Qui est Danielle Smith et que veut-elle ?

– Peggy Morton –

La nouvelle première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, a une carrière politique peu reluisante. Elle a été formée par l'Institut Fraser et a travaillé comme chroniqueuse et membre du comité de rédaction du Calgary Herald ainsi qu'à la radio et à la télévision.

En 2009, Danielle Smith est devenue cheffe du Parti Wildrose. Les sondeurs ont déclaré qu'elle remporterait les élections provinciales de 2012, une prédiction tout à fait inexacte. Puis, en 2014, elle a amené huit députés de Wildrose à changer de parti et à se joindre au gouvernement du Parti progressiste-conservateur (PC) de courte durée de Jim Prentice. Cela a rendu furieux les partisans du PC et du Wildrose, surtout lorsqu'on a appris que, bien qu'elle ait dénoncé deux députés provinciaux du Wildrose qui avaient traversé le parquet plusieurs mois plus tôt, elle avait discuté avec Jim Prentice de la possibilité de se joindre au PC à l'époque. Son déclin a été si spectaculaire qu'elle n'a pas réussi à remporter l'investiture du PC lors des élections provinciales de 2015, mettant ainsi fin à sa carrière politique jusqu'à ce qu'elle se présente à la direction du Parti conservateur uni (PCU).

Auparavant, lors de sa première incursion dans une fonction élue comme membre du conseil scolaire de Calgary, Danielle Smith a eu un rôle important pour rendre le conseil si dysfonctionnel que son président a déclaré qu'il ne pouvait plus fonctionner, ce qui a conduit au renvoi du conseil par le gouvernement provincial.

Lors d'un débat à la direction organisé par le groupe séparatiste Alberta Prosperity Project, elle aurait « avisé notre fonction publique, tous les 240 000 fonctionnaires, que chaque décision qu'ils prennent doit être prise dans l'optique de faire passer l'Alberta en premier ». En fait, il y a environ 25 000 personnes directement employées par le gouvernement albertain, dont environ 2 200 sont exclues du syndicat parce qu'elles sont réputées avoir un certain pouvoir décisionnel.

Danielle Smith s'est également engagée à remplacer l'ensemble du conseil d'administration de Services de santé Alberta, à congédier les membres du Collège des médecins et chirurgiens de l'Alberta et à mener une « enquête publique » sur la médecin hygiéniste en chef. Cela indique que Danielle Smith continuera à concentrer le pouvoir entre les mains de l'exécutif et à gouverner par décret.

Danielle Smith est reconnue pour ses attaques contre le droit de conscience. Dans une chronique publiée dans le Calgary Herald et l'Edmonton Journal en 2019, elle s'est lancée dans une diatribe contre le communisme, l'Union soviétique et « les professeurs de sciences sociales des écoles publiques [qui] semblent pencher vers le marxisme », puis a demandé aux conseils scolaires de commencer à licencier les enseignants dont elle dénonçait les méthodes.

Danielle Smith a proposé et fait campagne pour une « loi sur la souveraineté de l'Alberta » qui, comme annoncé, vise à donner à la province le pouvoir d'ignorer toute loi fédérale de son choix sur la base d'un « vote libre » de l'Assemblée législative et de défier toute décision d'un tribunal fédéral allant à son encontre. Une loi complémentaire remplacerait la GRC par une force de police provinciale, établirait un régime de retraite albertain pour remplacer le Régime de pensions du Canada, et rendrait obligatoire la perception directe par le gouvernement provincial, auprès des entreprises et des employés de la fonction publique de la province, des impôts qu'ils envoient maintenant à l'agence fédérale du revenu. Danielle Smith accuse les libéraux de Trudeau de vouloir exercer un contrôle sur tous les aspects de la vie des gens, tout en affirmant qu'elle défend la « liberté ».

Après l'élection de Mme Smith, son conseiller principal, Rob Anderson, a publié une déclaration «clarifiant» que le projet de « loi sur la souveraineté de l'Alberta » respecterait les décisions de la Cour suprême du Canada. Lors d'une conférence de presse suivant son assermentation, Mme Smith a déclaré : « Lorsque la Cour suprême rend une décision, nous devons nous y conformer ».

