La mort de la reine et la succession
Session spéciale de la Chambre des communes suivie d'une journée de deuil national
Le leader parlementaire du gouvernement, Mark Holland, a annoncé qu'il y aura une session spéciale de la Chambre des communes le jeudi 15 septembre « en l'honneur du plus ancien souverain du Canada ». Là, « les députés auront l'occasion de rendre hommage à sa vie et à son héritage ». Il y aura également un jour de deuil le lundi 19 septembre afin que les Canadiens puissent assister aux funérailles de la reine et « se recueillir ».
Certains députés et partis cartellisés reconnaissent du bout des lèvres que la majorité des Canadiens sont indifférents à la mort de la reine et que les sondages indiquent qu'une majorité d'entre eux aimeraient mettre fin à la relation du Canada avec la monarchie. Mais les députés de toute allégeance trouveront vraisemblablement des raisons pour s'extasier devant la reine. Ils vont évoquer ses années de service et de devoir, sa prétendue non-partisanerie, son sens de l'humour, son amour des chevaux et de ses chiens, sa loyauté féroce envers sa famille, ses 22 visites au Canada, la façon dont elle était bien informée des affaires des pays qui composent son « royaume », etc. Et la liste continue.
Dire que c'est une affaire de respect pour les défunts ou que c'est par respect pour la femme, et non pour la fonction, c'est vouloir dissimuler le rôle de la monarchie et l'ordre constitutionnel qu'elle représente. La fraude historique est un acte qui consiste à rendre l'histoire d'une manière à éclipser l'essence de la question. Dans le cas de la relation du Canada avec la monarchie, il faudrait faire abstraction des crimes du passé et du présent parce qu'Elizabeth II n'y aurait joué aucun rôle, dit-on. Le fait que le monarque et son devoir sont essentiels pour permettre la perpétuation d'un ordre constitutionnel anachronique dans le présent n'est pas sujet à discussion.
Au Canada, les crimes commis sous l'autorité royale sont
nombreux. Ils commencent par les actes de génocide commis contre
les peuples autochtones en vertu de la Charte royale;
les crimes commis par la Compagnie de la Baie d'Hudson en vertu
de la Charte royale; la création de la Police montée du
Nord-Ouest (aujourd'hui la GRC qui assistera aux funérailles de
la reine pour «représenter» le Canada); la pendaison de Louis
Riel et l'emprisonnement et l'exécution de chefs héréditaires;
l'interdiction des cérémonies du potlatch et de la Danse du
soleil et l'adoption de la Loi sur les Indiens qui a
fait des peuples autochtones des «pupilles de l'État» et
justifié le système des pensionnats, l'enlèvement d'enfants et
la politique assimilationniste génocidaire. Le monarque est le
chef de l'Église d'Angleterre, « défenseur de la foi », mais n'a
jusqu'à présent accepté aucune responsabilité pour les actes
commis sous ses auspices. La Couronne britannique a également
commandé directement la suppression brutale de la nation
naissante du Québec et l'imposition de la politique « diviser
pour régner » comme base du système de gouvernement conçu pour
écarter le peuple du pouvoir et le maintenir dans la soumission.
Il s'agit de l'ordre constitutionnel inscrit dans la loi
constitutionnelle de 1867, adoptée par le Parlement impérial à
Londres, en Angleterre, et utilisée pour unir les « dominions »
britanniques en Amérique du Nord britannique. Ce document
fondateur a été incorporé dans sa totalité à la Loi
constitutionnelle de 1982. Le Canada n'a toujours pas de
constitution écrite par son peuple.
Selon Ralph Goodale, haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni, qui s'est extasié devant le nouveau roi, il ne s'agit pas de problèmes graves qui doivent être réglés par le renouvellement de la démocratie, mais de « problèmes qui devront être réglés dans l'avenir ». Ces problèmes comprennent l'avenir de la monarchie, l'avenir du Commonwealth et les relations futures entre les peuples autochtones du Canada et la Couronne. « Les traités ont été signés avec la Couronne – pas avec le gouvernement – avec la Couronne, et cette relation est extrêmement importante pour les peuples autochtones », a-t-il ajouté.
Loin de nous mener au coeur du problème, la fraude historique est l'utilisation intentionnelle d'informations fausses ou trompeuses dans le but de priver une autre personne ou entité de ce qui lui appartient de droit. La fraude historique est pratiquée par l'État pour nous priver de la matière intellectuelle dont nous avons besoin pour aborder les problèmes du présent afin de les résoudre en notre faveur. La couverture massive de la mort de la reine et de la succession a pour but de médiatiser la matière intellectuelle qui est donnée au cerveau humain, dans les pays du « royaume » en premier lieu, et dans le monde entier. Il s'agit d'une tentative concertée de maintenir l'institution de la monarchie et son système de gouvernement de Westminster. La préservation et la perpétuation de cet ordre constitutionnel, avec ou sans monarchie, sont au coeur des actions d'États telles que celles dont nous sommes aujourd'hui témoins aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Canada et dans les pays dont les constitutions sont basées sur un système qui permet à une partie de régner sur le tout. Sur cette base, ils commettent aujourd'hui des crimes contre leurs propres peuples et les peuples du monde.
