Rapport sur le racisme au sein de l'armée canadienne

Publication d'un rapport insidieux sur le racisme au sein de l'armée canadienne

– Anna Di Carlo –

Le gouvernement libéral a publié récemment un rapport qui prétend s'attaquer au racisme dans l'armée canadienne. Le rapport est daté de janvier 2022 mais il a seulement été rendu public le 25 avril. Il a contourné la Chambre des communes, à laquelle tous les ministères sont censés rendre des comptes..

Le titre du rapport laisse déjà planer que la perspective du rapport est raciste et sexiste. Il porte le titre : « Groupe consultatif de la ministre de la Défense nationale sur le racisme systémique et la discrimination, notamment le racisme anti-Autochtones et anti-Noirs, les préjugés contre la communauté LGBTQ2+, la discrimination entre les sexes et la suprématie blanche — Rapport final ».

Les forces armées sont-elles racistes ? Oui, elles le sont. Sont-elles sexistes ? Oui, elles le sont Pourquoi alors s'attarder aux victimes plutôt que de tirer les conclusions qui s'imposent dont le fait que toutes les institutions au Canada, y compris l'armée, sont imprégnées des valeurs et des arrangements racistes et coloniaux véhiculés systématiquement par les institutions du Canada.

Tirer les conclusions qui s'imposent sur pourquoi l'armée est raciste et sexiste n'était pas le mandat du Groupe consultatif. Dans le plus pur style libéral malhonnête, le Groupe consultatif a été créé en décembre 2020, avec le mandat de présenter des recommandations sur comment l'armée pourrait « devenir un milieu de travail plus équitable, diversifié et inclusif. » On a dit que le rapport est fondé sur « plus de 75 consultations avec divers partenaires de l'Équipe de la Défense, à l'interne et à l'externe...menées depuis janvier 2021 ».

Le terme « Équipe de la Défense » se réfère à « la somme des membres des Forces armées : Anciens combattants, Force régulière, Force de réserve, Rangers canadiens, Service d'administration et d'instruction des organisations de cadets (COATS), et les employés civils, c'est-à-dire, les fonctionnaires fédéraux actuels et anciens et le Personnel des Fonds non-publics et les entrepreneurs de la défense. »

Le rapport respecte l'orientation fixée par l'État canadien sur le « racisme systémique », telle que suivie par divers régimes gouvernementaux. Selon cette orientation, le racisme au Canada est partout et nulle part, et il ne faut surtout pas le chercher dans le fondement même de l'État canadien et son éradication ne sera possible qu'en corrigeant le « comportement » du peuple canadien et peut-être celui de quelques « pommes pourries ».

Étalant au grand jour leur profonde hypocrisie à vouloir s'attirer les faveurs des peuples autochtones, la ministre de la Défense Anita Anand, les membres du Groupe consultatif et plusieurs hauts représentants militaires étaient présents à la conférence, qui a commencé par une cérémonie autochtone en plus de la reconnaissance traditionnelle de l'occupation des terres autochtones. Selon le rapport, le travail du groupe a été guidé par « ce merveilleux rituel qui...nous permet de nous recentrer et de réunir nos esprits [et] nous rappelle également que chacune des 634 communautés des Premières Nations, les 53 communautés inuites et les 8 établissements métis a un lien historique, culturel, spirituel et environnemental unique avec la terre que leurs peuples et leurs ancêtres habitent depuis des temps immémoriaux. »

Le rapport publie même en annexe la cérémonie d'ouverture telle que pratiquée par le peuple Kanien'keha :ka - « L'Ohenten Kariwakwen » - qui, selon le groupe consultatif, a été pratiquée à l'ouverture de chacune des réunions hebdomadaires. Cette tentative de faire comme si les nations autochtones du Canada ont eu quelque chose à voir avec le rapport sur le racisme au sein de l'armée, et la suggestion qu'ils ont eu un mot à dire dans les délibérations est raciste et offensante.

Sans surprise, le rapport ne fait aucune mention des nombreux déploiements des forces armées canadiennes contre les peuples autochtones. La soi-disant Crise d'Oka en 1990, lorsque les forces armées ont été déployées contre les Mohawks de Kanesatake qui ont été criminalisés parce qu'ils ont osé affirmer leur droit de protéger un lieu d'ensevelissement ancestral pour qu'il ne soit pas utilisé comme terrain de golf, est une de ces instances. Elle devrait alerter toute personne rationnelle au fait que c'est la mission de l'armée canadienne, qui est forcément raciste et sexiste alors qu'elle doit mener à bien ces missions, qui doit faire l'objet d'une enquête au lieu que celle-ci se limite aux commandants de ces missions.


L'armée est déployée en 1990 contre les Mohawks de Kanesatake qui défendent
leurs lieux d'ensevelissement ancestraux.

