Les développements en Russie: La levée du drapeau
Le 25 décembre, le drapeau tsariste, moins la couronne, a été replacé sur le mât du Kremlin, plus de soixante-dix ans après qu'on l'ait retiré. Presque tous les pays impérialistes ont applaudi cet événement comme une victoire de la liberté et de la démocratie. Ils l'ont acclamé comme un grand pas en avant dans la lutte contre le totalitarisme, inaugurant un nouveau monde sans « guerre froide ».
Pour moi, il n'y a pas là de quoi se réjouir ni s'attrister. Le système pseudo-socialiste créé en Union soviétique après la mort de Staline n'avait aucun espoir d'avenir. Qu'il s'agisse du régime de Nikita Khrouchtchev ou de celui de Léonid Brejnev ou de Mikhaïl Gorbatchev, il était voué à l'échec. La raison en est qu'il ne s'est pas occupé de résoudre les problèmes de la révolution socialiste et de l'édification socialiste. Plutôt, vers la fin des années cinquante et le début des années soixante il est devenu une solution de rechange à la révolution socialiste et à l'édification socialiste.
Ainsi, la levée du drapeau tsariste sur le Kremlin signale la fin du pseudo-socialisme, tout comme l'arrivée au pouvoir de Nikita Khrouchtchev marquait la fin de la révolution et de l'édification socialistes. Elle signalait la victoire du capitalisme et de l'impérialisme sur la cause de la révolution et du socialisme. Voilà l'essentiel en ce qui concerne la levée du drapeau tsariste sur le Kremlin.
De plus, la levée de ce drapeau est attribuable à la montée du chauvinisme russe et elle accroît les dangers d'une guerre mondiale. La Russie est devenue un pays ouvertement impérialiste pour la première fois depuis la Grande Révolution d'Octobre de 1917. Avant, de Khrouchtchev à Gorbatchev, la Russie cachait son impérialisme sous les slogans du socialisme et de l'internationalisme prolétarien.
Peut-on penser qu'un pays gouverné par décrets présidentiels sera démocratique envers les autres pays qui composent maintenant le Commonwealth des États indépendants ? Ce pays acceptera-t-il et respectera-t-il l'indépendance et la souveraineté des autres républiques ? Respectera-t-il l'indépendance et la souveraineté des États non inclus dans le Commonwealth ?
Il s'est essentiellement produit deux choses en Union soviétique :
1. Le pseudo-socialisme a été renversé, au moins en Russie, ce qui pose à nouveau la nécessité d'une révolution socialiste. Cela est inévitable. Depuis Nikita Khrouchtchev, dans les années cinquante, à Mikhaïl Gorbatchev, qui est arrivé au pouvoir en 1985, il était évident que la situation ne pouvait pas continuer. Khrouchtchev n'a pas su trouver les moyens d'assurer la croissance économique du pays. Selon lui, et selon ses successeurs, tout était une question d'efficacité. Ils ont donc affirmé que la solution était de trouver une meilleure façon de tirer avantage des forces productives. En réalité, l'économie ne pouvait aller nulle part avec la politique khrouchtchévienne qui consistait en un remaniement de la bureaucratie. Cela ne pouvait libérer les initiatives des travailleurs et ces derniers sont petit à petit devenus apathiques pendant que l'État, l'armée, la police et les services secrets créaient une nouvelle classe d'exploiteurs. Au lieu du pouvoir des travailleurs, l'État soviétique devint un pouvoir du Parti, de l'armée, de la police et des services secrets.
Lorsque le système capitaliste se heurte à des problèmes, que ce soit au niveau de l'entreprise ou au niveau du système dans son ensemble, on choisit invariablement de rejeter le fardeau de la crise sur le dos des travailleurs. La même chose commença à se produire en Union soviétique. Chaque nouvelle réforme intensifiait l'exploitation des travailleurs, parmi lesquels on inclut la classe ouvrière, la paysannerie, l'intelligentsia et les autres qui travaillent pour vivre. Tout cela a été fait au nom de la révolution et du socialisme. Usant du prétexte que le socialisme se construit sur la base d'une industrie lourde, Khrouchtchev et ses successeurs commencèrent à mettre sur pied un complexe militaire et industriel et déjà au moment de la mort de Brejnev, ce complexe avait fait faillite. Les besoins des travailleurs étaient constamment relégués au dernier plan, pendant que les besoins de la bureaucratie et du complexe militairo-industriel étaient satisfaits les premiers.