Les tentatives de réduire la mort de la reine et la succession à la question de savoir si nous sommes pour ou contre la monarchie ne donnent aucun sens au grand besoin d'émancipation des peuples du monde. Notre histoire, c'est l'ensemble du développement social et le stade de développement atteint aujourd'hui par les forces productives, dont les plus importantes sont les êtres humains qui font le travail et ont contribué à amener la société, et la civilisation, à ce point. C'est ce qui est oublié, dissimulé, dans les histoires racontées et les explications données lorsqu'il s'agit de la reine Elizabeth II et de la succession du roi Charles III.
Les crimes commis par l'impérialisme britannique pendant le long règne d'Elizabeth II, qui a duré soixante-dix ans, commencent par les crimes commis contre les Mau Mau au Kenya (1952-1960), où elle se trouvait lorsqu'elle a été déclarée reine à la mort de son père, George VI, en 1952. Les récits factuels des massacres, de l'asservissement des peuples, de la répression des rébellions, des actes de cruauté et de violence commis par les forces spéciales et la police politique au nom de « Sa Majesté », sont relégués à la marge d'un autre récit, tout comme d'autres faits, tels que la manière dont la famille royale a accumulé ses vastes richesses, ses possessions et sa suite, le rôle de ses organisations caritatives et même son pouvoir discrétionnaire d'influencer l'assemblée législative pour protéger et favoriser ses intérêts personnels.
Il est important aussi de voir dans tout cela l'atteinte à l'émotion et à la conscience. Il y a ces cris d'indignation pour faire taire ceux qui ont été victimes de ce pouvoir lorsqu'ils expriment leur colère, leur indignation et le mépris total dans lequel ils tiennent la monarchie et tous ses ornements, y compris la reine elle-même. On dit que c'est honteux et que ces gens doivent être privés de leur statut dans la société. Mais c'est tout le contraire. Tout cela met en évidence le besoin humain de voir, littéralement, d'observer ce qui est connu, de comprendre comment nous en sommes arrivés là, d'identifier ce qui est inconnu, de définir surtout en termes précis ce qui est absent de nos vies. Ce n'est que de cette manière que nous pouvons déterminer comment faire face aux problèmes tels qu'ils se présentent ici et maintenant.
Tous les développements qui ont eu lieu sont riches en contenu, mais ce contenu est recouvert par les récits dont nous abreuvent les cercles officiels et leurs médias parce qu'il dépasse nécessairement les formes déjà établies. Pour le dire très concrètement, dans les sociétés dans lesquelles nous vivons aujourd'hui, l'entrave à nos vies est constituée par les rapports sociaux de production dans lesquels nous entrons indépendamment de notre volonté. Les revendications du droit de monopole sont littéralement imposées à tout le monde, au point qu'il n'y a plus de droit public. Les gens ne peuvent pas prétendre à un moyen de subsistance, à une conscience, à toutes les choses nécessaires, y compris celles qui relèvent des domaines de la connaissance, de l'information pertinente et de toutes les questions liées à la vie elle-même.
En même temps, étant des êtres humains dans une période historique particulière, pris dans des arrangements politiques et économiques définis, nous avons tous droit à nos opinions sur ce que nous devons faire. La classe dirigeante accorde une attention de premier ordre au domaine de l'opinion publique. Dans le cas de la mort de la reine et de la succession, elle est contrainte de dissimuler la signification de l'ordre constitutionnel qu'elle cherche à perpétuer, quels que soient la crise qu'il traverse et les désastres causés aux peuples du monde entier par le refus de le renouveler. Ce qui est important, c'est que nous devons être capables de travailler ensemble dans le cadre des circonstances historiques particulières, nous devons avoir les faits en main. Nous devons être capables de discuter des faits pour décider où ces faits nous mènent. Nous devons être capables de faire des prédictions, par exemple sur la manière de prévenir telle ou telle catastrophe sociale, catastrophe naturelle ou guerre, qu'il s'agisse de guerres civiles ou de guerres de destruction contre d'autres.
L'histoire nous appelle à renverser la situation d'une manière
qui nous favorise, nous, le peuple, et non les oligarques qui ne
ménageront aucun effort pour perpétuer l'ordre constitutionnel.
Profitons de ce tournant de l'histoire pour informer ce besoin
profond d'exprimer nos opinions, pour ne pas qu'elles deviennent
diffuses et que nous ne soyons plus en mesure d'examiner ce qui
se passe et ce qu'il faut faire.
(Photos: P. Powsland, C4Ciaran, The National, Gary36623569, Each Other, Conolly Youth Movement.)
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 26 - 15 septembre 2022
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