La prétention éhontée de la ministre de la Défense et du Groupe consultatif est révoltante compte tenu de ce que les victimes du racisme et du sexisme dans l'armée ont eu à souffrir et à endurer. Il ne faut pas oublier non plus le rôle joué par l'armée à l'étranger, que ce soit en Somalie, en Afghanistan, en Haïti, ou aujourd'hui en Ukraine.

En mars 1993, des soldats du défunt Régiment aéroporté du Canada en « mission de maintien de la paix » en Somalie ont été accusés d'avoir violé, torturé et tué Shidane Arone, un jeune Somalien de 16 ans. L'affaire a choqué les Canadiens et une commission d'enquête a été mise sur pied par le gouvernement libéral de Jean Chrétien pour examiner l'affaire. Elle a pris fin brusquement, avant d'avoir terminé son travail, parce que Chrétien a dit que les Canadiens avaient perdu tout intérêt pour cette affaire. En fin de compte, aucun officier supérieur n'a été tenu de rendre des comptes et sur les trois soldats accusés, les accusations contre l'un d'entre eux ont été rejetées et les deux autres ont été emprisonnés pour des accusations mineures. Un juge canadien a rejeté la plainte déposée contre le Canada en 1999 par les parents de Shidane Arone, qui demandaient une indemnisation pour la perte de leur fils.

En 2009, Richard Colvin, un diplomate canadien de haut rang, a déclaré à une commission parlementaire que, pendant qu'il était en poste en Afghanistan, des centaines d'Afghans innocents ont été arrêtés par les troupes canadiennes et envoyés en prison, torturés et peut-être tués, une accusation au sujet de laquelle le Canada n'a rien fait. Le chef d'état-major de la Défense, Rick Hillier, qui était en charge de la mission militaire canadienne en Afghanistan à l'époque, a déclaré plus tard que ces accusations étaient « des conneries ».

En 2019, six « gardiens de la paix » canadiens en Haïti ont été accusés d'avoir agressé sexuellement des femmes et des filles du pays. La ministre des Affaires étrangères de l'époque, Chrystia Freeland, a alors déclaré à la CBC : « Il est totalement inacceptable que (les officiers) causent des dommages aux personnes qu'ils sont envoyés pour protéger. Et il est important pour nous d'être sûrs d'avoir un cadre ici au Canada qui nous permette de faire face à toute infraction commise à l'extérieur du pays. » Rien n'a été fait pour établir un tel « cadre « » à ce jour et il n'existe aucune intention de mettre fin à ces crimes à l'avenir. Entre-temps, Chrystia Freeland, aujourd'hui vice-première ministre et ministre des Finances, a enflammé les passions en accusant la Russie de commettre des crimes de guerre en Ukraine, mais son gouvernement nie que le Canada a contribué à la formation de néonazis suprémacistes blancs virulents qui ont été intégrés aux forces armées régulières et dont on sait qu'ils ont commis des massacres dans le Donbass.

Le gouvernement Trudeau semble vouloir dépenser beaucoup d'argent pour la création de groupes consultatifs pour ensuite se servir de leurs rapports et de leurs recommandations pour adopter des réformes au nom de grands idéaux. Ces réformes outrepassent le parlement ou sont utilisées pour dire aux partis cartellisés qui détiennent des sièges au parlement comment ils doivent voter sous peine d'être qualifiés de racistes, sexistes et suprémacistes blancs s'ils ne le font pas.

Il s'agit d'une autre tentative fausse et désespérée de perpétuer les institutions anachroniques appelées libérales démocratiques. Celles-ci sont fondées sur des constitutions qui imposent le pouvoir d'une élite anglo-américaine, eurocentriste de gouvernants qui se sont succédés de façon ininterrompue depuis l'époque de l'établissement des colonies britanniques et de la confédération du Canada.

Une perspective raciste imprègne toutes les pratiques du Canada colonial et ses institutions, y comprend les forces armées. Il faut se débarrasser de la vision et de la pratique du racisme, ainsi que des structures et de la chaîne de commandement qui le préservent.

Le rapport du Groupe consultatif sera certainement un autre document qui cherche à désinformer une opposition organisée au racisme, au sexisme et aux attaques contre les autochtones. Il est intéressant que la ministre Anand ait mentionné les Premières Nations en faisant référence aux bandes autorisées par le gouvernement du Canada, et non aux territoires non cédés et au refus du gouvernement de soutenir les droits ancestraux. Si le rapport aborde uniquement les droits que le gouvernement considère comme légitimes, rien ne changera.

Compte tenu du rôle qui est confié aux forces armées au sein de l'OTAN et à la défense de l'Arctique canadien de même qu'à la défense civile et celle des ressources naturelles du Canada pour le compte de l'économie de guerre des États-Unis, l'opposition au droit des peuples autochtones de défendre leurs droits ancestraux, et la perspective et la méthode racistes et sexistes de l'armée continueront d'être un sujet de sérieuse préoccupation des Canadiens. Les Canadiens doivent créer des institutions dont le point de départ est l'affirmation du droit d'être de tous, au pays comme à l'étranger.


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Volume 52 Numéro 6 - 24 mai 2022

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