La loi du développement inégal et le calcul des forces des puissances rivales
- Centre d'études
idéologiques -
La
prétention à la supériorité des États-Unis
comprend le rôle des forces armées et la
création de leur bureaucratie militaire,
qui ont tous deux connu un important
développement durant et après la Deuxième
Guerre mondiale, et cela comprend les
forces productives et la bureaucratie
massive nécessaires à la construction
d'armes nucléaires. L'appareil de la
sécurité nationale est également formé,
dont la CIA, le département de la Défense,
le Conseil de sécurité nationale et le
Comité des chefs d'état-major interarmées
représentant toutes les branches des
Forces armées dans un effort pour les
unir. La justification donnée à l'époque
était que pour fonctionner dans un ordre
international, il est nécessaire de
pouvoir donner une mesure précise des
forces de toutes les puissances rivales en
présence. Tout doit être rendu d'une
certaine manière intelligible, ou
mesurable, afin d'effectuer le calcul des
forces relatives de toutes les puissances
Ces efforts pour calculer les forces sont
la réponse des États-Unis à une loi du
développement social indépendante de leur
volonté, la loi du développement inégal.
Lénine a dit que toutes les puissances
font un calcul de la force relative de
toutes les autres puissances et
d'elles-mêmes. Il faut que ce soit quelque
chose que l'on puisse calculer, en
utilisant des choses comme les niveaux de
productivité, les forces armées, la force
morale, etc. En faisant de tels calculs,
les dirigeants sont confrontés à ce qui
est nécessairement une mesure de la force
qui est inégale en raison des
développements historiques, du
développement économique inégal et
d'autres choses qui sont indépendantes de
leur volonté. Il s'agit d'une manière
différente d'envisager la question,
différente par exemple de ce que disent
les études publiées aujourd'hui par le
Quincy Institute on Responsible
Statecraft, qui affirme que les États-Unis
ont planifié avant même la Deuxième Guerre
mondiale de devenir une superpuissance
mondiale. Ces groupes de réflexion donnent
tous des considérations différentes sur
les objectifs de la politique américaine,
ce qui n'a rien à voir avec ce que les
États sont obligés de faire,
indépendamment de leur volonté, à savoir
trouver une mesure de la force des
puissances rivales en présence et des
moyens de tester cette mesure. Un des
principaux moyens utilisés pour tester
cette mesure est la politique du bord de
l'abîme de la corde raide. La politique du
bord de l'abîme désigne la pratique d'un
pays consistant à pousser un autre pays ou
un conflit dangereux jusqu'aux limites
pour déterminer les réactions et dans
l'espoir d'obtenir le résultat qu'il
considère comme lui étant le plus
favorable.
Les conceptions de la sécurité nationale
et de l'intérêt national développées par
les États-Unis ne sont pas fondées sur la
souveraineté des nations, grandes ou
petites, ou sur des normes similaires de
l'ONU, mais sur un ordre international
fondé sur des règles. Les idéaux élevés de
paix, de démocratie, de droits humains et
de prospérité économique ne peuvent plus
dissimuler la déclaration ouverte
d'intention des États-Unis de dominer,
quelles que soient les tensions qui en
résultent. La politique du bord de l'abïme
présente un danger très réel d'éclatement
de guerres. C'est la base de la conception
du droit de se défendre promue non
seulement par l'OTAN mais aussi par les
États-Unis et Israël, qui leur sert à
justifier leur place au sein de leur
soi-disant ordre international fondé sur
des règles.
Pour
l'opinion publique mondiale, ces
prétentions n'ont aucun sens. Par exemple,
les conventions internationales et le
droit international indiquent clairement
que l'occupant ne peut prétendre au droit
de se défendre contre l'occupé. Par
exemple, en ce qui concerne Israël,
l'opinion publique mondiale le reconnaît,
notamment que les colonisés ont le droit
de s'opposer aux colonisateurs en
utilisant la force.
Si l'opinion publique mondiale est
d'accord avec une norme morale selon
laquelle l'occupant ne peut prétendre à la
légitime défense contre l'occupé, c'est
que l'opinion publique est d'accord avec
une norme établie, une norme qui s'oppose
également au génocide. Les États-Unis et
Israël, par une logique perverse,
insistent au contraire sur le fait qu'ils
ont le droit de se défendre sur la base de
leur ordre international fondé sur des
règles. Ils disent qu'il y a des règles
qui sont censées être indépendantes de
l'opinion publique. C'est comme dire
qu'une règle qui mesure la longueur ou une
horloge qui donne une mesure précise du
temps ne compte pour rien. Mais le fait
demeure que les mesures de longueur, du
temps ou de distance ne sont pas une
question d'opinion, elles existent en tant
que norme publique, bien que les normes
puissent différer selon les pays, les
traditions et ainsi de suite, qui nous
donnent des hectares ou des arpents et
ainsi de suite. Les États-Unis et Israël
prétendent qu'il existe une règle
indépendante de l'opinion publique, et que
cette règle justifie l'autodéfense contre
ce qu'ils décident de qualifier de menace
« existentielle », une menace future.
L'opinion publique se range du côté de la
Palestine, comme en témoigne la marche pour la
justice en Palestine organisée à Londres dans le
cadre de la journée d'action Resist G7 pour la
justice internationale, le 12 juin 2021.
