Les États-Unis intensifient leurs préparatifs de guerre contre la Chine tandis que l'OTAN étend son emprise jusqu'en Asie-Pacifique
- Steve Ruchinski et Phillip
Fernandez -
D'ici la fin de l'été, les États-Unis préparent
le plus important exercice de guerre naval depuis
une génération. Il se nomme simplement « Large
Scale Exercice 2021 » (Exercice à grande échelle
2021) et son théâtre des opérations couvrira à la
fois l'Europe et l'Asie-Pacifique. Près de 25 000
effectifs des États-Unis, de l'OTAN et de la
région du Pacifique y seront déployés ainsi que
des porte-avions, des sous-marins, des aéronefs et
des vaisseaux sans équipage. Les Marines
américains commanderont les opérations de
l'Asie-Pacifique. Dire que les dirigeants
politiques réunis au Sommet de l'OTAN le 14 juin
préparent une guerre mondiale ne suffit pas à
souligner la gravité de la situation.
L'Australie, le Japon, la République de Corée
(RdC) et la Nouvelle-Zélande sont des «
partenaires de l'OTAN » depuis quelque temps déjà
et, en décembre 2020, ont participé pour la
première fois à une réunion ministérielle des
Affaires étrangères de l'OTAN. L'expansion
mondiale du théâtre des opérations de l'OTAN est
un élément clé d'Objectif OTAN 2030, non seulement
dans la région de l'Asie-Pacifique, mais aussi en
Afrique et en Amérique latine.
Les États-Unis sont derrière cet ordre du jour
mais d'autres puissances de l'OTAN ont leurs
propres intérêts à vouloir étendre leurs activités
jusque dans la région de l'Asie-Pacifique, et
elles le font soit de façon indépendante ou de
concert avec d'autres États membres de l'OTAN.
Bien sûr, on prétend que tout est fait au nom des
« droits de la personne », de défendre un « ordre
international fondé sur les règles », la «
primauté du droit », ainsi de suite. En réalité,
on assiste plutôt à une démarche des démocraties
libérales qui font partie intégrante du systèmes
des États impérialistes, avec l'impérialisme
américain en tant que puissance « indispensable »,
qui cherchent à soumettre le monde, et en
particulier la Chine et la Russie, au diktat
américain et aux intérêts occidentaux.
L'Association
canadienne pour l'OTAN (ACPO), qui fait partie de
l'aile politique de l'OTAN, l'a affirmé de façon
éhontée dans un récent article. Elle écrit : « Le
président Biden affirme que la concurrence avec la
Chine est une mesure qui s'impose pour que la
démocratie, la primauté du droit et un système
économique fondé sur les règles puissent
essentiellement continuer d'agir pour la stabilité
et la paix. Néanmoins, la stratégie des États-Unis
vise aussi à satisfaire l'orgueil démesuré des
États-Unis et leurs efforts pour conserver le
prestige hégémonique qu'ils ont toujours dans la
région indo-pacifique et à l'échelle mondiale. »
L'ACPO a aussi souligné que le Royaume-Uni tente
aussi de consolider ses ententes de sécurité avec
le Japon, Brunei et les anciens États coloniaux
dans l'Asie du Sud-Est et dans la région du
Pacifique occidental, tandis que la France invoque
ses territoires d'outre-mer (Mayotte, La Réunion,
la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française)
pour prêter légitimité à l'expansion de sa
présence militaire et à ses revendications de
souveraineté territoriale dans la région
indo-pacifique.
À peine avait-il été assermenté que le président
Biden a commencé à intensifier les préparatifs de
guerre des États-Unis contre la Chine. Dès leurs
premiers voyages internationaux, les représentants
du cabinet de Biden, le secrétaire d'État Antony
Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd
Austin, ont visité en mars le Japon et la Corée du
Sud, un volet de leur tournée anti-Chine qui a
mené au Sommet en Alaska avec les représentants
gouvernementaux hauts-placés de la République
populaire de Chine.
