Contre l'abaissement des standards dans les émissions polluantes au Québec

La communauté de Rouyn-Noranda réclame des mesures urgentes pour réduire les émissions d'arsenic

– Pierre Chénier –


Assemblée publique à Rouyn-Noranda sur le problème des émissions d'arsenic, le 6 juillet 2022

Les organisations communautaires de Rouyn-Noranda en Abitibi au Québec, telles que Mères au front et le comité Arrêt des rejets et émissions toxiques de Rouyn-Noranda (ARET), prennent la parole pour réclamer des mesures urgentes afin que les émissions d'arsenic et d'autres éléments comme le cadmium dans l'air soient réduites de façon drastique et immédiate. L'auteur des émissions est la fonderie Horne, propriété du géant anglo-suisse de l'industrie minière et métallurgique Glencore. Les fumées sont parfois si fortes que les habitants sont directement touchés, notamment dans le quartier Notre-Dame, très proche de la fonderie, et les parents sont particulièrement inquiets pour la santé de leurs jeunes enfants.

Les résidents ont tenu une assemblée publique le 6 juillet dernier. Selon les médias, plusieurs personnes ont pris la parole et ont dénoncé le fait que le gouvernement persiste à dire qu'il est impossible pour Glencore de respecter la limite permise au Québec pour les émissions d'arsenic, qui est de 3 nanogrammes par mètre cube. C'est également la norme de l'Organisation mondiale de la santé. Plusieurs ont également critiqué l'intention du gouvernement du Québec de fournir des fonds publics à Glencore pour réduire sa pollution.

Des faits troublants

La surexposition à l'arsenic fait craindre pour le développement de cancers parmi la population. Déjà, une étude réalisée sous les auspices du ministère de la Santé et des Services sociaux sur l'indice du cancer du poumon 2013-2017 au Québec a révélé que l'incidence du cancer du poumon était de 140 par 100 000 personnes à Rouyn-Noranda alors que la moyenne au Québec était de 107,7. L'incidence du cancer du poumon y était aussi plus élevée que dans les autres municipalités de la région, à un degré moindre cependant que par rapport à l'ensemble du Québec.

D'autres études ont identifié une proportion plus élevée que la normale de petits poids à la naissance chez les nouveau-nés, une maladie pulmonaire obstructive chronique et une espérance de vie plus faible que dans le reste du Québec. Selon une étude publiée par l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) le 6 juillet, le maintien du statu quo en ce qui concerne les émissions d'arsenic et de cadmium dans l'atmosphère de la ville entraînerait de 13 à 550 cas supplémentaires de cancer du poumon par million de personnes au Québec, alors que le risque considéré comme négligeable au Québec est de 1 cas par million. Si le statu quo est maintenu, le taux de cancer du poumon pourrait grimper à 61 cas par 100 000 pour l'ensemble de la ville de Rouyn-Noranda et à 87 cas par 100 000 pour le seul quartier Notre-Dame.

Mais l'aspect le plus inquiétant est le taux d'émission d'arsenic très élevé dans l'air ambiant. La fonderie est officiellement autorisée à dépasser la norme québécoise sous prétexte que cette norme est entrée en vigueur en 2011, bien après le début des activités de la fonderie en 1927.

Le gouvernement québécois autorise actuellement une limite de 100 nanogrammes par mètre cube, soit plus de 30 fois supérieure à la norme. Selon les données du gouvernement québécois, le niveau d'arsenic rejeté dans l'air a effectivement atteint une moyenne de 100 nanogrammes par mètre cube en 2021.

Le gouvernement a un comité ministériel et des ententes avec Glencore sur la baisse des taux, mais, essentiellement, le gouvernement permet à l'entreprise de s'autoréglementer, comme c'est le cas au fédéral avec l'industrie ferroviaire, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît. Il suggère, il conseille, il est préoccupé, mais la décision revient à Glencore.

En mars 2021, le ministre québécois de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, a parlé de l'encadrement que le gouvernement fournit à l'entreprise.

« Oui, un suivi serré au niveau des émissions par l'entreprise elle-même, a-t-il indiqué. On veut établir une convention avec cette entreprise, qui s'est toujours montrée très collaborative, pour qu'on puisse mieux l'accompagner. Il y a différents ministères qui pourront intervenir dans la démarche. Naturellement la Santé publique et l'Environnement, mais nos collègues à l'Économie et aux Affaires municipales sont aussi interpellés.

« C'est là où va intervenir mon collègue Pierre Fitzgibbon [ministre de l'Économie] pour voir où sont les besoins de l'entreprise, a-t-il ajouté. L'entreprise a déjà quelques projets au niveau de l'amélioration de ses procédés industriels. Ça peut prendre la forme d'un appui financier, un appui technique également, et c'est là où on met à profit la polyvalence du comité ».

