La bataille de la démocratie


Les fermiers indiens discutent et décident leur ligne de marche pour défendre leurs droits lors de réunions de masse, celle-ci à Muzaffarnagar, le 5 septembre 2021.

Lors du sommet pour la démocratie de Joe Biden et depuis lors, on ne cesse de répéter que les États-Unis sont le bastion de la démocratie. S'il ne fait aucun doute que plusieurs ont tout de suite reconnu l'imposture de l'affirmation des États-Unis, il est possible qu'ils n'aient pas réalisé la fraude qui existe en ce qui concerne la démocratie elle-même. Joe Biden a reconnu que les peuples du monde sont très mécontents des « gouvernements démocratiques qui, selon eux, ne répondent pas à leurs besoins ». Les batailles pour la démocratie font rage aux États-Unis et dans le monde entier, comme celles pour des soins de santé pour tous et tout ce qu'il faut pour combattre la COVID-19, pour la justice et la responsabilité, la paix et la fin des guerres agressives et des sanctions, l'affirmation des droits des femmes, des autochtones, des réfugiés, des travailleurs, des jeunes, des agriculteurs et d'autres. Les peuples du monde sont effectivement mécontents des gouvernements existants, de leurs échecs et de leurs dysfonctionnements.

Les luttes des peuples vont au-delà de la défense des droits dans le cadre des démocraties libérales existantes. Elles abordent la qualité et le caractère de la démocratie elle-même, c'est-à-dire la bataille de la démocratie. Cette bataille est entrée dans une nouvelle phase, en raison de la résistance organisée croissante et de la conscience des peuples qu'ils ont besoin d'exercer un contrôle direct sur les décisions qui sont prises en leur nom. Qu'ils pourraient faire un bien meilleur travail de gouvernance. La volonté et l'initiative de Joe Biden visent la mise sur pied de différentes formes et règles pour bloquer la lutte du peuple pour contrôler les décisions qui l'affectent.

Un des principaux problèmes auxquels Joe Biden fait face est qu'en s'efforçant de perpétuer la vieille démocratie américaine usée et sa constitution, il tente de frauder l'histoire, de détourner la marche en avant de l'histoire qui exige des définitions modernes de la démocratie et des formes et des structures conformes aux temps modernes. Il ignore le conflit existant entre les conditions de vie de la majorité et l'autorité exercée par et pour les riches. Les conditions exigent la fin de l'autorité actuelle des dirigeants et une démocratie qui est la création du peuple, dans laquelle c'est le peuple qui décide. La fraude qui est perpétrée n'est pas uniquement que les États-Unis ou l'Inde, la Grande-Bretagne, la France, le Canada et d'autres, n'assurent pas et ne peuvent pas assurer les droits humains mais qu'ils essaient de préserver un système dont la raison d'être est de bloquer l'effort de l'humanité pour créer des autorités de gouvernance qui sont conformes aux conditions d'aujourd'hui, à la grande avancée de l'humanité en fait de forces productives humaines et de sa capacité à humaniser l'environnement naturel et social et à créer des sociétés qui sont faites pour l'être humain.

La bataille de la démocratie est entrée dans une phase nouvelle, car la démocratie actuelle des dirigeants est non seulement non viable mais elle entraîne rapidement le monde dans une direction rétrograde et sombre de guerres plus grandes et de destructions plus grandes de l'environnement humain et naturel.

L'ancien n'a pas d'avenir. Cela terrifie les dirigeants qui utilisent tout leur pouvoir pour échapper à l'histoire. La bataille de la démocratie reconnaît qu'il est temps de faire place au Nouveau, comme de nouvelles constitutions qui créent des arrangements et des sociétés constituées dans l'intérêt du peuple. Pour faire place au Nouveau, il faut régler ses comptes avec l'ancien, en particulier avec les anciennes formes et les anciens concepts de démocratie inscrits dans les institutions et les constitutions existantes.

Ce n'est pas un hasard si Joe Biden a choisi d'appeler son projet « Initiative présidentielle pour le renouveau démocratique ». Il ne vise pas seulement les autorités existantes et ne cherche pas seulement à mettre en place des formes d'organisation différentes. Il vise également la pensée et la conception du monde des peuples qui cherchent à affirmer leur droit d'être; leurs revendications de plus en plus pressantes pour que leurs droits soient assurés et que les gouvernements qui refusent de le faire soient démis. Il tente de saper le travail effectué par les forces combattantes qui représentent les intérêts du peuple des États-Unis de même qu'à l'étranger et dont les réclamations à ce qui leur appartient de droit mettent de l'avant des conceptions modernes de démocratie et d'égalité, des définitions modernes de droits qui appartiennent aux humains parce qu'ils sont des êtres humains et qui humanisent l'environnement naturel et social et ouvrent la voie au progrès.

Par exemple, les États-Unis font constamment la promotion de concepts comme « nous le peuple » et que la démocratie américaine est un gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cette formulation est promue à l'échelle mondiale et est souvent reprise par ceux qui luttent pour la démocratie. En fait, la pression est telle que « du peuple, par le peuple et pour le peuple » est présenté comme l'objectif de la bataille de la démocratie. Cela présente un problème parce que cette formulation fournit un point de référence à la démocratie existante de type américain. Elle provient d'un discours de Lincoln pendant la guerre civile, à Gettysburg. En tant que point de référence, elle sert à renforcer que c'est cette démocratie de type américain qui ne doit pas « disparaître de la terre », comme l'a dit Lincoln. Elle cherche à diviser le peuple en l'amenant à décider ce qui est et qui est légitimement démocratique en prenant la démocratie de type américain comme le modèle et la règle du jeu.

Une partie du problème est que « le peuple » et « le gouvernement par le peuple » ne sont pas définis. L'impression est donnée que « nous, le peuple », fait référence à la majorité. Mais tant dans la forme que dans le contenu dans les démocraties libérales existantes, ce n'est pas le cas. Joe Biden, par exemple, a déclaré à plusieurs reprises que « le gouvernement, c'est nous le peuple ». C'est le gouvernement qui gouverne, et c'est le peuple qui est gouverné. Lors du sommet, la vice-présidente Kamala Harris s'est exprimée de manière similaire. Elle a déclaré : « La démocratie, c'est le peuple. Et la démocratie est notre meilleur espoir. Alors, à mesure que nous avançons, faisons le travail que la démocratie exige. Mettons-nous au travail, travaillons ensemble pour le peuple. »

Tous deux indiquent clairement qu'il existe une séparation entre le peuple, entre les gouvernés et les gouvernants. Ceux qui gouvernent, le « nous » et le « travaillons ensemble » dont il est question, sont le gouvernement : « Travaillons ensemble pour le peuple ». De cette manière, les efforts modernes des peuples pour que la démocratie soit une démocratie du peuple sont bloqués. Il est clair qu'une démocratie du peuple doit investir le peuple lui-même du pouvoir de gouverner et de décider, et non les représentants des riches.

La notion qui est promue est que cette séparation entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés ne peut être surmontée. Le gouvernement est considéré comme une entité qui domine la grande majorité, et non comme une entité contrôlée par elle et responsable devant elle.

(Photos : Kisan Ekta Morcha, X. Campbell)


Cet article est paru dans

Volume 52 Numéro 1 - 9 janvier 2022

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