Cinq des sept candidats à la course à la direction du PCU, plus le premier ministre sortant et chef du PCU, Jason Kenney, ont qualifié la loi proposée d'inconstitutionnelle, de violation de l'état de droit et de la séparation des pouvoirs et se sont présentés comme les défenseurs des « institutions démocratiques ». La lieutenante-gouverneure est même intervenue pour dire qu'elle pourrait ne pas signer une telle loi.

Tout cela vise à diviser le peuple en pour et contre au lieu de travailler ensemble à la modernisation du processus électoral et à rédiger une constitution moderne. Il existe au Canada une crise constitutionnelle à laquelle il faut s'attaquer pour éviter les désastres qui l'attendent si le peuple est divisé ou rendu passif en raison de l'absence d'un mouvement qui lui donne du pouvoir.

L'ordre constitutionnel actuel, conçu pour préserver l'État, permet la concentration du pouvoir aux mains de l'exécutif et la création de gouvernements de pouvoirs de police. Les assemblées législatives sont de moins en moins pertinentes, l'état de droit est bafoué et les ressources humaines et naturelles du Canada sont mises au service des riches et de la machine de guerre impérialiste des États-Unis alors que les besoins les plus fondamentaux du peuple ne sont pas satisfaits.

Le zèle de Smith pour faire sortir l'Alberta de la Constitution est utilisé par les médias et les experts pour répandre la désinformation sur la situation en Alberta et au niveau fédéral. Ils ont même réinventé Kenney comme un « modéré », un pilier de stabilité et de décence, et ils proposent maintenant au NPD de montrer qu'il est capable d'assurer la « stabilité » et la « modération ». La « stabilité » et la « modération » signifient que toutes les ressources de l'Alberta servent à payer les riches, à servir la machine de guerre des États-Unis avec les ressources énergétiques dont elle a besoin et à contrôler la classe ouvrière, les peuples autochtones et les Métis.

Dans son discours du 6 octobre à Calgary, Danielle Smith a beaucoup parlé de sa vision de l'Alberta. Elle a décrit les Albertains comme « des pionniers et des agriculteurs, des entrepreneurs et des innovateurs, des communautés et des familles ». Elle n'a pas reconnu l'existence de la classe ouvrière ni même les peuples autochtones et les Métis. Plus loins dans le discours, elle a défini plus précisément qui elle identifie comme le « nous » en Alberta. « Nous sommes des entrepreneurs et des gens d'affaires », a-t-elle dit, affirmant que, néanmoins, le « nous » gouvernerait de manière compatissante.

Le fait est que l'avenir réside dans la lutte des travailleurs et des jeunes de l'Alberta pour faire respecter les droits de toutes et de tous. Les enseignants de l'Alberta s'organisent et se préparent à un important rassemblement à l'Assemblée législative le 22 octobre et appellent tout le monde à s'y joindre. Les travailleurs de la santé et leurs syndicats font part de leurs préoccupations et de leurs revendications. La conviction est palpable quant à la nécessité de renforcer la résistance de la classe ouvrière et du peuple face aux gouvernements de pouvoirs de police. L'augmentation de la pauvreté, l'inflation, la crise des soins de santé, la violence faite aux femmes, aux minorités et aux peuples autochtones, l'attaque contre le droit à l'éducation, l'itinérance et bien d'autres problèmes encore sont ce à quoi tout le monde fait face chaque jour.

L'élection de Danielle Smith montre non pas la nécessité de défendre « l'ordre constitutionnel existant », mais que le peuple doit donner des définitions modernes de la démocratie de masse nécessaires au XXIe siècle. Une telle démocratie est basée sur la mobilisation du facteur humain/conscience sociale pour apporter des solutions aux problèmes auxquels la société est confrontée. Elle donne naissance à un ordre constitutionnel qui investit le peuple de la souveraineté et crée des institutions qui veillent à ce que les revendications du peuple soient satisfaites.


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Volume 52 Numéro 40 - 12 octobre 2022

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