Avant la tournée, le 12 mars, il y a eu une
réunion virtuelle des chefs d'État du Dialogue
quadrilatéral pour la sécurité (DQS) nommé
communément le Quad, composé des États-Unis, de
l'Inde, de l'Australie et du Japon, où Biden a
obtenu un engagement renouvelé à « l'esprit du
Quad ». Jusqu'ici, il s'agit d'une alliance
informelle, initiée en 2007. Cependant, lorsque
Mike Pompeo était secrétaire d'État, il avait
rencontré les membres du Quad pour les inciter à
devenir un « OTAN asiatique » ayant « des
objectifs géopolitiques et de sécurité partagés. »
En mars, le secrétaire d'État Blinken a annoncé
très clairement, avant d'entreprendre sa tournée,
ce que les États-Unis entendent par préserver un «
ordre international fondé sur les règles ». Il a
dit : « La Chine est le seul pays qui a la
puissance économique, diplomatique, militaire et
technologique voulue pour sérieusement mettre en
péril un système international stable et ouvert —
toutes les règles, valeurs et relations qui
font en sorte que le monde fonctionne tel que
nous le voulons. » (notre souligné)
Le 16 mars, au Japon, Blinken et Austin ont
souligné que les États-Unis et le Japon
travailleront ensemble pour contrer les efforts
déstabilisateurs de la Chine. La Chine, ont-ils
dit, a recours à la coercition et à l'agression
contre Hong Kong et Taïwan. Elle va à l'encontre
des droits de la personne à Xinjiang et au Tibet,
et elle fait des revendications maritimes dans la
Mer de Chine méridionale en violation du droit
international. Le Japon s'est avancé pour soutenir
les États-Unis en réitérant leurs accusations «
d'actes agressifs de la Chine dans le détroit de
Taïwan » ainsi que leurs revendications
territoriales dans la Mer de Chine méridionale.
Les déclarations faites suite à leur escale en
RdC ont été moins acerbes, de la part de la RdC du
moins, mais la formulation subtile et les efforts
pour ne pas parler de l'ingérence directe dans les
affaires de la Chine n'ont pas échappé à
l'attention de cette dernière.
Au sommet tenu en Alaska, qui a inclus la
participation de Yang Jiechi, membre du Bureau
politique du Parti communiste de Chine et
directeur du Groupe dirigeant central des Affaires
étrangères, et du ministre chinois des Affaires
étrangères Wang Yi, Blinken et Austin se sont
donnés en spectacle devant les médias en
confrontant et en sermonnant la Chine. Le Conseil
de l'Atlantique, un groupe de réflexion qui fait
partie de l'aile politique de l'OTAN,, a salué
leurs prestations comme étant essentiel pour que
l'administration Biden fasse comprendre à la Chine
que les États-Unis « agissent en position de force
».
Les représentants chinois, cependant, ont répondu
qu'« en présence des représentants chinois, les
États-Unis ne sont pas aptes à parler à la Chine
en position de force ». Le premier ministre des
Affaires étrangères, Wang, a dit : « La vieille
habitude d'un comportement hégémonique de la part
des États-Unis qui cherche à s'ingérer
volontairement dans les affaires internes de la
Chine doit changer ». Les médias chinois ont
décrit le Sommet en Alaska comme « une
confrontation ouverte sans précédent entre la
Chine et les États-Unis » à laquelle « l'histoire
accordera sans doute une grande importance ».
Les efforts « diplomatiques » de Biden en mars
ont immédiatement été suivis par de nombreux
exercices militaires dans la région. Les forces
navales des pays du Quad se sont réunis pour la
première fois du 5 au 7 avril pour un exercice
portant le nom de La Pérouse, dirigé par
la marine française. Cet exercice a été décrit de
la même façon, comme quoi il visait à manifester «
les valeurs partagées par des marines amicales
veillant à la sécurité maritime et manifestant un
engagement à un ordre international fondé sur les
règles, incluant la région indo-pacifique ».
Et pourtant, au lendemain même de La Pérouse,
le 7 avril, le commandant de la Septième flotte
américaine a publié un communiqué de presse
déclarant : « L'USS John Paul Jones
a affirmé ses droits et libertés de navigation à
approximativement 130 miles nautiques à l'ouest de
l'archipel de Lakshadweep à l'intérieur de la zone
économique exclusive de l'Inde (ZEE) sans demander
à l'Inde son consentement préalable, conformément
au droit international » et que c'était fait
intentionnellement pour contester les «
revendications maritimes excessives » de l'Inde.
Selon les médias indiens, le gouvernement indien a
été estomaqué que les États-Unis aient publié un
tel communiqué de presse.
Bien que les États-Unis aient fréquemment mené de
la surveillance et recueilli des renseignements
dans la ZEE de l'Inde, c'était la première fois
qu'une déclaration publique avait été faite par
les États-Unis pour justifier un acte d'agression
dans le but de contester les revendications de
souveraineté d'un pays sur ses propres eaux
territoriales. Il faut mentionner que l'Inde est
signataire de la Convention des Nations unies sur
le droit de la mer (UNCLOS) en 1995. L'UNCLOS
stipule que « les dispositions de la convention
n'autorise pas d'autres États à mener dans la zone
économique exclusive ni sur le plateau continental
des exercices ou des manoeuvres militaires, en
particulier lorsque des armes ou explosifs sont
utilisés sans le consentement de l'État côtier. »
Les États-Unis n'ont pas signé l'UNCLOS,
déclarant qu'il n'était pas dans leur intérêt
national de le faire. Le protocole de Liberté de
navigation du département de la Défense des
États-Unis déclare que , qu'il s'agisse d'amis ou
d'ennemis, « le département de la Défense conteste
les revendications maritimes excessives mises de
l'avant par un grand nombre d'États côtiers, y
compris alliés, partenaires, ainsi que d'autres
nations à l'échelle mondiale, dans le but de
maintenir la mobilité mondiale des forces
américaines ».
