Des plans verts d'électrification et d'extraction minière qui se heurtent aux désirs de la population

– Pierre Soublière –


Action en appui à la grève climatique à Gatineau, 23 septembre  2022

Bientôt, le 23 septembre, aura lieu la Grève mondiale pour le climat durant laquelle les peuples du monde, parmi lesquels le Québec prend fièrement sa place, feront valoir haut et fort la nécessité de protéger l'environnement naturel.

La classe dirigeante du Québec dit que l'environnement est une valeur québécoise qu'elle défend. Vraiment ? Il suffit de jeter un coup d' il sur la Loi 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification. Cette loi a été adoptée par l'Assemblée nationale le 20 octobre 2020 à 74 voix contre 47. Fort de cette loi et de son projet de faire du Québec « la batterie de l'Amérique du Nord », la Coalition avenir Québec a récemment annoncé son intention de doubler la capacité d'Hydro-Québec. Ainsi, elle projette de harnacher de nouvelles rivières au cours des prochaines années. En prévision de cette annonce, le gouvernement Legault avait rejeté la mise en place d'une aire protégée le long de la rivière Magpie, une rivière de 300 kilomètres qui se déverse dans le golfe du Saint-Laurent à l'ouest de Havre-Saint-Pierre, en raison de son potentiel hydroélectrique.

Beaucoup s'opposent à ce projet, comme le préfet de la MRC de la Minganie et le Conseil des Innu de Ekuanitshit qui déclarent qu'ils ont déjà perdu des lieux importants avec l'ennoiement provoqué par le projet de la rivière Romaine. Des élus de la Côte-Nord et des représentants des Premières Nations ont accordé l'an dernier un statut de « personnalité juridique » à la rivière Magpie, ce qui signifie qu'ils accordent à la rivière le statut d'une entité vivante qui possède des droits qui lui sont propres au même titre qu'un être humain ou qu'une corporation. Le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec a déclaré : « La vision d'un Québec devenant la batterie de l'Amérique du Nord représente un risque énorme pour la protection de notre territoire et de notre biodiversité. »

D'autre part, l'annonce en octobre dernier par le gouvernement Legault de créer un « pôle mondial pour toute la filière batterie » au Québec a des répercussions directes sur l'environnement humain et naturel d'une vingtaine de municipalités en Outaouais, particulièrement la Municipalité régionale de comté (MRC) de Papineau où le graphite, un des minéraux critiques, se trouve en abondance. Dans cette MRC, les titres d'exploration miniers (claims) pour extraire le graphite se comptent par centaines, et presque tous les villages sont ciblés par ces titres.

Avec son Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques 2020-2025, le gouvernement du Québec prétend que « la valorisation des minéraux critiques et stratégiques permettra au Québec de poursuivre sa transition énergétique et technologique et de créer des emplois de qualité dans les régions tout en contribuant à développer une économie plus verte ».

Le graphite fait partie de ces minéraux — avec le lithium, le nickel, le cobalt et le cuivre — dont l'extraction est essentielle à ce « pôle mondial de la batterie » dans lequel des milliards de dollars en fonds publics sont investis par le gouvernement du Québec. Ce projet d'extraction de minéraux critiques s'inscrit dans le cadre du Partenariat pour la sécurité des minéraux (MSP) des États-Unis pour la sécurisation d'une chaîne d'approvisionnement en minéraux critiques fabriquée en Amérique -partenariat auquel adhère le Canada – et dans la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques du gouvernement fédéral, elle-même intimement liée à ce partenariat au service des États-Unis.

Bien que présenté comme uniquement utile aux batteries de véhicules électriques, le graphite est aussi une composante d'instruments et d'armes militaires, telles les bombes au graphite comme celles utilisées par l'OTAN dans les bombardements de la Yougoslavie en 1995. La bombe au graphite est une des armes développées par l'armée américaine destinées à paralyser les équipements électriques sans les détruire définitivement. En explosant à proximité du sol, cette bombe libère des milliers de fibres de carbones microscopiques qui s'infiltrent dans tous les systèmes électriques – centrales électriques, transformateurs et postes haute tension ou systèmes de télécommunications – afin d'y créer de gigantesques courts-circuits.

Présentement des machines minières sont à l' oeuvre entre les municipalités de Duhamel et de Lac-des-Plages, sur un territoire couvrant la superficie de plusieurs municipalités. Il y a des forages à 500 mètres du lac Doré décrit comme étant un lac exceptionnel et habité, juste à la sortie de la réserve faunique de Papineau-Labelle. Ces travaux feraient partie d'un projet d'une durée de 15 ans qui prévoit une production de 100 000 tonnes de concentré de graphite à 95 % de carbone.

Selon le maire de Duhamel et porte-parole de la MRC de Papineau, les lois actuelles permettent de mettre des mines presque n'importe où. Ensemble, les résidents ainsi que les représentants au niveau municipal réclament le pouvoir de mieux contrôler l'exploitation minière de leur région. Les citoyens ont l'appui de la MRC et des 10 municipalités de la Petite-Nation, personne n'ayant pris position en faveur de ces développements. Ils déplorent le fait que peu de règles permettent aux municipalités et aux MRC d'encadrer l'implantation de l'industrie minière sur leur territoire. Même les élus affirment ne pas avoir les pouvoirs nécessaires pour faire respecter la volonté de leurs citoyens, protéger le secteur récréotouristique, les villégiatures, la foresterie et la santé publique. Selon le maire de Duhamel : « S'il s'agit de minéraux d'avenir, c'est aussi notre avenir dont il est question et on aimerait avoir un mot à dire sur le sujet. »

Pierre Soublière est le candidat du PMLQ dans Chapleau.


Cet article est paru dans
Logo
Volume 52 Numéro 33 - 30 septembre 2022

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2022/Articles/L520334.HTM


    

Site web :  www.pccml.ca   Courriel :  redaction@cpcml.ca