L'impact des sanctions en Europe et aux États-Unis

Le président Biden a promis d'« aider » l'Europe sur le front énergétique, en raison de sa dépendance à la Russie en pétrole et en gaz. En 2021, l'Union européenne a importé près de 132,4 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Biden a promis 15 milliards de mètres cubes, ce qui ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan et est loin de répondre aux besoins immédiats en production industrielle, pour le chauffage des maisons, et plus encore. LA COVID a déjà fait en sorte qu'il y a eu des interruptions et les sanctions américaines ne font qu'aggraver la situation. La Russie a contrecarré les sanctions américaines en exigeant que le gaz et le pétrole soit achetés en roubles.

Dans son discours à Varsovie, Joe Biden a soutenu : « À la suite de ces sanctions sans précédent, le rouble a presque été immédiatement anéanti. » Il a dit que 200 roubles équivalent à un dollar pour démontrer que l'économie russe est « en passe d'être réduite de moitié dans les années à venir ». En fait, le rouble rebondit depuis le 22 mars, alors qu'il équivaut à moins de 85 par rapport au dollar et est toujours en baisse – en partie en raison de l'exigence russe que le pétrole et le gaz soient payés en roubles, ce que quoi l'Europe ne peut pas empêcher.

La porte-parole du Conseil de la Fédération russe Valentina Matviyenko a dit le 1er avril que la Russie serait exposée à des risques insensés si elle continuait de vendre du gaz à des pays hostiles en dollars et en euros. Les deux devises ont perdu leur crédibilité, a-t-elle dit lors d'une réunion consacrée au développement par la Russie de réseaux régionaux de distribution de gaz au détail. Le premier ministre adjoint Alexander Novak y a aussi participé.

« Sous l'effet d'intenses pressions et de sanctions illégitimes, nous préférons agir en tant que membre responsable de la communauté économique internationale. Nous n'avons rien fait qui puisse détériorer les conditions pour nos partenaires qui sont les bénéficiaires de nos hydrocarbures. Tous les contrats avec eux demeurent : les dates d'approvisionnement, les quantités et les prix définis en euros et en dollars. L'unique différence est que les affaires seront réglées en roubles », a dit Valentina Matviyenko.

« Personne ne devrait dramatiser ou politiser la situation. C'est notre droit souverain et notre décision souveraine. Par le passé, nous étions payés pour le gaz en dollars et en euros, et une partie des paiements était versée dans nos réserves d'or et de devises étrangères. On nous a privés de la possibilité d'y avoir recours. En réalité, il s'agit d'une violation flagrante du droit international et du commerce international. Nous n'accepterons plus de paiements en devises qui ont perdu toute crédibilité. Vendre des hydrocarbures sans être payés à la date prévue équivaudrait à demander la charité », a-t-elle ajouté.

La nouvelle façon de payer en roubles le gaz des pipelines russes pour les acheteurs que la Russie considère comme étant des pays hostiles est entrée en vigueur le 1er avril. Dans un communiqué publié par Gazprom, il est dit que les acheteurs sont obligés d'ouvrir des comptes spéciaux en roubles et en devises étrangères avec Gazprombank pour payer leurs approvisionnements en gaz. La conversion des devises se fera en devises russes. Dans le cas de paiements incomplets, les douanes russes sont autorisées à interdire les livraisons. La commission gouvernementale de l'investissement étranger en Russie a le droit d'exempter des acheteurs sur une base individuelle, a dit Gazprom.

La liste de pays hostiles comprend les États-Unis, le Canada, les pays de l'Union européenne, la Grande-Bretagne (y compris Jersey, Anguilla, les Îles Vierges britanniques et le Gibraltar), l'Ukraine, le Monténégro, la Suisse, l'Albanie, Andorre, l'Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, San Marino, la Macédoine du Nord, ainsi que le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, la Micronésie, la Nouvelle-Zélande, le Singapore et Taïwan ( considéré comme territoire de la Chine, mais gouverné par sa propre administration depuis 1949).

Entretemps, en raison de la hausse de prix et de la spéculation, le prix du pétrole continue de planer au-dessus de 100 dollars le baril. Les États-Unis ont annoncé la « distribution historique » d'un million de barils par jour à partir de la réserve d'urgence du pays le 31 mars, un jour avant que les pays européens doivent commencer à payer le pétrole et le gaz russe en roubles et quelques heures seulement avant que la réunion ministérielle de l'OPEC+, l'OPEC et les pays non-OPEC aient accepté une autre modeste augmentation de leur production. Même le ministre de l'Énergie saoudien, qui dépend des États-Unis pour défendre ses intérêts, a dit qu'OPEC+ ne mêlera pas la politique aux décisions touchant à la production.

L'administration américaine a dit par voie de communiqué que la distribution serait d'une durée de six mois, pour un total de près de 180 millions de barils par jour, siphonnant presque un tiers de la Réserve pétrolière stratégique des États-Unis (SPR).

