La Chine comme menace et la fraude des valeurs de l'OTAN
- Margaret Villamizar -
À bruxelle le 13 juin 2021
À la réunion des ministres des Affaires
étrangères de l'OTAN, le 1er juin, consacrée à la
préparation du sommet de Bruxelles, le secrétaire
général de l'Alliance Jens Stoltenberg a souligné
que le programme OTAN 2030 vise à renforcer le
rôle de l'OTAN dans la préservation de l'ordre
international fondé sur des règles, qui, selon
lui, est remis en question par des régimes
autoritaires comme la Russie et la Chine. Pour ce
faire, a-t-il déclaré, il faut renforcer les
partenariats existants et en créer de nouveaux,
notamment en Asie-Pacifique, en Afrique et en
Amérique latine. En d'autres termes, il s'agit
d'étendre le champ d'action de l'OTAN à des
régions situées bien au-delà de l'Atlantique Nord,
aux régions voisines de la Chine et dans des
régions où les États-Unis sèment le trouble en
s'ingérant dans les affaires de la Chine et en lui
disputant agressivement en particulier son
influence et ses marchés.
Le 4 juin, lors d'un événement organisé à
Washington par l'OTAN, le Conseil allemand pour
les relations internationales et la Brookings
Institution, où l'un des principaux sujets de
discussion était la Chine, Jens Stoltenberg a
déclaré que le communiqué qui sera approuvé lors
du sommet contiendra « beaucoup plus de langage
sur la Chine que nous n'en avons jamais eu
auparavant ». Il a affirmé que l'OTAN ne déclarait
pas que la Chine est un adversaire, cependant il
l'a décrite à toutes fins pratiques comme une
menace pour la domination mondiale des États-Unis
et a exhorté les autres membres de l'Alliance à
emboîter le pas aux États-Unis concernant la
Chine, dans l'esprit, sinon la lettre, de
l'article 5 de l'OTAN sur la « défense »
collective, qui stipule qu'une attaque contre un
membre de l'OTAN est une attaque contre tous ses
membres. C'est sur cette base que, peu après les
attentats du 11 septembre 2001, le Canada et
plusieurs pays européens ont été entraînés dans la
guerre des États-Unis en Afghanistan, un acte
d'agression éhonté dans lequel l'agresseur
prétendait agir en légitime défense.
Le secrétaire
général de l'OTAN a voulu souligner l'importance
pour l'Europe et l'Amérique du Nord de travailler
ensemble et de surmonter les divergences qui se
sont particulièrement accentuées pendant la
présidence de Donald Trump. Il a déclaré à
Washington que l'OTAN était devenue « encore plus
précieuse » pour les États-Unis, car c'est un
grand avantage pour eux de ne pas avoir à
affronter seuls les « conséquences sécuritaires »
de la montée de la Chine et du changement de
l'équilibre mondial des forces, mais de pouvoir
compter sur les 29 autres membres de l'alliance à
leurs côtés. (Dans le même ordre d'idées, le
président américain Joe Biden, à son arrivée en
Angleterre le 9 juin, a souligné son soutien à
l'OTAN et s'est démarqué de son prédécesseur dans
son discours devant les troupes américaines
stationnées à la Royal Air Force Mildenhall, en
déclarant qu'au sommet de l'OTAN, il fera
clairement savoir que « l'engagement des
États-Unis envers notre alliance de l'OTAN dans
l'article 5 est solide comme le roc ».)
Dans son plaidoyer en faveur du bellicisme des
États-Unis contre la Chine, Jens Stoltenberg a
parlé du fait que les États-Unis ne sont plus le
chef de file incontesté dans tous les domaines,
que la Chine les dépassera bientôt en termes de
taille de l'économie. Il a ajouté que la Chine
cherchait à contrôler les infrastructures
critiques dans les pays de l'OTAN et dans le monde
entier et qu'elle était à la fine pointe de
certaines des technologies les plus importantes,
notamment certains secteurs de l'intelligence
artificielle et des systèmes autonomes. Il a
également sonné l'alarme en affirmant que la Chine
possède déjà le deuxième plus grand budget de
défense et la plus grande marine et qu'elle
investit lourdement dans les capacités militaires
avancées. Il n'a pas été nécessaire de dire que si
la capacité militaire de la Chine approche celle
des États-Unis, ce serait intolérable pour la
puissance « indispensable » qui dirige l'OTAN. Sur
la base de cette logique belliciste, il est
justifié de renforcer les préparatifs de guerre.
Dans le même ordre d'idées, Jens Stoltenberg a
clairement indiqué que le « partage du fardeau »
reste toujours à l'ordre du jour de l'OTAN, ce qui
signifie que les membres de l'OTAN doivent
continuer d'augmenter leurs budgets militaires
jusqu'à au moins 2 % de leurs dépenses nationales,
peu importe l'ampleur de l'augmentation de leur
dette et de leurs déficits à cause de la pandémie
et des stratagèmes pour payer les riches qui
l'accompagnent, et quelle que soit l'importance de
la revendication des peuples dans leurs pays qui
exigent une réduction, et non une augmentation,
des dépenses militaires.
