Rejetons l'ordre constitutionnel dont nous héritons avec la mort de la reine
La mort de la reine Elizabeth II, le 8 septembre, a attiré l'attention du monde entier sur le désespoir des élites dirigeantes de Grande-Bretagne, du Canada et d'autres pays qui veulent préserver ce qu'elles appellent « l'ordre constitutionnel ».
L'étalage de pouvoir et de privilèges sous forme du passage automatique du pouvoir de la reine met en lumière le contenu de la succession. C'est malgré toutes les tentatives de nous cacher ce contenu sous un faste et un apparat destinés à nous ébahir. Mais c'est un espoir vain en ce XXIe siècle où les peuples du monde entier mènent des luttes à mort pour leur droit d'être, ce à quoi cet ordre constitutionnel s'oppose dans l'intention et dans les faits.
Ceux qui faisaient partie de l'Empire britannique, dont les élites célèbrent le règne, et en particulier les peuples d'Asie, d'Afrique, des Caraïbes et les peuples autochtones d'Australie, de Nouvelle-Zélande et du Canada, ainsi que les victimes de l'esclavage dans le monde entier, sont parfaitement conscients que l'état de leurs affaires et l'état des affaires de leurs pays est l'héritage brutal de cet ordre constitutionnel.
Les symboles de la monarchie et les joyaux de la couronne, qui seront sans doute exposés à la cérémonie de couronnement, représentent le vol des richesses des peuples colonisés et le sang et la sueur des peuples asservis. Leur valeur est estimée aujourd'hui entre 3 et 5 milliards de livres sterling – dont la totalité devrait aller aux peuples à qui sont dues des réparations pour l'esclavage, pour les crimes de génocide et les massacres qui ont eu lieu et continuent d'avoir lieu à cause du régime qui leur a été imposé et qui se poursuit dans le présent sous des formes prétendument démocratiques. Les crimes pour lesquels des réparations doivent être payées comprennent l'imposition d'un ordre constitutionnel, qui est censé assurer « la paix, l'ordre et le bon gouvernement », conçu pour maintenir le peuple asservi.
De quoi héritons-nous, nous le peuple, lorsque nous nous retrouvons avec le roi Charles III et l'ordre constitutionnel qu'il a juré de protéger et que tous ceux qui lui prêtent allégeance jurent de protéger ? On ne cesse de nous répéater que l'« ordre constitutionnel » est sain et sauf avec la succession. Mais en quoi consiste-t-il cet « ordre constitutionnel » ?
On nous dit que la transmission héréditaire d'un immense pouvoir et de privilèges d'une mère nommée par Dieu à son fils pour « régner sur nous », est un fait accompli, une question de « stabilité » dans un monde en mutation. Mais la « stabilité » pour qui et pour quoi ?
Pouvons-nous dire qu'il y a eu stabilité pour les travailleurs et les opprimés du monde, ou des pays du Commonwealth, ou de la Grande-Bretagne ou du Canada, avec ces institutions et ces arrangements aussi anachroniques ? Et tous les pays et peuples qui ont été victimes de la domination britannique et des formes de gouvernance appelées « paix, ordre et bon gouvernement » ?
La « paix » signifiait la répression brutale des luttes des peuples colonisés pour l'indépendance. L'« ordre » signifiait l'établissement d'un système de tribunaux, de police et de prisons pour maintenir les travailleurs sous contrôle et pour s'entendre avec les rivaux politiques et économiques. Le « bon gouvernement » fait référence au système de partis et d'élections qui garantissent que le peuple est divisé et ne peut formuler et mettre en oeuvre un programme d'édification nationale qui lui soit propre et qui le favorise lui, plutôt que de favoriser les riches et leur domination.
Cet « ordre constitutionnel » a-t-il apporté la stabilité aux peuples ? Bien sûr que non. Même les riches et les gouvernants déplorent chaque jour que tout échappe à leur contrôle. Quels que soient les diktats qu'ils imposent pour forcer les citoyens à se soumettre à leurs volontés et pour contrôler les forces productives, ces dernières croissent de manière exponentielle et ont dépassé les limites de leur contrôle.
L'ordre constitutionnel que les riches et les puissants veulent faire accepter aux peuples du monde est exposé alors que les élites dirigeantes pleurent leur reine et saluent l'accession d'une autre relique des gloires passées. Leur contrôle sur les leviers du pouvoir leur permet de faire étalage de leur richesse, de leurs privilèges et de leur puissance alors que des famines menacent les humains dans plusieurs pays d'Afrique, conséquences des désastres causés par leur refus de fournir les infrastructures et les programmes sociaux dont les populations ont besoin et qui pourraient les aider à lutter contre les effets des changements climatiques, comme au Pakistan, aux États-Unis eux-mêmes et dans bien d'autres endroits.
La majorité de la population veut mettre fin aux graves problèmes auxquels elle et sa société sont confrontées, notamment l'absence totale de sécurité, l'appauvrissement constant, les niveaux élevés de chômage, la corruption, la violence et toutes les formes de discrimination imaginables, ainsi que les guerres de destruction sans fin, les menaces de recours à l'arme nucléaire et les assassinats ciblés pour éliminer les rivaux économiques et politiques.
Des intérêts privés étroits dominent les institutions qui prêtent allégeance à la « Couronne ». Ces institutions sont les assemblées législatives, les tribunaux, les partis cartellisés et tous les ministères et agences du gouvernement, depuis le premier ministre jusqu'aux échelons inférieurs. Ils exsudent un désespoir à perpétuer la domination d'intérêts privés étroits en préservant ce qu'ils appellent l'ordre constitutionnel. Encore aujourd'hui, en Grande-Bretagne, appeler au renversement de la monarchie est considéré comme un crime de trahison tandis qu'au Canada, la liberté de conscience et d'expression est niée et criminalisée.
Cependant, les relations entre les humains et entre les humains et la nature seront humanisées et le système politique canadien se dotera assurément d'une raison d'État moderne fondée sur des structures d'égalité qui reconnaissent tous les membres comme étant égaux, avec des droits et des devoirs tels qu'ils auront déterminés eux-mêmes. La nation du Québec, les peuples autochtones, les Inuits et les Métis seront pleinement reconnus du fait de leur existence, grâce à l'adoption de nouveaux arrangements constitutionnels sans pareil. L'histoire appelle les Canadiens à se débarrasser de l'idée que c'est en préservant l'ordre constitutionnel fondé sur une personne fictive de l'État que la paix, l'ordre et le bon gouvernement peuvent être préservés. C'est faux et cette idée ne les sert pas le moins du monde.
Les Canadiens devraient exiger l'élection d'une assemblée constituante chargée d'établir les principes qui guideraient l'établissement d'un régime adapté aux conditions du XXIe siècle. Ils ne devraient pas accepter que « cela n'est pas possible » ou « c'est trop risqué », ou que « ce n'est pas cassé alors pourquoi le réparer ? ». Les arguments qui posent la question comme étant pour ou contre la monarchie sont une diversion parce qu'ils visent à s'assurer que le peuple ne donne pas lui-même de définitions modernes pour la démocratie dont nous avons besoin au XXIe siècle – une démocratie qui investit le peuple de la souveraineté et renouvelle les institutions démocratiques afin qu'elles répondent aux réclamations que tous sont en droit de faire à la société dans le présent.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 26 - 15 septembre 2022
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