Ce n'est qu'un exemple de comment « l'ordre
international fondé sur les règles » que défendent
les États-Unis et l'OTAN est en violation du droit
international. Les règlements sont fabriqués de
toutes pièces par les États-Unis « pour que le
monde fonctionne tel que nous le voulons ».
À la mi-avril, le Groupe d'attaque aéronaval USS
Theodore Roosevelt et le Groupe
d'intervention amphibie de l'île Makin de la
Flotte américaine du Pacifique ont mené des «
opérations de force de frappe expéditionnaires »
dans la Mer de Chine méridionale. L'opération
était d'une telle ampleur qu'elle a été perçue par
toute l'Asie comme une provocation majeure contre
la Chine. La Chine a répondu du tac au tac en y
menant ses propres exercices.
En plus de l'exercice navale française auquel les
pays du Quad ont participé pour la première fois,
la Grande-Bretagne aussi intensifie sa présence
militaire dans la région de l'Asie-Pacifique. Le
1er mai, le Groupe d'attaque aéronaval du
Royaume-Uni est parti joindre le « Exercise Strike
Warrior » de l'OTAN dans la Mer du Nord, dans
lequel ont participé 20 navires de guerre, trois
sous-marins et 150 aéronefs provenant de 11 pays,
après quoi il est parti vers l'Asie-Pacifique. Le
secrétaire britannique de la Défense Ben Wallace,
a dit : « Lorsque notre Groupe d'attaque aéronaval
mettra les voiles, ils arborera le drapeau de la
Grande-Bretagne mondiale en tant qu'expression de
notre influence et symbole de notre puissance et
de notre engagement envers nos amis comme quoi
nous relèverons les défis à la sécurité
d'aujourd'hui et de demain et, ce faisant, le
Royaume-Uni ne fait aucun pas en arrière mais
vogue de l'avant, jouant un rôle actif à façonner
le système international du XXIe siècle. »
La levée des
directives sur les missiles, résultant du sommet
entre Biden et Moon en mai, est l'expression d'une
autre escalade des préparatifs de guerre des
États-Unis. La RdC n'a plus à se soumettre à
aucune restriction en ce qui concerne la portée et
le calibre des systèmes de missiles. C'est ce que
la Rand Corporation, un autre « groupe de
réflexion » belliciste américain, met de l'avant
comme pierre angulaire de la politique sur la
Corée de Biden. Rand Corp a publié un article au
début de cette année, faisant la recommandation
suivante : « La réponse des États-Unis et de la
RdC doit être de rehausser leur crédibilité
concernant la dissuasion en : 1) retardant le
transfert du contrôle opérationnel en temps de
guerre (OPCON) [ce qui voudrait dire que les
États-Unis maintiendraient le contrôle de tous
les systèmes de missiles de la RdC — note de la
rédaction] et 2) mettant en oeuvre le
système de défense de missiles antiballistiques et
d'autres formes de défense. Cependant, si ces deux
réponses concertées ne réussissent pas, la RdC
pourrait devoir envisager de développer et de
déployer ses propres capacités en matière d'armes
nucléaires ».
Un critique des affaires internationales, Kim
Myong Choi, a succinctement fait valoir que la
communauté internationale devrait s'inquiéter des
graves actes de provocation menés aux vu et au su
de tous par les États-Unis plutôt que de
s'acharner sur les mesures que la République
populaire démocratique de Corée (RPDC) est forcée
de prendre pour se défendre contre l'agression
américaine. La RPDC souligne que les États-Unis et
la RdC ont mené 110 exercices de guerre d'ampleurs
variables en 2018, plus de 190 en 2019, et 170 en
2020.
Depuis l'investiture de Biden, les préparatifs de
guerre des États-Unis contre la Chine, en
particulier dans la région de l'Asie-Pacifique,
s'intensifient et représentent un danger à la paix
et la sécurité de la région et du monde. Les
platitudes au sujet d'un « ordre international
fondé sur les règles » ne sont rien de moins
qu'une version de « la loi du plus fort ». Nous
devons intensifier la lutte contre le danger de
guerre, affirmer le droit d'être de toutes les
nations et de tous les peuples du monde et la
nécessité de nouvelles relations internationales
fondées sur un internationalisme prolétarien
moderne.
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 14 - 14 juin 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/LS51143.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|