Ces développements étaient encouragés par les pays impérialistes qui prêtèrent à l'Union soviétique et à ses satellites des milliards de dollars pour financer la bureaucratie et le complexe militairo-industriel. Les prêts étaient accompagnés d'une propagande à propos du respect des droits de la personne, détournant l'opinion publique nationale et internationale de ce qui se passait réellement en Union soviétique. Si Khrouchtchev justifiait sa déviation par une série d'attaques contre Staline, blâmant Staline pour tous les problèmes, réels ou imaginaires, Gorbatchev, lui, justifiait sa politique par le mécontentement qui avait grandi parmi le peuple à l'époque de Brejnev. Pendant que l'Union soviétique se dirigeait vers la faillite économique, Gorbatchev élabora son plan de perestroïka (restructuration) et glasnost (ouverture) pour démanteler le système pseudo-socialiste et bâtir à sa place une société capitaliste de type classique. Malgré sa prétention d'édifier le socialisme, Gorbatchev était fasciné par le système capitaliste et exploitait le mécontentement populaire pour éliminer les vestiges du socialisme qui posaient un obstacle au développement du système capitaliste.
2. Tout en renforçant la bureaucratie et le complexe militaire-industriel, Khrouchtchev et ses successeurs commencèrent à mettre en application leur programme de russification en appelant l'URSS une « nation », un euphémisme pour Russie. Sur cette base, ils ont progressivement provoqué le mécontentement dans toutes les républiques qui commencèrent à voir dans l'Union soviétique un oppresseur. C'est ainsi qu'à l'étape finale, où toutes les républiques déclarent leur indépendance, la Russie en ressort avec une supériorité militaire et économique qui lui permet de maintenir les autres sous son bâton. Ainsi, la revendication de l'indépendance russe consistait à utiliser le pouvoir économique militaire de l'URSS pour détruire l'URSS et faire de la Russie la république la plus puissante ayant à sa disposition tous les moyens d'assujettir les autres.
La Russie a maintenant pris en charge toutes les ambassades soviétiques à l'étranger et le siège de l'Union soviétique au Conseil de sécurité de l'ONU. Elle est maintenant reconnue comme « grande puissance » qui peut exercer son veto au Conseil de Sécurité non seulement contre les autres grandes puissances, mais aussi et surtout contre les autres républiques qui constituaient l'ancienne URSS. Le fait que la Russie détienne un siège au Conseil de sécurité et soit un des cinq membres permanents possédant le droit de veto, les autres étant la Grande-Bretagne, la Chine, la France et les États-Unis, signifie qu'elle peut exercer son droit de veto contre toute initiative des grandes puissances dans le monde qui ne soit pas dans son intérêt. Cela signifie que toutes les Républiques qui constituent le nouveau Commonwealth des États indépendants ont raison de s'inquiéter. La Russie, comme les autres grandes puissances, peut maintenant faire ce qu'elle veut.
L'URSS fut créée le 30 décembre 1922 en tant qu'union de républiques égales. Chacune des républiques pouvait se retirer de l'Union si elle le désirait. Après 1953, Khrouchtchev et les autres ont appelé l'URSS la « mère patrie » afin que cette union puisse servir de templin à la résurgence de la Russie. C'est cette politique qui a finalement conduit à la création d'une Russie libre de faire ce qu'elle veut aux autres républiques de l'ancienne Union soviétique, ainsi qu'à d'autres pays, parce qu'elle n'est plus retenue par la force militaire de l'URSS, créée d'abord et avant tout pour refréner le chauvinisme russe et l'empêcher de s'engager sur la voie de l'expansionnisme et de l'asservissement des autres. Le principe de base de l'Union des républiques socialistes soviétiques était l'internationalisme prolétarien – l'unité fraternelle des peuples pour la défense et l'intérêt mutuels. Les républiques pouvaient s'épanouir et rester unies tant que cette politique était suivie. Et cette politique fut suivie jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Khrouchtchev, qui commença le processus de russification.
Il y a un autre important facteur dont il faudra tenir compte à l'avenir : les ex-pays satellites. Avant la Seconde Guerre mondiale, ces pays, à l'exception de la Russie, formaient une espèce de cordon sanitaire contre l'URSS. Plusieurs d'entre eux avaient envahi l'URSS aux côtés de l'Allemagne hitlérienne. Après la victoire de l'URSS sur l'Allemagne, ces pays se rangèrent sous l'influence soviétique et donnèrent naissance à des démocraties populaires. En 1955, Khrouchtchev établit une alliance militaire avec tous les pays, soit au moment même où il créait le complexe militairo-industriel. Cette alliance, connue sous le nom de Pacte de Varsovie, n'existe plus. Ces pays ne sont plus des satellites de l'URSS ou de la Russie. La Russie d'aujourd'hui, avec tout son pouvoir militaire et économique, devra établir de nouveaux rapports pour faire face aux autres grandes puissances. S'il y a déjà des conflits qui opposent les différentes républiques, à coup sûr les tensions vont monter dans les rapports entre la Russie et ses voisins. L'ancienne Russie avait à son compte une longue histoire d'agression et de guerre contre ses voisins plus faibles.
(LML volume 21 numéro 40)
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 23 - 4 septembre 2022
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