Session spéciale d'urgence sur l'Ukraine
L'Assemblée générale s'est réunie en session d'urgence du 28
février au 2 mars pour débattre et voter sur une résolution
antirusse des États-Unis. La résolution demandait à la Russie de
« retirer immédiatement, complètement et sans condition toutes
ses forces militaires du territoire ukrainien à l'intérieur des
frontières internationalement reconnues du pays », sans rien
dire de l'utilisation par les États-Unis et l'OTAN de l'Ukraine
comme base avancée pour isoler, encercler et humilier la Russie,
ni de l'accumulation d'armes et de troupes et de l'expansion
vers l'est. La résolution, qui nécessitait une majorité des deux
tiers de l'Assemblée pour être adoptée, n'est pas contraignante
et ne comportait pas de mesures de recours à la force armée.
Sur les 193 membres de l'assemblée, 141 ont voté pour, cinq contre et trente-cinq se sont abstenus[1]. Douze pays n'ont pas participé au vote et ont été considérés comme absents, dont le Venezuela. Bien que la position du Venezuela ait été énoncée clairement durant le début, son droit de vote a été suspendu parce qu'il n'a pas les moyens de payer sa cotisation à l'ONU en raison des sanctions illégales des États-Unis. De cette manière, les États-Unis ont réussi à embrigader les membres de l'ONU dans leurs manoeuvres qui n'ont rien fait pour résoudre le conflit.
Dans la création de la crise ukrainienne, les États-Unis ne
laissent rien au hasard dans un effort pour être à la tête d'un
ordre mondial où ils sont la puissance hégémonique qui établit
les règles et où tout le monde a intérêt à rentrer dans le rang
sous peine de subir de terribles conséquences. La Russie a tracé
ses « lignes rouges » en matière de sécurité en raison de
l'expansion de l'OTAN en Ukraine et de la présence de missiles
américains à ses frontières. L'Ukraine est complètement
sacrifiable dans le plan américain, un pion et une victime dans
la tentative de domination des États-Unis dans tous les domaines
qui concernent les peuples du monde. Les Nations unies sont
devenues un de ces champs de bataille.
La résolution adoptée le 2 mars est dangereuse. Contrairement à
ce qui s'est passé pour la Corée en 1950, où les États-Unis ont
obtenu de l'ONU qu'elle mandate une intervention armée contre la
Corée, ils ne l'ont pas fait à cette occasion. Or, lorsque des
questions sont soumises à l'Assemblée générale par le Conseil de
sécurité en vertu de la résolution « S'unir pour la paix »,
c'est en vue de faire des recommandations appropriées aux
membres pour des mesures collectives, y compris le recours
potentiel à la force armée. Même si l'Assemblée générale
n'envisage pas cette possibilité pour le moment, les États-Unis
pourraient tenter d'utiliser la résolution, et ce qu'ils
prétendent être le refus de la Russie de s'y conformer, pour le
faire à l'avenir.
La résolution stipule notamment que « le territoire d'un État ne saurait faire l'objet d'une acquisition par un autre État à la suite du recours à la menace ou à l'emploi de la force, et que toute action visant à rompre partiellement ou totalement l'unité nationale, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un État ou d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte ».
Les peuples du monde sont-ils censés oublier toutes les ingérences, invasions, coups d'État, guerres des États-Unis contre la Libye, l'Irak, l'Afghanistan, la Syrie, le Yémen, les coups d'État au Honduras, en Haïti, les tentatives de changement de régime contre Cuba, le Venezuela, le Nicaragua – et ce ne sont que des exemples récents. Pourtant, pour l'Ukraine, une session d'urgence est convoquée, imbue du diktat et du chauvinisme américains.
La résolution adoptée le 1er mars est dangereuse. Contrairement à la Corée, où les États-Unis ont obtenu des Nations unies qu'elles mandatent une intervention armée contre ce pays, ils ne l'ont pas fait à cette occasion. Lorsque le Conseil de sécurité soumet des questions à l'Assemblée générale en vertu de la résolution « L'union pour le maintien de la paix », c'est en vue de faire des recommandations appropriées aux membres pour des mesures collectives, y compris le recours potentiel à la force armée. Même si l'Assemblée générale n'examine pas cette question à l'heure actuelle, les États-Unis pourraient tenter d'utiliser la résolution, et ce qu'ils prétendent être le refus de la Russie de s'y conformer, pour le faire à l'avenir.
Ceci est également indiqué dans la section suivante de la résolution : « Constatant que les opérations militaires russes menées à l'intérieur du territoire souverain de l'Ukraine auxquelles la communauté internationale assiste sont d'une ampleur jamais vue en Europe depuis des décennies et considérant que des mesures doivent être prises d'urgence pour sauver cette génération du fléau de la guerre. » Notons que le bombardement de la Yougoslavie par les États-Unis et l'OTAN en 1999 n'est pas considéré comme une « guerre terrestre » et qu'il est écarté sur cette base. Notons également que la Russie n'est pas traitée comme faisant partie de l'Europe. L'objectif visé est de faire de la Russie la seule source d'une guerre mondiale dans des conditions où ce sont les États-Unis, avec leur politique de l'abîme et leurs provocations incessantes, qui incitent à la confrontation partout en Europe ainsi qu'en Asie-Pacifique en particulier en ce moment.
Les États-Unis, les membres de l'OTAN et d'autres États membres se sont alignés sur cette position, bien qu'il soit connu que les États-Unis et leurs alliés, comme le Canada et d'autres, utilisent des tactiques reposant sur la force. Leurs remarques ont fait écho à celles des États-Unis concernant l'« agression militaire non provoquée » et « injustifiée » de la Russie.
Les cinq pays qui ont voté contre la résolution parrainée par
les États-Unis et les 35 pays qui s'y sont opposés en
s'abstenant de voter, ont longtemps subi les effets de
l'agression et de la colonisation par les États-Unis et les pays
européens et les justifications qui en découlent. Cela inclut la
militarisation actuelle et le placement de troupes en Afrique
par les États-Unis dans le cadre de leur AFRICOM.
Voir le
texte complet de la résolution.
Notes
Les cinq pays qui ont voté contre la résolution sont : la Biélorussie, l'Érythrée, la République populaire démocratique de Corée, la Russie et la Syrie.
Les trente-cinq pays qui se sont abstenus sont les suivants : Algérie, Angola, Arménie, Bangladesh, Bolivie, Burundi, République centrafricaine, Chine, Congo, Cuba, El Salvador, Guinée équatoriale, Inde, Iran, Irak, Kazakhstan, Kirghizstan, Laos, Madagascar, Mali, Mongolie, Mozambique, Namibie, Nicaragua, Pakistan, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Sri Lanka, Soudan, Tadjikistan, Tanzanie, Ouganda, Vietnam, Zimbabwe.
Douze pays n'étaient pas présents : l'Azerbaïdjan, le Burkina Faso, le Cameroun, l'Éthiopie, l'Eswatini, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Maroc, le Togo, le Turkménistan, l'Ouzbékistan, le Venezuela (le droit de vote du Venezuela a été suspendu à la 76e session et à cette 11e session extraordinaire d'urgence en raison du non-paiement de ses cotisations au cours des deux années précédentes, pour lequel il n'a pas reçu de dérogation spéciale de l'Assemblée)
(Photo :
Xinhua)
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 3 - 7 mars 2022
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