédérales réagiront. Voilà.
Question : Est-ce que vous considérez ne pas siéger en Chambre si on ne vous laisse pas ?
Réponse : Je vais être conséquent et cohérent. Je m'attends à ce qu'on ne me bloque pas l'accès au salon bleu.
Question : Cela a déjà été fait dans le passé
[inaudible], des députés du PQ qui ont refusé de prêter serment.
Réponse : Ce n'était pas la même chose. Ils ont négocié d'une certaine manière une façon de prêter serment, Bernard Landry l'a fait également, il y a eu des modifications un peu au texte. Mon intention, mon engagement est de mettre fin à cette allégeance à une couronne étrangère.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 42 - 14 octobre 2022
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