Anniversaire de l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021 à Washington

Tentatives ratées de dissimuler la crise de la démocratie américaine


Les travailleurs de tous les États-Unis ont fait grève et sont descendus dans la rue pour réclamer leurs droits. Ci-dessus, des mineurs de l'Alabama défilent à New York, le 28 juillet 2021, en déclarant « Nous sommes un ! ».

Une caractéristique de la situation à la fin de l'année 2021 est l'échec des tentatives de dissimuler la crise de la démocratie américaine. Au Sommet pour la démocratique convoqué à Washington, les 19 et 20 décembre 2021, et auquel ont été conviés les représentants d'une centaine de gouvernements, Joe Biden et la vice-présidente Kamala Harris ont tous deux évoqué les « défis » auxquels les États-Unis sont confrontés en matière de démocratie. Ils se sont principalement concentrés sur le vote et l'aggravation de la crise d'un système qui ne parvient pas à garantir les droits humains réclamés dans le monde entier et n'ont pas manqué de proférer des menaces contre tous ceux qui ne se soumettent pas à l'ordre mondial « fondé sur les règles » des États-Unis.

Joe Biden a débuté le sommet en présentant la Constitution américaine comme le modèle des « valeurs démocratiques ». Il a également précisé que la démocratie est une question d'idéaux et non de réalité. Il a dit que « la démocratie américaine est une lutte permanente pour être à la hauteur de nos idéaux les plus élevés et pour guérir nos divisions; pour nous engager à nouveau envers l'idée fondatrice de notre nation », selon laquelle « toutes les femmes et tous les hommes sont créés égaux, dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Ce discours est fait à l'heure où les droits humains et le droit de vivre et d'être sont sous le feu d'attaques brutales, les gouvernements à tous les niveaux refusant de garantir les droits aux soins de santé, au logement, à l'éducation, à un moyen de subsistance et à des conditions de vie et de travail sécuritaires. En outre, ni Biden ni Harris ne parlent du fait que la Constitution consacre une structure d'inégalité, notamment en maintenant le peuple hors du pouvoir et les riches au pouvoir, évidente depuis l'époque de l'esclavage jusqu'à aujourd'hui.

Parlant de la crise que traverse la démocratie libérale, Joe Biden a déclaré que « ce qui est peut-être le plus important et le plus inquiétant », c'est « le mécontentement des populations du monde entier à l'égard des gouvernements démocratiques qui, selon elles, ne répondent pas à leurs besoins ». Il a tenté de masquer cette réalité en disant que les démocraties ne sont pas parfaites, qu'elles demandent beaucoup de travail, qu'elles sont fragiles, etc. Comme l'ont fait le secrétaire d'État Antony Blinken et la vice-présidente Harris, il a ensuite essayé de réduire la question de la démocratie à une affaire de vote. Le désespoir des milieux dirigeants est tel qu'ils croient que si seulement le droit de vote était reconnu à l'échelle nationale, la démocratie américaine redeviendrait la meilleure du monde.

Joe Biden a déclaré : « Mon administration va continuer à se battre pour faire adopter deux textes de loi essentiels qui consolideront le fondement même de la démocratie américaine : le droit sacré de chaque personne de faire entendre sa voix dans le cadre d'élections libres, équitables et sûres. »

Si les problèmes peuvent être réglés en adoptant des lois, quel est le problème ? Une fois que les lois ne suffisent plus, viennent alors les pouvoirs de police et les menaces de guerre et surtout d'utilisation d'armes nucléaires.

Le fait est que, malgré les amendements constitutionnels et les nombreuses lois, comme le Voting Rights Act de 1965, le simple fait de pouvoir voter est bloqué et aucune explication n'est donnée. En 2013, même la Cour suprême a rejeté plusieurs articles de cette loi.

L'histoire montre que l'adoption d'autres lois ne va pas éliminer les nombreuses façons dont les électeurs se voient frustrés de leur vote, que ce soit par les limites et les exigences de l'inscription sur les listes électorales, l'élimination arbitraire des listes électorales par les responsables des élections, le tracé truqué des lignes de district (gerrymandering), le blocage du droit égal d'être élu, pour les tiers d'inscrire et de présenter des candidats et bien plus encore. Les élections américaines sont connues depuis longtemps pour n'être ni libres ni équitables.

L'accent mis sur le vote a également pour but de détourner l'attention de ce que Biden admet lui-même : le vaste mécontentement dans le monde entier face à l'échec et au dysfonctionnement de la démocratie libérale et de ses institutions.

Lors du Sommet pour la démocratie, Joe Biden a reconnu que le monde est à un tournant. Mais sa réponse est de nier la base matérielle de ce tournant et ce qu'elle révèle, et d'essayer tant bien que mal d'unir les factions en conflit derrière ce qu'il appelle son initiative présidentielle. Il a déclaré :

« Mes collègues dirigeants, membres de la société civile, activistes, défenseurs, citoyens : nous nous trouvons à un point d'inflexion de notre histoire, à mon avis. »

En mathématiques, le point d'inflexion est un point d'une courbe où se produit un changement dans la direction de la courbure. Dans le monde des affaires, il s'agit d'un moment de changement significatif dans une situation, d'un tournant. Dans la vie, il s'agit de points où des événements et des décisions prennent une direction différente, modifiant le cours d'au moins un aspect de la vie.