« L'ampleur de cette distribution est sans précédent : le monde n'a jamais connu une distribution de pétrole en réserve au rythme de 1 million par jour sur une aussi longue période », a dit la Maison-Blanche. « Cette distribution sans précédent fournira un montant historique d'approvisionnements qui permettront de se rendre jusqu'à la fin de l'année lorsque la production domestique s'intensifiera. » Cette mesure vise en partie à atténuer la colère montante face à l'augmentation en flèche du prix du gaz tout en garantissant des approvisionnements en pétrole à l'armée, à elle seule la plus grande consommatrice de pétrole.

Ce qui ressort aussi est que les États-Unis se sont de diverses façons tirés une balle dans le pied en imposant des sanctions contre l'importation du pétrole, du gaz et du charbon russes. Le 8 mars, la Maison-Blanche a annoncé :

« Aujourd'hui, le président Biden a signé un Décret présidentiel pour interdire l'importation de pétrole, de gaz naturel liquéfié et de charbon russes aux États-Unis – un geste significatif jouissant d'un vaste appui bipartisan qui va davantage priver le président Poutine des ressources économiques dont il a besoin pour poursuivre la guerre inutile qu'il a choisi de mener. »

Le décret présidentiel interdit l'importation aux États-Unis de pétrole brut russe et de certains produits pétroliers, de gaz naturel liquéfié et de charbon. L'année dernière, les États-Unis ont importé près de 700 000 barils par jour de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés de la Russie et cette mesure vise à priver la Russie de milliards de dollars de revenus des États-Unis. Cependant, l'Agence d'information sur l'énergie des États-Unis a informé que cette semaine se terminant le26 mars, les États-Unis avaient importé 100 000 barils par jour de pétrole brut russe et que les oligopoles tels que Haliburton et Koch sont toujours actifs en Russie.

Depuis 2019, les États-Unis ont imposé un embargo sur les importations de pétrole lourd en provenance du Venezuela et les a remplacées par des importations de variétés de lourd provenant de l'Oural en Russie. Ils ont envoyé deux représentants à Caracas le 5 mars prétendument pour négocier la possibilité d'obtenir du pétrole vénézuélien. Aucun accord n'a été annoncé ou semble être en train d'être préparé. L'absence de volonté de la part des États-Unis d'accepter les conditions posées par le Venezuela, soit la levée de toutes ses sanctions et la restitution de tous les biens saisis illégalement, y a probablement contribué.

Le diesel et l'huile de chauffage sont faits de longues chaînes carbonées. Les types de pétrole brut plus légers ne contiennent pas ces chaînes. C'est possible de créer des chaînes carbonées plus longues à partir de chaînes plus courtes mais ces procédés sont dispendieux. Il est beaucoup plus facile de commencer avec du pétrole brut lourd et de le décomposer au besoin. Certains intérêts au Canada au service de l'industrie du pétrole et du gaz saisissent l'occasion pour faire du lobbying pour augmenter le nombre de pipelines approuvés pour livrer du pétrole lourd aux raffineries de la côte du Golfe.

Il y avait déjà des pénuries de diesel même avant que les sanctions commencent. Le diesel est consommé par les forces militaires. Il sert au transport de fret livrant des produits aux consommateurs. Par exemple, près de 90 % des livraisons d'aliments frais aux États-Unis se font par camions à base de diesel. Le diesel est aussi le combustible utilisé dans le transport industriel. Alors que les raffineries russes réduisent leurs taux de production suite à plusieurs vagues de sanctions occidentales, l'approvisionnement déjà réduit de diesel va devenir encore plus réduit, ce qui va provoquer l'insatisfaction et la résistance des camionneurs et d'autres travailleurs, ainsi que d'importants intérêts privés ayant besoin de diesel.

« Les gouvernements comprennent très bien qu'il existe un lien clair entre le diesel et le PIB, puisque tout ce qui entre et sort d'une usine est mu par le diesel », a dit à Reuters le 1er avril le directeur général de Fuels Europe, qui fait partie de l'Association européenne du raffinage de pétrole. « L'Europe importe près de la moitié de son diesel de la Russie et près de la moitié de son diesel du Moyen-Orient. C'est là que se trouve le déficit systémique de diesel », a noté Russell Hardy de Vitol plus tôt cette semaine. Vitol est un négociant majeur d'énergie et de produits de base.

Dans un article pour Reuters, John Kemp a dit que l'Europe n'est pas la seule à connaître des difficultés financières alors que les stocks connexes sont aussi en déclin aux États-Unis.

Comme pour les autres efforts de Joe Biden visant à utiliser les sanctions pour unir l'Europe derrière le diktat américain dans ses actions pour écraser la Russie, les sanctions liées au pétrole et au gaz ont exactement l'effet contraire.


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Volume 52 Numéro 4 - 3 avril 2022

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