Les États-Unis intensifient leurs préparatifs de guerre contre la Chine tandis que l'OTAN étend son emprise jusqu'en Asie-Pacifique

D'ici la fin de l'été, les États-Unis préparent le plus important exercice de guerre naval depuis une génération. Il se nomme simplement « Large Scale Exercice 2021 » (Exercice à grande échelle 2021) et son théâtre des opérations couvrira à la fois l'Europe et l'Asie-Pacifique. Près de 25 000 effectifs des États-Unis, de l'OTAN et de la région du Pacifique y seront déployés ainsi que des porte-avions, des sous-marins, des aéronefs et des vaisseaux sans équipage. Les Marines américains commanderont les opérations de l'Asie-Pacifique. Dire que les dirigeants politiques réunis au Sommet de l'OTAN le 14 juin préparent une guerre mondiale ne suffit pas à souligner la gravité de la situation.

L'Australie, le Japon, la République de Corée (RdC) et la Nouvelle-Zélande sont des « partenaires de l'OTAN » depuis quelque temps déjà et, en décembre 2020, ont participé pour la première fois à une réunion ministérielle des Affaires étrangères de l'OTAN. L'expansion mondiale du théâtre des opérations de l'OTAN est un élément clé d'Objectif OTAN 2030, non seulement dans la région de l'Asie-Pacifique, mais aussi en Afrique et en Amérique latine.

Les États-Unis sont derrière cet ordre du jour mais d'autres puissances de l'OTAN ont leurs propres intérêts à vouloir étendre leurs activités jusque dans la région de l'Asie-Pacifique, et elles le font soit de façon indépendante ou de concert avec d'autres États membres de l'OTAN. Bien sûr, on prétend que tout est fait au nom des « droits de la personne », de défendre un « ordre international fondé sur les règles », la « primauté du droit », ainsi de suite. En réalité, on assiste plutôt à une démarche des démocraties libérales qui font partie intégrante du systèmes des États impérialistes, avec l'impérialisme américain en tant que puissance « indispensable », qui cherchent à soumettre le monde, et en particulier la Chine et la Russie, au diktat américain et aux intérêts occidentaux.

L'Association canadienne pour l'OTAN (ACPO), qui fait partie de l'aile politique de l'OTAN, l'a affirmé de façon éhontée dans un récent article. Elle écrit : « Le président Biden affirme que la concurrence avec la Chine est une mesure qui s'impose pour que la démocratie, la primauté du droit et un système économique fondé sur les règles puissent essentiellement continuer d'agir pour la stabilité et la paix. Néanmoins, la stratégie des États-Unis vise aussi à satisfaire l'orgueil démesuré des États-Unis et leurs efforts pour conserver le prestige hégémonique qu'ils ont toujours dans la région indo-pacifique et à l'échelle mondiale. »

L'ACPO a aussi souligné que le Royaume-Uni tente aussi de consolider ses ententes de sécurité avec le Japon, Brunei et les anciens États coloniaux dans l'Asie du Sud-Est et dans la région du Pacifique occidental, tandis que la France invoque ses territoires d'outre-mer (Mayotte, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française) pour prêter légitimité à l'expansion de sa présence militaire et à ses revendications de souveraineté territoriale dans la région indo-pacifique.

À peine avait-il été assermenté que le président Biden a commencé à intensifier les préparatifs de guerre des États-Unis contre la Chine. Dès leurs premiers voyages internationaux, les représentants du cabinet de Biden, le secrétaire d'État Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin, ont visité en mars le Japon et la Corée du Sud, un volet de leur tournée anti-Chine qui a mené au Sommet en Alaska avec les représentants gouvernementaux hauts-placés de la République populaire de Chine.

Avant la tournée, le 12 mars, il y a eu une réunion virtuelle des chefs d'État du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (DQS) nommé communément le Quad, composé des États-Unis, de l'Inde, de l'Australie et du Japon, où Biden a obtenu un engagement renouvelé à « l'esprit du Quad ». Jusqu'ici, il s'agit d'une alliance informelle, initiée en 2007. Cependant, lorsque Mike Pompeo était secrétaire d'État, il avait rencontré les membres du Quad pour les inciter à devenir un « OTAN asiatique » ayant « des objectifs géopolitiques et de sécurité partagés. »

