Les extrêmes d'un pouvoir au service des riches – l'autre façade du nationalisme Legault

Pierre Soublière –

Selon une enquête de Radio-Canada, la compagnie McKinsey a joué un rôle central dans toute la période de la pandémie.

En mai 2020, le gouvernement Legault avait rejeté une demande des partis d'opposition pour rendre publique la transmission de tous les avis et documents produits par la firme[1]. Les documents confidentiels que nous avons obtenus démontrent que les consultants privés ont contribué à des décisions cruciales durant la pandémie en donnant des conseils au gouvernement Legault, notamment pour la stratégie de communication. Ils ont élaboré des scénarios d'achats d'équipements de protection et travaillé à la stratégie de tests PCR. Ils ont aussi proposé des solutions pour remédier à la pénurie de personnel en CHSLD.

Les conseils de McKinsey ont été facturés au Québec 215 000 dollars par semaine , plus taxes, soit 35 000 $ par jour, pour la période d'avril à juin 2020.  En décembre, la facture était de 247 196 dollars, soit toujours 35 000 dollars par jour. Au total, le gouvernement a déboursé 1,7 million de dollars, officiellement pour que McKinsey l'aide à préparer son plan de déconfinement, et 4,9 millions pour l'appuyer dans le plan de relance de l'économie[3].

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Le cabinet-conseil a piloté des comités, organisé des rencontres stratégiques, distribué des rôles sur des groupes de travail et a eu accès à des informations confidentielles.

La firme de consultants a travaillé étroitement avec le gouvernement au dossier des ressources humaines en santé. Le 26 mai 2020, McKinsey envoie un document pour discussion intitulé « Leviers pour faire face aux enjeux Ressources humaines en CHSLD ». L'objectif est de trouver des solutions pour remédier à la pénurie de personnel.

Radio-Canada a recensé la présence de 10 consultants différents de McKinsey ayant collaboré étroitement avec les hauts fonctionnaires québécois, en 2020.

Durant la pandémie, McKinsey avait pour clients des gouvernements - États-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Mexique, Ontario- des entreprises de tous les secteurs économiques, notamment pharmaceutiques, et des organisations internationales.

Comme d'autres cabinets-conseils, McKinsey travaille simultanément pour plusieurs clients publics et privés dont les intérêts peuvent être divergents. La firme le reconnaît elle-même dans son entente avec Québec. Il est arrivé que McKinsey représente au même moment un fournisseur de médicament et l'autorité publique qui autorise ce médicament, comme l'a révélé le New York Times[2]. Il s'est produit la même chose au Québec. Radio-Canada a mis la main sur plusieurs documents de travail produits par McKinsey qui portaient le logo du gouvernement du Québec et l'indication « Votre gouvernement . »

L'enquête démontre qu'entre avril et juin 2020, McKinsey a aussi collaboré avec d'autres ministères et organismes, comme le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de la Sécurité publique, la CNESST et le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. Les courriels consultés ne montrent pas de liens directs avec le ministère de l'Éducation. Toutefois, McKinsey écrit dans un document de travail avoir mis en lumière des enjeux relatifs à la réouverture des CPE et des écoles primaires (par exemple : les mesures de protection et les ratios étudiants-professeurs).

Alors que le Québec signait un contrat de 1,7 millions de dollars avec McKinsey le 2 avril 2020, l'Ontario signait le lendemain un contrat avec la même firme pour 1,6 M $[3].

Le 20 juillet 2020, alors que le mandat de la firme est terminé depuis près de deux mois, McKinsey tente une approche auprès d'un cadre du ministère de François Legault. Est-ce que la structure de gestion de la COVID-19 évolue à ton goût ? demande le représentant du cabinet-conseil dans le courriel . N'hésite pas si on peut aider avec quoi que ce soit. Et il l'informe que plusieurs juridictions en Amérique du Nord réfléchissent présentement à la modernisation de l'État et à la préparation à de futures pandémies. Le gouvernement Legault fera de nouveau appel aux services de la firme quatre mois plus tard, puis encore une fois un an après.

McKinsey est une firme notoire. Dans un article du 29 septembre du New York Times ayant comme sujet un livre intitulé « Lorsque McKinsey arrive en ville – L'influence cachée de la firme de consultants la plus puissante au monde », on affirme que McKinsey a une immense influence dans sa quête de profits aux dépens de principes moraux. Il est indiqué que la firme a, entre autres, travaillé avec des fabricants d'opioïdes et les autorités américaines en immigration responsables de la politique de séparation des familles à la frontière du sud. Plusieurs des recommandations de McKinsey reposent sur la mise-à-pied des travailleurs et d'autres formes de compressions, telles que réduire les dépenses pour la nourriture, les soins médicaux et la surveillance des détenus à la frontière. Le portrait que dresse ce livre en est un d'une compagnie avide de profits, répandant la bonne nouvelle de la restructuration et de la relocalisation, sans être guidé par le moindre principe ou code moral. Dans les années 1990, la firme a mis de l'avant des mises-à-pieds et la délocalisation d'emplois à l'étranger. En 2005, McKinsey a conseillé Walmart, qui payait des salaires tellement bas à ses employés qu'un grand nombre d'entre eux était sur l'aide sociale. Un groupe de travail dirigé par McKinsey a recommandé qu'afin d'augmenter sa profitabilité, Walmart devrait augmenter le nombre de ses employés à temps partiel et maintenir à la baisse les salaires et les coûts en régimes de santé. En août 2021, McKinsey a accepté de débourser 641 millions de dollars pour régler des poursuites juridiques pour son rôle dans la crise des opioïdes.

Voilà un autre aspect du soi-disant nationalisme de Legault. Plutôt que de se baser sur l'expertise des fonctionnaires et des travailleurs québécois, ceux entre autres qui étaient sur les premières lignes, sans parler des plans d'urgence qui avaient été mis sur pied suite à d'autre épidémies, sans oublier les nombreuses recommandations de la coroner du Québec, de l'ombudsman et de nombreuses familles dont les parents sont décédés dans les CHSLD, le gouvernement Legault suivait les ordres d'une compagnie américaine dont l'expertise est d'abord et avant tout d'attaquer les droits des travailleurs et de faire de l'argent peu importe les conséquences pour le peuple Pendant ce temps, l'opposition à l'Assemblée nationale semble avoir attendu après Radio-Canada pour aller au fond de cette fraude et de ce qui pourrait même être qualifié de trahison nationale.

Pierre Soublière est le candidat du PMLQ en Chapleau.

Notes

1. « Le gouvernement Legault a eu des autorisations de déconfinement une semaine en avance », by Thomas Gerbert, Radio-Canada, 19 juin 2020 

2. « McKinsey Opened a Door in Its Firewall Between Pharma Clients and Regulators », Chris Hamby, Walt Bogdanich, Michael Forsythe et Jennifer Valentino-DeVries, New York Times,  13 avril 2021

3. « L'Ontario gère la pandémie de façon 'incohérente et désorganisée,' selon la VG »,  Natasha MacDonald-Dupuis, Radio-Canada, 25 novembre 2020


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Volume 52 Numéro 35 - 2 octobre 2022

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