Des signes que les sanctions anti-russes auront
l'effet inverse
Seulement 48 pays sur 193 participent aux sanctions contre la Russie
Manifestation en République centrafricaine, le 6 mars 2022
Seulement 48 pays participent aux sanctions imposées à la Russie par les États-Unis. « La plupart des pays sont en Europe et en Amérique du Nord, avec six de leurs plus proches partenaires dans la région de l'Asie-Pacifique. Cela ne représente même pas le quart des 193 membres des Nations unies », souligne germanforeignpolicy.com. Trois quarts des États membres de l'ONU refusent de s'y conformer, en dépit d'une pression considérable exercée sur eux. L'Inde augmente son achat de pétrole russe et continue de développer un système de paiement indépendant du dollar US et de SWIFT (le fournisseur mondial de services de messagerie financière sécurisés pour les banques et financiers majeurs). Le volume de l'importation par l'Inde cette année est déjà à 13 millions de barils – presque l'équivalent du total des importations de 2021 (16 millions de barils). L'Inde cherche aussi à importer davantage de charbon à coke pour la production d'acier et se procure de grandes quantités d'huile de tournesol russe, qui se fait rare en Europe occidentale en raison des sanctions.
Le 11 avril, des discussions de « deux plus deux » entre l'Inde et les États-Unis sont prévues. Il s'agit d'une rencontre régulière entre les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays. Les experts disent que les États-Unis voudraient que ces discussions creusent un fossé entre New Delhi et Moscou. « En préparation des pourparlers, un grand nombre de représentants se rendent en Inde pour systématiquement augmenter la pression », écrit germanforeignpolicy.com. Victoria Nuland, sous-secrétaire d'État pour le département d'État des États-Unis, a visité la capitale indienne pour y tenir des pourparlers. Le 30 mars, le conseiller-adjoint de la sécurité nationale Daleep Singh est arrivé. Il est le principal architecte des sanctions contre la Russie. Le rapport ajoute : « Dans le cadre d'un va-et-vient de visiteurs occidentaux qui prend des allures de harcèlement, Jens Plotener, le conseiller de la politique étrangère du chancelier (allemand) Olaf Scholz, est aussi allé à New Delhi le 30 mars. Le 31 mars, la secrétaire aux Affaires étrangères britannique Liz Truss, d'une part, et le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov, de l'autre, sont arrivés dans la capitale indienne pour des pourparlers. ». Le rapport se poursuit :
« Entretemps, la pression grandissante exercée par l'Occident a commencé à provoquer des réactions de la part de New Delhi. Le 22 mars, l'ambassadeur indien à Moscou a participé à une réunion entre lui et ses homologues du Brésil, de la Chine et de l'Afrique du Sud et le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov – un signe que le format BRICS [de ces cinq pays] n'a pas été abandonné, en dépit de l'intervention de la Russie en Ukraine ou de la vive tension entre l'Inde et la Chine. Les observateurs occidentaux ont méticuleusement noté que, jusqu'ici, aucun des États de BRICS n'a fait de déclarations condamnant publiquement l'intervention de la Russie. Le 25 mars, le ministre des Affaires étrangères de la Chine Wang Yi a rendu une visite surprise à son homologue indien Subrahmanyam Jaishankar à New Delhi. La première visite de Wang Yi depuis l'escalade du conflit frontalier entre l'Inde et la Chine en mai 2020 avait été éclipsée par ce conflit, mais sans exclure d'autres sujets. On avait prêté de l'importance à la discussion sur la guerre en Ukraine et la campagne de sanctions occidentales contre la Russie. Comme c'est le cas pour l'Inde, la Chine subit aussi les pressions de l'occident, la différence étant cependant que l'Occident, jusqu'à maintenant, a cherché à éviter de nuire à ses relations avec New Delhi, parce qu'il a besoin de l'Inde dans sa lutte de pouvoir avec Pékin. »
La Russie cherche aussi à développer une architecture financière indépendante du dollar US. Sa demande que les achats de gaz et de pétrole se fassent en roubles fait partie de cela. La Russie compte créer des comptes de banque, en Russie, pour les pays acheteurs de gaz et de pétrole, pour qu'ils puissent le faire en roubles. Même si le G7 a proclamé le 28 mars qu'il n'appuierait pas l'exigence de la Russie de se faire payer en roubles, les Européens ont fait part de leurs préoccupations. La France, par exemple, a demandé aux pays « qui le pouvaient » de conserver l'énergie, y compris l'électricité et le gaz, et de mettre l'accent surtout sur les entreprises et les installations publiques. L'Italie a déjà émis une « pré-alerte sur les risques » en ce qui concerne ses journées d'approvisionnement en gaz naturel à la suite de l'éclatement du conflit en Ukraine.
Le ministre allemand de l'économie et le vice-chancelier Robert Habeck ont déclenché un système « d'alerte précoce » le 30 mars, le premier de trois niveaux de réponse pour créer une équipe de crise et accélérer la surveillance de l'approvisionnement en gaz. L'Allemagne importe près de 55 % de son gaz de la Russie, 33 % de son pétrole et 45 % de son charbon, et leurs réserves ne sont actuellement qu'à près de 25 % de leur capacité.
Habeck a dit que l'Allemagne était prête pour un arrêt soudain des approvisionnements russes en gaz mais a averti que les impacts pourraient être « considérables » et il a exhorté les consommateurs à éviter une pénurie en réduisant leur consommation, disant que « chaque kilowatt d'énergie épargnée aide ». Le deuxième niveau d'alerte exigerait des compagnies de l'industrie du gaz qu'elles prennent les mesures nécessaires pour réglementer l'approvisionnement. Le troisième exigerait que l'État intervienne pour veiller à ce que ceux qui ont le plus besoin de gaz – comme les hôpitaux et les ménages privés – en reçoivent, a dit Habeck.
Il n'est pas certain que les oligopoles privés vont suivre. Les oligopoles de pétrole et de gaz américains Halliburton et Koch, par exemple, n'ont pas quitté la Russie comme le gouvernement américain l'a demandé. En outre, la question de savoir si l'Allemagne s'en tiendra à ne pas se procurer plus de pétrole et de gaz en payant en roubles ou si elle le fera pour éviter les « impacts considérables » – y compris une plus grande résistance du peuple – ne peut être prédite ni par les États-Unis ni par l'OTAN. Ce qui est clair est que la Russie peut se trouver d'autres domaines d'exportation et peut avoir recours à d'autres tactiques telles que limiter les approvisionnements.
Aussi, de façon vraiment cruelle, lors de réunions avec l'OTAN, Biden a parlé de pénuries alimentaires sans se soucier des conséquences pour la classe ouvrière : « En ce qui concerne les pénuries alimentaires, oui, nous en avons parlé et elles seront réelles. Le prix de ces sanctions n'est pas imposé uniquement à la Russie. Il est aussi imposé à un grand nombre de pays, dont des pays européens et le nôtre aussi parce que, entre autres choses, la Russie et l'Ukraine ont été le grenier de l'Europe en blé. »
À cet égard, Cargill est un des principaux oligopoles alimentaires qui n'ont pas quitté la Russie et, comme les oligopoles de guerre, il profite du conflit actuel. Les profits des oligopoles énergétiques et alimentaires montent déjà en flèche, pendant que le peuple porte le fardeau des hausses des prix des aliments, du gaz et des autres denrées.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 4 - 3 avril 2022
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