Des sujets de préoccupation pour le corps politique

L'absence de pouvoir politique est devenue immédiate pour tout le monde

– Pauline Easton –

Ce numéro du LML illustre avant tout l'absence de pouvoir politique qui est devenue immédiate pour tout le monde. Le mouvement de résistance des peuples et leur lutte pour les droits, la paix et la justice visent fondamentalement à apporter des solutions à ce problème. La résolution de ce problème est cruciale si nous voulons conjurer les dangers qui nous guettent quand les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et les grandes puissances de la vieille Europe répandent l'anarchie et la violence à un rythme toujours plus rapide dans leur frénésie pour contrôler les pouvoirs productifs du monde entier.

Les pouvoirs productifs se sont développés de façon exponentielle à la suite de la révolution scientifique et technique, au-delà du contrôle des forces productives elles-mêmes. Le gouvernement du Canada a intégré l'économie du pays à celle des États-Unis, ce qui alimente une machine de guerre d'une ampleur sans précédent.

Tout comme les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN, le gouvernement du Canada est devenu un gouvernement de pouvoirs de police. Cela n'est pas synonyme d'État policier ou de régime militaire. La loi peut être légitime lorsqu'elle est perçue comme adhérant à une procédure régulière acceptée. Les pouvoirs de police, par contre, ne peuvent être rendus légitimes parce que leur source est l'arbitraire et qu'ils sont fondés sur l'impunité. L'usurpation du domaine public par des intérêts privés étroits qui émettent des décrets par l'intermédiaire de gouvernements dotés de pouvoirs de police signifie que des règles, des règlements et des arrangements sont imposés à la société d'une manière qui élève le niveau d'anarchie et de violence de façon alarmante.

Toutes les tentatives de ces intérêts privés étroits de prétendre que les pouvoirs de police sont une forme légitime de gouvernement puisque leur objectif est d'avoir une société équitable ou de rendre l'économie plus verte ou de créer un monde qui « partage nos valeurs » et défend ainsi la paix ne servent qu'à renforcer la conscience collective de l'absence de pouvoir politique et du fait qu'il faut résoudre le problème de sortir de la crise d'une manière qui favorise le peuple.

Un gouvernement de pouvoirs de police ne se préoccupe plus de la légitimité autrefois conférée par un processus démocratique libéral dans lequel les pouvoirs de prérogative de l'exécutif et des tribunaux étaient contrôlés par des lois adoptées par des assemblées législatives dûment élues. Ces lois imposaient des limites à l'utilisation sans entrave des pouvoirs de prérogative en lui donnant un objectif, qui est que ces pouvoirs devaient servir à défendre le bien public. Cette procédure régulière a été progressivement érodée, puis détruite, par l'offensive néolibérale antisociale qui a donné naissance à un système de partis de cartel dont la principale fonction est de politiser les intérêts privés et dépolitiser le peuple. En d'autres termes, des intérêts privés étroits s'emparent directement des fonctions de l'État, privatisant ce qui était des fonctions publiques, imposant la sous-traitance, les mercenaires et les nombreux contrats gouvernementaux qui sont de simples stratagèmes pour payer les riches. Le peuple est marginalisé à tel point qu'il est traité comme un produit jetable.

Les intérêts privés étroits qui ont usurpé des positions de privilège et de pouvoir ne se préoccupent pas des conséquences pour l'environnement social et naturel. Les vastes pouvoirs productifs humains lui échappent. Le facteur antihumain/la conscience antisociale pousse les intérêts privés étroits à détruire ce qu'ils ne peuvent pas contrôler. Les guerres contre l'Afghanistan, l'Irak, la Libye, la Syrie, le Yémen et d'autres pays sont des guerres de destruction. Elles ne sont pas la politique par d'autres moyens qui mènent éventuellement à la conclusion d'accords de paix. Pour ces intérêts privés étroits, tout est jetable non seulement les travailleurs et les personnes, et maintenant la nature et les institutions démocratiques libérales, mais aussi la propriété privée elle-même. Pendant ce temps, tout est contrefaçon. Des décrets et des pratiques intéressées criminalisent la protestation, la dissidence et la parole au nom de grands idéaux, le tout présenté comme légal et donc irréprochable.

Si les lois peuvent être légitimes lorsqu'elles sont adoptées par des législateurs dûment élus, les pouvoirs de police ne peuvent être rendus légitimes. Ils sont par nature arbitraires. Dès que le diktat prévaut, les gouvernements de l'impunité prennent le dessus. Le fait est que l'absence de pouvoir politique est devenue immédiate pour tout le monde. Non seulement la classe ouvrière et le peuple sont-ils laissés à eux-mêmes, mais même les partis politiques rivaux, les politiciens et les niveaux de gouvernement au sein d'un pays sont privés de parole. Les relations internationales entre les pays sont également profondément affectées.

Aujourd'hui plus que jamais, la liquidation des institutions et du mode de vie de la société civile capitaliste est à l'ordre du jour pour les élites dirigeantes des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et des pays d'Europe de l'Ouest. Cela implique la destruction des formes qui assurent la cohésion et relient les citoyens à un processus politique. La cible de l'attaque est une vision cohérente du monde qui défend les intérêts indépendants de la classe ouvrière et du peuple et toute conscience collective capable de défendre efficacement la cause de la paix, de la liberté et de la démocratie.

