Au sujet de la pénurie de main-d'oeuvre et de l'environnement

– André Racicot, travailleur minier de l'Abitibi à la retraite –

Nous devons reconnaître qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans tous les secteurs, que ce soit en forêt, dans les mines, dans toute l'industrie. Il y a une pénurie et il n'y a pas assez de personnes pour prendre la relève. Les baby boomers prennent leur retraite, le taux de natalité ne suffit pas à la demande, et surtout il y a plusieurs problèmes qui persistent concernant le recrutement et la rétention des travailleurs. Les travailleurs changent d'employeur parce que les entreprises ne sont pas capables de retenir leurs travailleurs. Bien sûr, le côté monétaire joue un rôle, mais il y a plusieurs autres aspects et les politiques actuelles sont défaillantes en ce qui concerne l'attraction et la rétention des travailleurs.

Même avec la pénurie de main-d'oeuvre, on pourrait résoudre le problème de la main-d'oeuvre qualifiée par des cours de formation, par l'immigration, il y a des pistes de solution mais nous n'avons pas de politique commune. Il y a beaucoup de chercheurs qui abordent la question et les travailleurs également ont beaucoup d'idées qui pourraient être mises en oeuvre pour contribuer à contrer la pénurie de main-d'oeuvre. C'est vrai que la COVID a amplifié la situation, mais il y a quand même des solutions.

À mon avis, la formation professionnelle est une piste de solution importante. Je sais par exemple que dans le secteur des mines et forestier, on a un grand besoin de main-d'oeuvre spécialisée. Nous avons des travailleurs qui ont un cours de base, mais la technologie change rapidement et ils ne sont pas capables de se mettre à jour. Il devrait y avoir de la formation continue à l'intérieur de l'entreprise. Si on ne fournit pas aux travailleurs de la formation continue, ils vont décrocher et aller ailleurs. Il faut mettre beaucoup d'accent sur la formation professionnelle et assurer la reconnaissance des acquis à l'intérieur de l'entreprise, accompagnée de promotion des travailleurs. À l'heure actuelle, ce sont les syndicats qui sont obligés de se battre pour l'obtenir.

Dans mes activités à la mine, j'ai dû me battre pour faire accepter cela à la minière, en leur disant que si vous voulez retenir les travailleurs, il faut les former. Au lieu de faire de la formation continue et de reconnaître la compétence par des augmentations salariales par exemple, les entreprises ont tendance à faire appel à la sous-traitance, et avoir ainsi une main-d'oeuvre dont ils peuvent se débarrasser quand ça fait leur affaire.

Aussi, la vie de famille est de plus en plus importante. Avoir des conditions qui permettent une vie de famille de qualité c'est important pour les jeunes, plus que ça l'était dans notre temps. C'est tant mieux, c'est un changement pour le mieux. Les entreprises du secteur primaire comme le secteur minier ne sont pas alignées sur cela, cela affecte la rétention des travailleurs.

Une autre question qui est très importante à mon avis c'est l'environnement. Il faut avoir des politiques claires, des ententes avec les entreprises selon lesquelles elles doivent respecter les normes actuelles. La population ne peut pas respecter l'industrie si elle ne respecte pas les standards environnementaux. La qualité du milieu de travail, la qualité de l'environnement de travail, la qualité de l'air c'est très important pour l'ensemble des travailleurs et aussi pour la population.

Je prends l'exemple de l'industrie forestière en Abitibi qui est une véritable farce du point de vue environnemental. Le ministre qui s'occupe du secteur est clairement à la solde des entreprises privées. J'ai un quatre roues et je me promène en forêt avec des amis et ce que je vois, en ce qui concerne les chemins forestiers, je l'appelle un massacre de la forêt, un énorme gaspillage de bois. Il n'y a personne qui contrôle ce qui se passe. Les entreprises prennent uniquement le bois qui leur rapporte, et le reste du bois est laissé pour pourrir sur place. Je ne suis pas un spécialiste mais je me demande comment cela se fait que les inspecteurs, s'il y a des inspecteurs qui surveillent la situation, laissent aller les choses comme cela, avec autant de perte.

Et les jeunes revendiquent de plus en plus un environnement de qualité, et avec raison parce que c'est eux qui vont avoir à faire face au problème.

Aujourd'hui, la production doit comprendre le respect de l'environnement. Tu dois être autorisé à produire à condition que tu respectes l'environnement.

C'est très préoccupant. Les jeunes familles vont y penser à deux fois avant de venir s'établir dans une région où les standards environnementaux ne sont pas respectés.

Il faut que les politiciens, les candidats écoutent la population, écoutent les personnes qui travaillent et qui fournissent les services. Dans la santé, beaucoup de personnes âgées sont décédées dans les dernières années, surtout pendant la pandémie de la COVID. C'est terrible mais les problèmes sont encore là. Ils n'ont pas été résolus. Il ne faut pas que ces problèmes soient cachés sous le tapis pendant les élections.


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Volume 52 Numéro 33 - 30 septembre 2022

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