Joe Biden a déclaré : « Les choix que nous faisons, à mon avis, dans le prochain moment, dans ce moment, vont déterminer fondamentalement la direction que notre monde va prendre dans les décennies à venir. Allons-nous permettre que le recul des droits et de la démocratie se poursuive sans contrôle ? Ou aurons-nous ensemble ensemble une vision et la vision pas seulement « une » vision, « la » vision et le courage de mener une fois de plus la marche du progrès humain et de la liberté humaine vers l'avant ? »

« La vision », comme il le dit, est celle où « la marche du progrès humain » doit être bloquée en utilisant son initiative présidentielle pour institutionnaliser différentes formes pour tenter de maintenir la domination des oligarques en général et des impérialistes américains en particulier.

La vice-présidente Kamala Harris a également parlé de ce tournant, mais d'une manière différente. Elle a dit : « Je crois que notre monde est au début d'une nouvelle ère une ère avec de nouveaux défis, une ère avec de nouvelles opportunités, une ère qui est définie par l'interconnexion et l'interdépendance. Dans cette nouvelle ère, je crois que la démocratie est le meilleur espoir de notre monde, non pas parce qu'elle est parfaite, mais en raison de ses principes, parce qu'elle répond aux besoins des gens. La démocratie protège les droits humains et promeut la dignité humaine. Elle est un moyen de créer la paix et la prospérité. »

C'est comme si les États-Unis ne faisaient pas la guerre, qu'ils avaient résolu le problème de la pauvreté croissante, de l'itinérance et des atteintes aux droits humains qui atteignent de nouvelles proportions de génocide sur plusieurs fronts. De telles affirmations ne servent qu'à souligner la crise de crédibilité et de légitimité dans laquelle la démocratie américaine est embourbée. Précisant qu'elle se réfère aux défuntes démocraties libérales, Kamala Harris a déclaré qu'il était « urgent de s'inquiéter du fait que la démocratie est actuellement menacée et que, depuis 15 ans, elle est en déclin ».

De toute évidence, les vastes mouvements de masse aux États-Unis pour l'égalité et les droits et contre le gouvernement raciste et les meurtres commis par la police ne sont pas considérés comme faisant partie de la démocratie, pas plus que les revendications des pays qui affirment leur droit d'être et s'opposent à l'ingérence étrangère dans leurs affaires intérieures. L'émergence d'une démocratie populaire doit être évitée à tout prix. La résistance large et croissante de la classe ouvrière, des peuples autochtones, des immigrants et des réfugiés, des agriculteurs et des jeunes ne doit pas non plus être autorisée car elle est décrite comme faisant partie du déclin de la démocratie. La bataille pour la démocratie et la bataille de la démocratie sont pourtant à l'ordre du jour, alors que la qualité et la structure de la démocratie qui font en sorte qu'elle bénéficiera au peuple apparaissent de plus en plus clairement.


Les travailleurs ont fermé les ponts de Manhattan et de Brooklyn, le 5 mars 2021, pour exiger la reconnaissance de leurs droits et de leur rôle essentiel dans la sécurité des personnes.

Cette mise à l'écart du peuple est encore plus évidente dans les remarques finales de Kamala Harris, où elle fait écho aux nombreuses déclarations de Biden à l'effet que « la démocratie est le gouvernement ». Elle dit : « Alors que nous allons de l'avant, faisons le travail que la démocratie exige. Mettons-nous au travail, travaillons ensemble pour le peuple. »

La séparation entre le peuple, les gouvernés et les gouvernants est évidente. Les gouvernants constituent le « nous » et le « faisons », comme dans « mettons-nous au travail ensemble pour le peuple », fait référence au gouvernement.

La chose qui préoccupe le plus des millions de personnes dans le monde lorsqu'il est question de démocratie n'est pas de défendre des personnes comme Biden ou Trudeau ou leurs rivaux au pouvoir ou leurs homologues dans d'autres pays. Les gens sont parfaitement conscients de qui décide de tous les sujets de préoccupation lorsqu'il s'agit de questions liées à l'économie et à tout ce que cela implique, à la guerre et à la paix, à la politique, à la culture et au sort même de l'environnement naturel et social. Ce sont les peuples qui paient le prix de cette régression et ils entendent l'appel de l'époque à faire place au renouveau.

Face à l'affrontement entre les conditions concrètes et l'autorité, les efforts visant à arrêter la progression de la démocratie sont vains, ce qui rend la situation actuelle très dangereuse aux mains d'une classe dirigeante belliciste. Dans son discours de clôture du Sommet de la démocratie, Biden a remercié tout le monde d'avoir « renouvelé notre attachement aux valeurs communes qui sont à la base de notre force nationale et internationale ». Ce sont précisément ces valeurs pro-guerre et antisociales que l'élite dirigeante a du mal à promouvoir et à justifier parce qu'elles ne s'accordent pas avec les conditions et sont rejetées, tout comme les institutions qui les défendent. Se concentrant à nouveau sur le vote et les valeurs des riches, Biden a déclaré :

« Nous affirmons les valeurs démocratiques qui sont au coeur de notre système international et qui ont été les éléments fondateurs – depuis des décennies – de la croissance et de la prospérité mondiales. »

L'autre chaussure est ensuite tombée lorsqu'il a affirmé le rôle des États-Unis à décider qui respecte et qui ne respecte pas ces valeurs. « Nous sommes déterminés à travailler avec tous ceux qui partagent ces valeurs pour définir les règles du jeu qui régiront nos progrès au XXIe siècle », a déclaré Biden.

Ces valeurs sont inscrites dans la Constitution des États-Unis et dans d'autres textes similaires fondés sur la même théorie du contrat social, qui crée une personne fictive qui se tient prétendument au-dessus de la mêlée et qui peut tout régler si vous suivez le code de la route.

(Photos : J. Noor, B. Lander)


Cet article est paru dans

Volume 52 Numéro 1 - 9 janvier 2022

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