Cela signifie que la classe ouvrière et le peuple doivent s'engager dans leur propre politique indépendante et se doter d'une conception du monde qui soit à leur avantage et d'une ligne de marche qui affirme les droits de toutes et tous du fait qu'ils sont humains.

L'offensive néolibérale antisociale crée des ravages pour le peuple. Elle a nié l'existence d'une société responsable du bien-être de ses membres et tente de nier l'existence même de la classe ouvrière en tant que classe ayant son propre objectif et son programme politique, sa conscience et son organisation. Tout est fait pour priver le peuple de la capacité de faire face à la réalité telle qu'elle se présente, notamment en le privant d'une conception du monde qui lui permette de s'orienter, de penser et d'exercer un jugement sur la base de normes qu'il établit lui-même et qui répondent aux exigences de l'époque.

Il ne s'agit pas seulement des relations sociales entre une classe et une autre, mais de l'ensemble des relations humaines – les relations entre humains et entre les humains et la nature, et ce qu'elles révèlent.

Ce sont les pouvoirs productifs créés par les humains, ainsi que l'énorme développement de la science et de la technologie, qui sont à la base des relations entre les humains et entre les humains et la nature. Il n'y a pas de société sans eux. Ces pouvoirs ont désormais dépassé les limites de toutes les formes connues jusqu'alors. Ce qu'il faut, ce n'est pas de les détruire, comme cela se produit avec l'offensive antisociale néolibérale, mais que les peuples en prennent le contrôle et les soumettent à leurs besoins.

Marx a mis en évidence que nous existons tous dans des conditions d'esclavage, bloqués dans l'exercice de notre volonté, ce qui constitue une contradiction fondamentale dans la société. Lorsqu'on dit que l'ensemble de la société se divise en deux, il faut souligner que l'ensemble de la société fait partie intégrante d'elle-même. Ce n'est pas une force extérieure à l'oeuvre qui divise la société en deux. La contradiction se développe à l'intérieur de l'ensemble. À cet égard, si le pouvoir suprême est fondé sur la contradiction antagoniste au sein même de la société, celle-ci n'en est pas moins entière et intégrale. Lorsque l'ensemble de la société se divise en deux, il en résulte qu'une partie s'élève au-dessus – non pas de l'autre partie, mais de l'ensemble. La fracture ne place pas les travailleurs d'un côté et les capitalistes de l'autre. La classe ouvrière et la classe capitaliste restent dans une contradiction antagoniste qui est enchevêtrée dans le tout. Il ne s'agit pas de deux mondes différents ou de deux camps en dehors du contexte du tout qui est là, indépendamment de leur volonté. Ce qui divise, ce sont les pouvoirs productifs créés par les humains mais qui leur deviennent étrangers, qui se développent au point d'échapper au contrôle non seulement de la classe ouvrière et du peuple, mais aussi des capitalistes eux-mêmes.

Notre objectif n'est pas de réorganiser la société civile qui a été établie sur la base de la propriété privée ou de maintenir les relations de propriété dans lesquelles les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Cette société a été remplacée au moment de la Grande Révolution d'Octobre qui a créé un pouvoir ouvrier et une société civile socialiste qui a mis le peuple et son bien-être au centre de son attention.

Aujourd'hui, le monde est témoin de l'absence de pouvoir politique dans tous les domaines, aux niveaux national et international. Les institutions démocratiques libérales que les élites dirigeantes croient pouvoir préserver sont devenues anachroniques, incompatibles avec les exigences de l'époque. Elles ne fonctionnent plus et sont délibérément détruites par les gouvernements des pouvoirs de police, les gouvernements de l'impunité. Aujourd'hui, la propriété privée s'autodétruit, dépassée par les développements de la science et de la technologie qui échappent au contrôle d'arrangements issus du passé. Cela se produit indépendamment de la volonté de quiconque. Tout comme la guerre civile américaine a détruit le système de l'esclavage au profit du système de l'esclavage salarié, les méthodes actuelles de dépossession utilisées aux niveaux national et international pour tenter de contrôler les factions rivales et forcer des pays entiers à se soumettre aux États-Unis dans leur quête de domination mondiale, sont en train de détruire la propriété privée elle-même. La défense de la propriété privée était la prémisse même des institutions actuelles qui sont censées régir les rapports entre les uns et les autres aux niveaux national et international.

Les transformations du processus de production résultant de la révolution scientifique et technique et la manie de la propriété privée d'affirmer son contrôle sur les pouvoirs productifs qui lui ont échappé, ont donné lieu à une nouvelle situation dans laquelle les forces productives humaines ne peuvent plus contrôler leurs propres pouvoirs productifs. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est travailler à transformer l'ensemble de la société en un autre ensemble – un ensemble de société humaine digne de l'espèce humaine.


Cet article est paru dans
Logo
Volume 52 Numéro 10 - 17 juillet 2022

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2022/Articles/L520101.HTM


    

Site web :  www.pccml.ca   Courriel :  redaction@cpcml.ca