En mars, le secrétaire d'État Blinken a annoncé très clairement, avant d'entreprendre sa tournée, ce que les États-Unis entendent par préserver un « ordre international fondé sur les règles ». Il a dit : « La Chine est le seul pays qui a la puissance économique, diplomatique, militaire et technologique voulue pour sérieusement mettre en péril un système international stable et ouvert — toutes les règles, valeurs et relations qui font en sorte que le monde fonctionne tel que nous le voulons. » (notre souligné)

Le 16 mars, au Japon, Blinken et Austin ont souligné que les États-Unis et le Japon travailleront ensemble pour contrer les efforts déstabilisateurs de la Chine. La Chine, ont-ils dit, a recours à la coercition et à l'agression contre Hong Kong et Taïwan. Elle va à l'encontre des droits de la personne à Xinjiang et au Tibet, et elle fait des revendications maritimes dans la Mer de Chine méridionale en violation du droit international. Le Japon s'est avancé pour soutenir les États-Unis en réitérant leurs accusations « d'actes agressifs de la Chine dans le détroit de Taïwan » ainsi que leurs revendications territoriales dans la Mer de Chine méridionale.

Les déclarations faites suite à leur escale en RdC ont été moins acerbes, de la part de la RdC du moins, mais la formulation subtile et les efforts pour ne pas parler de l'ingérence directe dans les affaires de la Chine n'ont pas échappé à l'attention de cette dernière.

Au sommet tenu en Alaska, qui a inclus la participation de Yang Jiechi, membre du Bureau politique du Parti communiste de Chine et directeur du Groupe dirigeant central des Affaires étrangères, et du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, Blinken et Austin se sont donnés en spectacle devant les médias en confrontant et en sermonnant la Chine. Le Conseil de l'Atlantique, un groupe de réflexion qui fait partie de l'aile politique de l'OTAN,, a salué leurs prestations comme étant essentiel pour que l'administration Biden fasse comprendre à la Chine que les États-Unis « agissent en position de force ».

Les représentants chinois, cependant, ont répondu qu'« en présence des représentants chinois, les États-Unis ne sont pas aptes à parler à la Chine en position de force ». Le premier ministre des Affaires étrangères, Wang, a dit : « La vieille habitude d'un comportement hégémonique de la part des États-Unis qui cherche à s'ingérer volontairement dans les affaires internes de la Chine doit changer ». Les médias chinois ont décrit le Sommet en Alaska comme « une confrontation ouverte sans précédent entre la Chine et les États-Unis » à laquelle « l'histoire accordera sans doute une grande importance ».

Les efforts « diplomatiques » de Biden en mars ont immédiatement été suivis par de nombreux exercices militaires dans la région. Les forces navales des pays du Quad se sont réunis pour la première fois du 5 au 7 avril pour un exercice portant le nom de La Pérouse, dirigé par la marine française. Cet exercice a été décrit de la même façon, comme quoi il visait à manifester « les valeurs partagées par des marines amicales veillant à la sécurité maritime et manifestant un engagement à un ordre international fondé sur les règles, incluant la région indo-pacifique ».

Et pourtant, au lendemain même de La Pérouse, le 7 avril, le commandant de la Septième flotte américaine a publié un communiqué de presse déclarant : « L'USS John Paul Jones a affirmé ses droits et libertés de navigation à approximativement 130 miles nautiques à l'ouest de l'archipel de Lakshadweep à l'intérieur de la zone économique exclusive de l'Inde (ZEE) sans demander à l'Inde son consentement préalable, conformément au droit international » et que c'était fait intentionnellement pour contester les « revendications maritimes excessives » de l'Inde. Selon les médias indiens, le gouvernement indien a été estomaqué que les États-Unis aient publié un tel communiqué de presse.

Bien que les États-Unis aient fréquemment mené de la surveillance et recueilli des renseignements dans la ZEE de l'Inde, c'était la première fois qu'une déclaration publique avait été faite par les États-Unis pour justifier un acte d'agression dans le but de contester les revendications de souveraineté d'un pays sur ses propres eaux territoriales. Il faut mentionner que l'Inde est signataire de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS) en 1995. L'UNCLOS stipule que « les dispositions de la convention n'autorise pas d'autres États à mener dans la zone économique exclusive ni sur le plateau continental des exercices ou des manoeuvres militaires, en particulier lorsque des armes ou explosifs sont utilisés sans le consentement de l'État côtier. »

Les États-Unis n'ont pas signé l'UNCLOS, déclarant qu'il n'était pas dans leur intérêt national de le faire. Le protocole de Liberté de navigation du département de la Défense des États-Unis déclare que , qu'il s'agisse d'amis ou d'ennemis, « le département de la Défense conteste les revendications maritimes excessives mises de l'avant par un grand nombre d'États côtiers, y compris alliés, partenaires, ainsi que d'autres nations à l'échelle mondiale, dans le but de maintenir la mobilité mondiale des forces américaines ».