Antony Blinken affirme également qu'aucun
plan d'action ne peut être déterminé par
la règle, car il y a toujours moyen de
dire que les plans d'action s'accordent
avec la règle. Ce que les États-Unis font
tout le temps. Quelle que soit la manière
dont ils décident du bien-fondé de choses
comme le droit de se défendre, leurs
actions sont toujours conformes à la
règle, mais les actions des autres ne le
sont pas. C'est ce qu'on appelle pratiquer
le deux poids, deux mesures. La réponse
donnée par les États-Unis aux accusations
de deux poids, deux mesures est que si
tout peut être considéré comme étant en
accord avec la règle, tout peut également
être considéré comme étant en conflit avec
elle. La conclusion valide est qu'il
n'existe pas d'accord avec la règle ou de
règle elle-même, car elle est toujours ce
que décident ceux qui sont en position de
juger. Ceci est amplement évident dans les
actions des États-Unis envers la Palestine
ainsi que dans les morts aux mains de la
police chez eux, et les décisions de ne
pas inculper les membres d'une force de
police et les agences de police
impliquées, etc. Cela se voit également
dans les autres pays qui utilisent des
arguments et suivent des politiques basés
sur cette logique impérialiste.
Le monde a établi la norme que
l'occupant, comme Israël, ne peut pas
invoquer le droit de se défendre contre
ceux qui sont occupés. La perversion des
États-Unis, en tant que dirigeant
utilisant les règles américaines, consiste
à dire que l'occupant peut invoquer le
droit de se défendre. Les États-Unis font
cela depuis la Deuxième Guerre mondiale.
La création de la CIA, des bureaucraties
militaires, etc. font toutes partie de
leur soi-disant ordre international basé
sur des règles.
Cette perversion remonte à 1945 et à la
période de la guerre froide. La conception
donnée par les cercles qui établissaient
ce soi-disant ordre international fondé
sur des règles et bâtissaient le complexe
militaro-industriel, omet délibérément
toute mention de la défaite du fascisme,
de sa signification et de son effet sur
les développements mondiaux. C'est une
conception anhistorique. Les dirigeants
américains s'aperçoivent que la
militarisation de l'économie implique un
complexe, qui est une caractéristique
spéciale de la vie dont on dit qu'elle
s'étend à toutes les cellules de la vie.
Le président Eisenhower l'a exprimé ainsi
en 1961, après que ce complexe ait été
établi : « Cette conjonction d'une immense
institution militaire et d'une grande
industrie de l'armement est nouvelle dans
l'expérience américaine. Son influence
totale, économique, politique, spirituelle
même, est ressentie dans chaque ville,
dans chaque parlement d'État, dans chaque
bureau du gouvernement fédéral. Nous
reconnaissons le besoin impératif de ce
développement. »
Les cercles dirigeants ont décidé qu'un
vaste establishment était nécessaire pour
poursuivre le développement des armes
nucléaires, pour devenir une
superpuissance. Les États-Unis ont dit que
le complexe militaro-industriel-civil a
été mis en place à cause des défis posés
par l'URSS. Leur soi-disant ordre fondé
sur des règles découle de la complexité de
ce complexe militaro-industriel impliquant
la fusion des forces armées et de ce qui
devient une énorme bureaucratie militaire,
avec l'industrie, qui a elle-même fusionné
avec les institutions internationales du
capital financier issues de la Deuxième
Guerre mondiale, comme le Fonds monétaire
international et la Banque mondiale.
Faisant référence à la fusion pour le
développement du capital financier, qui
est elle-même une fusion du capital
industriel et bancaire, un économiste
plaisantait en disant que le FMI et la
Banque mondiale avaient un bureau au
sous-sol du Pentagone. C'est tout cela qui
en a fait un complexe. C'est ce complexe
qui doit être contrôlé en termes
d'influence dans ce qu'Eisenhower appelait
les conseils du pouvoir.
On cite souvent Eisenhower disant qu'il
était opposé au complexe
militaro-industriel. Il parle en fait de
la façon dont il doit être contrôlé, de la
façon dont la lutte des factions rivales
au sein de ce complexe doit être
contrôlée. Il le place également dans le
contexte de la sécurité nationale et du
désinvestissement des peuples du pouvoir.
Il dit : « Dans les assemblées du
gouvernement, nous devons donc nous garder
de toute influence injustifiée, qu'elle
ait ou non été sollicitée, exercée par le
complexe militaro-industriel. Le risque
potentiel d'une désastreuse ascension d'un
pouvoir illégitime existe et persistera.
Nous ne devons jamais laisser le poids de
cette combinaison mettre en danger nos
libertés et nos processus démocratiques.
Nous ne devrions jamais rien prendre pour
argent comptant. Seule une communauté de
citoyens prompts à la réaction et bien
informés pourra imposer un véritable
entrelacement de l'énorme machinerie
industrielle et militaire de la défense
avec nos méthodes et nos buts pacifiques,
de telle sorte que sécurité et liberté
puissent prospérer ensemble. » C'est le
même sens que lui donne Joe Biden quand il
dit « nous, le peuple », sommes le
gouvernement.
La conception imposée aux peuples est
qu'il existe une opinion supérieure et un
jugement supérieur qui peuvent être émis
par ceux qui sont supérieurs et que leur
jugement doit être accepté. Cette
conception est couramment utilisée lorsque
des secrets d'État sont invoqués, que des
allégations d'espionnage sont formulées ou
que des assassinats ciblés sont perpétrés,
le tout au nom de la sécurité nationale.
(Photos : J. Jezek,
Stop the War, Frinds of Al Aqsa, A.
Hadi, Brighton Palestine Solidarity
Campaign)
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 14 - 14 juin 2021
Lien de l'article:
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