L'affirmation des droits des femmes au Canada ne doit pas entrer dans la catégorie des « pensées et prières »
Partout aux États-Unis, les femmes ont réagi immédiatement à la décision de la Cour suprême qui a fait l'objet d'une fuite et selon laquelle une majorité de juges sont prêts à renverser l'arrêt Roe v. Wade (1973), en prenant la parole, en organisant des rassemblements et des campagnes. La décision Roe v. Wade a donné une protection constitutionnelle au droit des femmes de décider de poursuivre ou d'interrompre une grossesse. En réponse à une question posée dans le cadre de l'émission Power & Politics de la CBC, la ministre de la Famille du Canada, Karina Gould, a déclaré que les femmes des États-Unis seraient les bienvenues au Canada pour se faire avorter. Si des femmes des États-Unis viennent au Canada pour se faire avorter, le service leur sera offert, a-t-elle dit.
Ce que cela signifie n'est pas clair pour les Canadiens. Il est inconcevable que les femmes pauvres de n'importe quel État américain puissent se permettre de se rendre au Canada, et en particulier les femmes pauvres des États du Sud. Et comme on estime que moins de 40 % des citoyens américains sont titulaires d'un passeport, l'absence de passeport constitue un autre obstacle pour de nombreuses femmes, même si elles vivent près de la frontière. Il semble donc que la déclaration de la ministre n'ait qu'une valeur de propagande pour dire que le gouvernement canadien défend les droits des femmes. Karina Gould a néanmoins dû admettre que le système de santé du Canada est si déficient qu'il ne peut répondre aux besoins des Canadiennes en matière d'avortement, sans parler de ceux des femmes des États-Unis.
La ministre l'a admis quand elle a dit que même si le Canada restera ouvert aux Américaines qui veulent un avortement, « l'un des facteurs préoccupants, ici, c'est qu'il y a beaucoup de Canadiennes qui ne vivent pas près d'une grande ville au Canada, mais qui accèdent souvent à ces services aux États-Unis. Je suis très préoccupée par la fuite d'hier. Je suis très préoccupée par ce que cela signifie, particulièrement pour les femmes américaines, mais aussi pour les femmes canadiennes. »
Il ne reste pas moins que 54 ans après que le parlement a envisagé pour la première fois de modifier la loi canadienne pour légaliser l'avortement, les droits reproductifs des femmes sont loin d'être protégés de manière adéquate au Canada. L'accès à l'avortement reste restreint en raison du manque d'encadrement et des compressions et privatisations qui ont lieu dans le cadre de l'offensive antisociale. Un rapport de 2016 du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme signalait un manque d'accès à l'avortement et à la contraception abordable au Canada et demandait au gouvernement d'agir.
L'avortement est un service de santé médicalement nécessaire, mais les femmes qui vivent en dehors des grandes villes canadiennes sont confrontées à des obstacles importants. Par exemple, en Ontario, les services d'avortement ne sont disponibles qu'à Toronto, Ottawa et trois villes du sud-ouest de l'Ontario. Ce service de santé n'est offert que dans cinq villes des Prairies et trois des provinces de l'Atlantique. Par conséquent, de nombreuses femmes doivent voyager en dehors de leur communauté, parfois sur de grandes distances, sans que les frais de déplacement, d'hébergement et autres soient couverts et remboursés. Outre le manque d'accès géographique, un nombre croissant de personnes au Canada n'ont aucune couverture de soins de santé, notamment les travailleurs sans papiers, de nombreux travailleurs migrants, les étudiants internationaux et les « travailleurs invités ».
Même avant la pandémie, l'offensive néolibérale a créé de longues listes d'attente pour les procédures et les soins médicaux et chirurgicaux, et les gens ont du mal à trouver un médecin de famille, passant parfois des années à attendre. La pandémie a aggravé la crise et créé des problèmes encore plus aigus de rapidité d'accès.
L'inquiétude de la ministre concernant le renversement du droit à l'avortement aux États-Unis et ses conséquences pour le Canada ne se traduit pas par des mesures visant à réparer le système de santé au Canada. En fait, pour les libéraux et les autres gouvernements des partis cartellisés, les droits restent toujours une abstraction, même face aux faits. Justin Trudeau a dit de la fuite au sujet du renversement possible de Roe c. Wade : « Le droit de choisir est un droit de la femme, point final. Chaque femme au Canada a droit à un avortement sécuritaire et légal. Nous ne cesserons jamais de protéger et de promouvoir les droits des femmes au Canada et dans le monde. »
C'est devenu une marque de commerce du gouvernement Trudeau que de professer l'adhésion à des idéaux élevés politiquement corrects, mais lorsqu'il s'agit de ses actes, la prétention « de protéger et de promouvoir les droits des femmes » n'est pas assortie de garanties dans le monde matériel. L'hypocrisie des libéraux se manifeste sur tous les fronts, surtout lorsqu'il s'agit du sort des femmes qui ont besoin d'un logement, d'une garderie, d'un emploi et d'un soutien matériel de toutes sortes. L'hypocrisie est également visible dans le cas de la négation des droits des femmes autochtones. Lorsque le gouvernement a été confronté au fait que si environ 5 % des femmes canadiennes sont autochtones, les femmes autochtones représentent maintenant la moitié de la population des détenues fédérales, Marion Buller, commissaire en chef de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, a mis le doigt sur le problème. Elle a déclaré que la réponse du ministre responsable « tombe dans la catégorie des pensées et des prières. Il n'y a rien. »
C'est la lutte militante des femmes depuis de nombreuses années qui a permis d'affirmer des droits, dont le droit à l'avortement, et de forcer les gouvernements à abolir les lois qui violent le droit des femmes de décider. Avec la propagation de la violence par des considérations idéologiques aux États-Unis, on peut également craindre que celle-ci ne se propage au Canada et que les femmes n'aient à se défendre une fois de plus contre cette violence. Il ne faut pas que cela se produise. Les gouvernements doivent être tenus responsables de la protection des femmes, avec les investissements nécessaires pour garantir l'accès à tous leurs besoins de santé et à ceux de leurs enfants, notamment en défendant les droits reproductifs des femmes et tout ce qui est nécessaire à l'épanouissement des familles.
Le respect des droits reproductifs des femmes signifie que tous les services dont elles ont besoin doivent être accessibles, gratuits, de haute qualité, dispensés par des professionnels de la santé dont le bien-être est pris en compte, et disponibles dans un environnement sûr et en temps voulu.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 7 - 29 mai 2022
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