Ce n'est qu'un exemple de comment « l'ordre international fondé sur les règles » que défendent les États-Unis et l'OTAN est en violation du droit international. Les règlements sont fabriqués de toutes pièces par les États-Unis « pour que le monde fonctionne tel que nous le voulons ».

À la mi-avril, le Groupe d'attaque aéronaval USS Theodore Roosevelt et le Groupe d'intervention amphibie de l'île Makin de la Flotte américaine du Pacifique ont mené des « opérations de force de frappe expéditionnaires » dans la Mer de Chine méridionale. L'opération était d'une telle ampleur qu'elle a été perçue par toute l'Asie comme une provocation majeure contre la Chine. La Chine a répondu du tac au tac en y menant ses propres exercices.

En plus de l'exercice navale française auquel les pays du Quad ont participé pour la première fois, la Grande-Bretagne aussi intensifie sa présence militaire dans la région de l'Asie-Pacifique. Le 1er mai, le Groupe d'attaque aéronaval du Royaume-Uni est parti joindre le « Exercise Strike Warrior » de l'OTAN dans la Mer du Nord, dans lequel ont participé 20 navires de guerre, trois sous-marins et 150 aéronefs provenant de 11 pays, après quoi il est parti vers l'Asie-Pacifique. Le secrétaire britannique de la Défense Ben Wallace, a dit : « Lorsque notre Groupe d'attaque aéronaval mettra les voiles, ils arborera le drapeau de la Grande-Bretagne mondiale en tant qu'expression de notre influence et symbole de notre puissance et de notre engagement envers nos amis comme quoi nous relèverons les défis à la sécurité d'aujourd'hui et de demain et, ce faisant, le Royaume-Uni ne fait aucun pas en arrière mais vogue de l'avant, jouant un rôle actif à façonner le système international du XXIe siècle. »

La levée des directives sur les missiles, résultant du sommet entre Biden et Moon en mai, est l'expression d'une autre escalade des préparatifs de guerre des États-Unis. La RdC n'a plus à se soumettre à aucune restriction en ce qui concerne la portée et le calibre des systèmes de missiles. C'est ce que la Rand Corporation, un autre « groupe de réflexion » belliciste américain, met de l'avant comme pierre angulaire de la politique sur la Corée de Biden. Rand Corp a publié un article au début de cette année, faisant la recommandation suivante : « La réponse des États-Unis et de la RdC doit être de rehausser leur crédibilité concernant la dissuasion en : 1) retardant le transfert du contrôle opérationnel en temps de guerre (OPCON) [ce qui voudrait dire que les États-Unis maintiendraient le contrôle de tous les systèmes de missiles de la RdC — note de la rédaction] et 2) mettant en oeuvre le système de défense de missiles antiballistiques et d'autres formes de défense. Cependant, si ces deux réponses concertées ne réussissent pas, la RdC pourrait devoir envisager de développer et de déployer ses propres capacités en matière d'armes nucléaires ».

Un critique des affaires internationales, Kim Myong Choi, a succinctement fait valoir que la communauté internationale devrait s'inquiéter des graves actes de provocation menés aux vu et au su de tous par les États-Unis plutôt que de s'acharner sur les mesures que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) est forcée de prendre pour se défendre contre l'agression américaine. La RPDC souligne que les États-Unis et la RdC ont mené 110 exercices de guerre d'ampleurs variables en 2018, plus de 190 en 2019, et 170 en 2020.

Depuis l'investiture de Biden, les préparatifs de guerre des États-Unis contre la Chine, en particulier dans la région de l'Asie-Pacifique, s'intensifient et représentent un danger à la paix et la sécurité de la région et du monde. Les platitudes au sujet d'un « ordre international fondé sur les règles » ne sont rien de moins qu'une version de « la loi du plus fort ». Nous devons intensifier la lutte contre le danger de guerre, affirmer le droit d'être de toutes les nations et de tous les peuples du monde et la nécessité de nouvelles relations internationales fondées sur un internationalisme prolétarien moderne.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 14 - 14 juin 2021

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