Le gouvernement du Québec est présentement en pourparlers avec Glencore pour établir la limite pour les années à venir. Cependant, compte tenu de l'esprit dont il fait preuve et de l'élimination de la possibilité même de respecter la norme québécoise, personne ne croit que le gouvernement va réellement forcer Glencore à réduire de manière drastique ses émissions d'arsenic.

Un argument qui ne tient pas

L'argument non fondé du gouvernement est qu'il faut trouver un équilibre entre le développement économique et la santé et la sécurité et l'environnement.

Cet argument ne tient pas la route.

La production moderne hautement technologique, comme celle utilisée dans le secteur de la fusion des minerais, peut avoir de sérieuses conséquences pour l'environnement naturel et social lorsque le gouvernement ne rend pas des monopoles comme Glencore redevables de leurs actions. Le contrôle et la protection de l'environnement doivent être une partie intégrante de la production elle-même. Ils sont une partie essentielle du contrôle qui doit et peut être exercé, mais au lieu de cela, le gouvernement protège et paie Glencore pour continuer d'empoisonner l'environnement humain et naturel. Aussi, en plus de faire respecter les normes avec des voies de recours, aucun fonds public ne devrait être versé à Glencore pour que la compagnie s'attaque à ses émissions irresponsables d'arsenic.

Le cas de Glencore démontre que les monopoles et oligopoles privés veulent que rien ne vienne entraver la recherche du profit maximum privé pour eux. La prétention du gouvernement de rechercher un « équilibre » entre le développement économique et l'environnement est frauduleuse. Un environnement sain est la responsabilité des propriétaires de la production moderne et la technologie qui peut le garantir existe. Tant que les grandes entités privées mondiales contrôlent la production et possèdent les établissements de production, on doit exiger qu'elles utilisent une partie de la richesse sociale qu'elles exproprient des travailleurs pour garantir que l'environnement humain et naturel n'est pas endommagé.

Le premier ministre François Legault joue un jeu malhonnête en ce qui concerne la responsabilité qui lui revient. Le 23 juin, il a évoqué une menace de fermeture si des exigences sont présentées à Glencore. « Les gens de Rouyn-Noranda ne veulent pas qu'on ferme l'entreprise », a -t-il dit à des journalistes. Puis, face à l'opposition exprimée par la population, il a dit à la presse, le 5 juillet : « Soyons très clairs : s'il n'y a pas de plan de déposé par l'entreprise pour réduire les émissions à un niveau qui est sécuritaire pour la population, on n'exclut pas, effectivement, de fermer l'entreprise. »

Les gens sont très clairs. Le gouvernement du Québec doit les défendre et les protéger. Il doit entendre la voix des résidents qui s'expriment sur ce dont ils ont besoin pour vivre en santé et en sécurité, ce qui est leur droit. Cependant, sous prétexte de la « protection des emplois » et du « développement économique », ce droit n'a jamais été reconnu et appliqué. Le gouvernement doit obliger Glencore à se conformer à la norme québécoise, selon un échéancier précis.

Par ces phrases qu'il prononce, le premier ministre envisage-t-il d'ouvrir les vannes toutes grandes pour l'injection toujours plus massive de fonds publics dans Glencore au nom d'éviter une possible fermeture ? Et si une fermeture se produisait, ce sont les travailleurs et les communautés qui seraient à blâmer ?

Les déclarations de François Legault ne reflètent pas l'histoire du mouvement ouvrier et populaire de la région. Au début des années 2000, et même avant, les travailleurs de la fonderie et leur syndicat ont mené une lutte épique pour bloquer les émissions de béryllium, de soufre et d'autres éléments, pour protéger les travailleurs et la communauté. Ils ont affronté le chantage et la menace de fermeture et ont déclaré qu'on n'allait pas les faire chanter de la sorte, que la production doit comprendre un environnement sécuritaire et sain pour tout le monde. Et l'usine n'a pas fermé. Des progrès ont été faits pour protéger les travailleurs et la population.

C'est absurde de dire qu'une lutte résolue à la défense des droits va inévitablement faire fermer l'usine. C'est cette lutte qui nous fait avancer et ouvre la voie au progrès dans tous les aspects de la vie, y compris la construction d'une économie qui sert le bien-être du peuple et sur laquelle il exerce un contrôle.

Défendons avec passion la cause des gens de Rouyn-Noranda qui prennent la parole pour défendre leurs droits et un avenir digne de ce nom !

(Photos : ARET, E.L. Therrien)


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Volume 52 Numéro 11 - 23 juillet 2022

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