La nécessité d'affirmer le droit des femmes à l'avortement

D'un océan à l'autre, les femmes des États-Unis contestent le renversement de Roe c. Wade

– Peggy Morton –

Depuis la divulgation, le 2 mai, du projet d'avis de la Cour suprême des États-Unis (SCOTUS) et son plan de renverser Roe c. Wade, d'immenses rassemblements ont eu lieu dans des villes partout au pays. Des centaines de milliers de femmes d'un bout à l'autre des États-Unis ont pris position et prennent la parole pour exiger leur droit aux soins de santé et leurs droits particuliers en tant qu'êtres humains responsables de la naissance et de l'éducation des enfants. La réponse à la fuite de la décision du projet d'avis de la SCOTUS a été rapide et forte. Une journée nationale d'actions a eu lieu le 14 mai, avec plus de 380 événements du Maine à Hawaï. Les manifestantes se sont rassemblées à New York, Washington, Los Angeles, Austin et Chicago, ainsi que dans des centaines d'autres événements partout au pays.

Des actions ont eu lieu en octobre dernier dans pas moins de 660 villes, petites et grandes, affirmant, comme l'ont dit les organisatrices, que « nous n'abandonnerons jamais notre vision de justice reproductive, pour un accès sans bornes à l'avortement et à tout ce dont nous avons besoin pour soutenir nos familles et leur permettre de s'épanouir et de vivre en santé. »

Le site américain Politico a publié un exemplaire du projet d'avis initial rédigé par le juge de la Cour suprême des États-Unis Samuel Alito, nommé par les républicains. L'opinion exprimée laisse entendre qu'une majorité de juges sont prêts à inverser Roe c. Wade – la décision de 1973 qui a essentiellement tranché que le droit à la vie privée touche aussi aux choix de reproduction tels que l'avortement et a rendu légaux les avortements aux États-Unis.

Selon le projet d'avis divulgué, la décision de 1973 était contestable sur le plan constitutionnel, « totalement fallacieuse dès le départ » et son raisonnement « particulièrement faible ». On y plaide que la décision de 1973 a eu des « conséquences dommageables » en divisant la nation entre les factions anti-avortement et pro-choix et en privant les représentants du pouvoir de réglementer cet acte. La question est remise entre les mains des législatures d'États, dont plusieurs ont adopté des lois limitant grandement l'avortement ou l'interdisant complètement. Près de la moitié des États américains ont des lois en attente qui imposeraient de vastes interdictions à l'avortement, et plusieurs États ont de plus en plus limité l'accès à l'avortement depuis plusieurs années.

Roe c. Wade est la décision charnière touchant aux droits de reproduction des femmes. La Cour suprême avait décidé que la constitution des États-Unis protège le droit des femmes enceintes de choisir de mettre fin à une grossesse sans avoir à subir une quantité excessive de restrictions gouvernementales. Ainsi, elle a annulé de nombreuses lois américaines au fédéral et dans les États.

Avant Roe c. Wade, par laquelle les lois rendant l'avortement illégal ont été renversées, les femmes mouraient et subissaient de graves complications médicales dues à des avortements clandestins, et un tabou s'est imposé pour empêcher même de discuter des conséquences de cette violation des droits. C'est ce qui s'est produit au Canada et ce qui est présentement le cas dans plusieurs pays. Le mouvement des femmes a brisé le silence, a fait éclater au grand jour cette attaque contre les droits des femmes et a déclaré que le droit des femmes de décider doit être défendu.

Le projet d'avis divulgué se rapporte à une loi du Mississippi qui a été adoptée avant l'avis de la Cour suprême en décembre 2021. La loi stipule que les avortements sont illégaux après 15 semaines, même en cas de viol et d'inceste. D'autres États, en particulier dans le sud et le Midwest, ont aussi limité l'accès à l'avortement. Vingt-deux États ont des lois interdisant l'avortement et elles entreront en vigueur si la SCOTUS abolit Roe c. Wade.

En septembre 2021, le Texas a adopté une loi qui interdit tout avortement après six semaines, alors que dans la plupart des cas la femme ne sait même pas à ce moment-là si elle est enceinte. Cela comprend aussi les grossesses suivant un viol ou l'inceste, même lorsque la victime est un enfant. La loi autorise les citoyens privés à poursuivre en justice quiconque « aide ou se rend complice » d'un avortement interdit. Si un citoyen privé remporte une telle poursuite, il a le droit de réclamer des personnes qu'il a traînées en justice 10 000 dollars, y compris les frais juridiques.

Les lois au Texas et au Mississippi font partie d'attaques à grande échelle contre les femmes et les enfants et leurs droits en santé, y compris le manque de sécurité dans les écoles, le manque de garderies et les mesures ciblant les nombreuses personnes forcées à rester dans des camps de détention à la frontière et ailleurs au pays, et plus encore.

Le droit d'une femme de décider si elle sera mère, et à quel moment, lui appartient. Les droits appartiennent à la détentrice du fait qu'elle est un être humain. Les tribunaux ont la responsabilité de défendre ce droit et les législatures de promulguer des lois qui le garantissent.

Au coeur de cette lutte de chaque instant est le droit humain aux soins de santé pour toutes et tous, et la satisfaction des besoins des femmes et des enfants doit être au coeur de la prestation de ces soins. Cela comprend le droit à la planification familiale, y compris l'avortement, les soins à la mère pendant la grossesse et post-partum (après la naissance), des congés de maternité payés, les arrangements nécessaires pour les mères allaitantes sur les heures de travail, et le droit qui appartient à toutes et à tous à des soins de santé de qualité payés et livrés par les fonds publics.

Les femmes partout aux États-Unis sont déterminées à faire reculer cet assaut d'envergure contre les droits. Elles prennent la parole en leur propre nom et affirment leurs droits en réclamant des gouvernements qu'ils les respectent.


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Volume 52 Numéro 7 - 29 mai 2022

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