Les valeurs de l'OTAN
Un autre problème avec la Chine est qu'elle ne
partage pas les valeurs de l'OTAN, a déclaré Jens
Stoltenberg. Les valeurs que l'OTAN affirme
défendre ont été exprimées différemment à
différentes époques et à différentes fins.
Toutefois, en signant le Traité de l'Atlantique
Nord de l'époque de la guerre froide pour devenir
membre de l'OTAN, un pays déclare son engagement à
« sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur
héritage commun et leur civilisation fondés sur
les principes de la démocratie, les libertés
individuelles et le règne du droit ... à favoriser
dans la région de l'Atlantique Nord le bien-être
et la stabilité ...[et] à unir leurs efforts pour
leur défense collective et pour la préservation de
la paix et de la sécurité ».
En fait, l'OTAN n'a
jamais travaillé pour la préservation de la paix
et la sécurité des peuples d'Europe, mais bien
pour établir des structures politiques et
militaires qui prive les peuples de tout pouvoir.
Sa participation à au moins trois guerres
d'agression menées par les États-Unis (contre la
Yougoslavie, l'Afghanistan et la Libye) apporte
toutes les preuves nécessaires pour montrer que
l'OTAN n'est pas une force de paix ou de sécurité.
En ce qui concerne l'état de droit, l'OTAN parle
de moins en moins de la nécessité de défendre le
droit international et l'état de droit, se
référant à la place à sa mission de défendre et de
préserver « l'ordre international fondé sur des
règles ». L'état de droit repose sur des normes
publiques reconnues pour juger de ce qui est
acceptable et de ce qui ne l'est pas, de ce qui
constitue un crime et de la punition qui lui est
associée. La fraude de ce que l'on appelle un «
ordre international fondé sur des règles » est
qu'il y a ceux qui contrôlent les règles et
exercent leur propre pouvoir discrétionnaire sur
ce qui doit être fait pour suivre les règles et
quelles sont les sanctions en cas de non-respect
de celles-ci. Lorsque les États-Unis ou les
États-Unis et l'OTAN se donnent le droit de faire
respecter les règles qu'ils édictent et imposent
aux autres pays, généralement par des mesures
coercitives pouvant aller jusqu'à l'intervention
militaire pour démettre leurs gouvernements, ils
agissent au mépris du droit international. La
défense de l'ordre international fondé sur des
règles, dont l'OTAN a fait la pièce maîtresse de
sa mission, est l'antithèse de l'état de droit et
ne représente rien d'autre que la loi du plus
fort.
Quant à la démocratie que défend l'OTAN, elle
consiste à empêcher tout peuple de s'investir du
pouvoir de décision. Aujourd'hui, alors que la
lutte porte précisément sur investir les peuples
du pouvoir et établir de nouveaux arrangements
afin que les peuples participent à la gouvernance
et à l'orientation de l'économie et de la
politique étrangère de leurs pays en leur faveur,
l'OTAN n'a pas de leçons à donner sur la
démocratie. Dans l'OTAN même, il n'y a pas de
démocratie. L'Alliance prétend que les décisions
prises par le Conseil de l'Atlantique Nord, qui
sont prises sur la base de l'unanimité, sans vote,
et que tous doivent accepter, sont l'« expression
de la volonté collective de tous les pays membres
».
Il est temps de lever le tabou sur la discussion
sur toutes ces questions, notamment sur le rôle de
l'alliance agressive de l'OTAN dans le monde, sur
la question de savoir si le Canada devrait être
membre de l'OTAN ou non et si l'OTAN devrait même
exister. Depuis la fondation de l'OTAN en 1949
jusqu'à aujourd'hui, aucune discussion ou aucun
débat n'a eu lieu au parlement sur ces questions.
L'adhésion du Canada à l'OTAN doit être considérée
comme un fait accompli, point final. Il n'y a pas
non plus de discussion sur le fait que les
décisions qui sont prises par l'OTAN, un organisme
supranational, sont ensuite imposées aux Canadiens
sans aucune participation des députés et encore
moins des Canadiens eux-mêmes.
Les Canadiens, ainsi que les Américains et les
Européens, profitent de la tenue du sommet de
l'OTAN pour organiser des actions et des
événements comme des contre-sommets, afin d'avoir
ces discussions indispensables et faire des plans
pour bâtir un mouvement qui exige que leurs pays
sortent de l'OTAN et le démantèlement de l'OTAN.
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À Bruxelles le 13 juin 2021
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 14 - 14 juin 2021
Lien de l'article:
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