L'emprise du FMI sur l'Amérique latine
- Hedelberto López Blanch -
Le Fonds monétaire international (FMI) a profité
de la grave crise économique, monétaire et sociale
que la pandémie de la COVID-19 a engendrée dans la
plupart des pays de l'Amérique latine et des
Caraïbes pour renforcer son contrôle financier sur
les pays de la région qui ont requis des prêts.
Les données sont renversantes : entre mars et
novembre 2020, le Fonds a fourni 63,74 milliards
de dollars à cette région du monde où le
financement d'urgence du FMI a été le plus
concentré.
Selon les rapports émis par le FMI lui-même, six
dollars sur dix des 102,15 milliards qu'il a
fournis pendant l'année sont allés aux pays
latino-américains, dont la plupart ne recourent
pas aux mécanismes de suspension ou d'allègement
de la dette parce qu'ils sont considérés comme des
pays à revenus moyens.
Dans la région, 21 pays ont obtenu un prêt en mai
l'an dernier, dont trois d'entre eux représentent
80 % de l'argent total. Le Chili a reçu un prêt de
23,93 milliards, la Colombie de 16,948 milliards
et le Pérou de 11 milliards, tous disposant de
crédits flexibles.
Dans les années 1980 et 1990, l'Amérique latine a
fait les frais des conditions sévères que le FMI a
imposées à chaque gouvernement de la région qui a
reçu ses prêts. Aujourd'hui, dans le contexte de
la pandémie, les effets immédiats ne sont pas
encore ressentis, mais cela changera à mesure que
les conditions des prêts le seront.
Récemment, le président mexicain Andrés Manuel
Lopez Obrador a accusé les organisations
internationales comme le FMI et la Banque mondiale
d'être responsables des crises que son pays a
connues ces six dernières années et a ajouté que
la faute la plus grande en revient aux «
gouvernements serviles ».
Il a dit que ces organisations ont forcé les
gouvernements néolibéraux mexicains à signer de
soi-disant lettres d'entente qui ont établi ce que
l'État devait faire, « une violation flagrante de
l'autonomie et de la souveraineté de notre pays ».
Le FMI et la Banque mondiale, a souligné Manuel
Lopez Obrador, ont recommandé que les
gouvernements mexicains privatisent les
entreprises publiques, n'augmentant pas les
emplois, et augmentent les prix des combustibles
servant à produire l'électricité et de l'essence,
des guides que les gouvernements subordonnés ont
mis en oeuvre.
En plus du Chili, de la Colombie et du Pérou, le
Fonds a fourni des prêts par sa méthode de
financement rapide, dont un prêt de 6 milliards de
dollars à l'Équateur, 650 millions à La République
dominicaine, 596 millions au Guatemala, 520
millions à la Jamaïque, 515 millions au Panama,
508 millions au Costa Rica, 389 millions au
Salvador, 327 millions à la Bolivie, 274 millions
au Paraguay et 250 millions aux Bahamas. Les pays
ayant reçu des prêts de moins de 100 millions sont
la Barbade, Sainte-Lucie, la Grenade,
Saint-Vincent-et-les Grenadines et la Dominique.
De cette façon et pendant toute l'année, le FMI a
profité des occasions que la propagation de la
pandémie lui a offertes pour reprendre
l'endettement de la région, après une période
pendant laquelle il avait été rejeté à cause de
son imposition de politiques économiques au
détriment de la vaste majorité dans le monde.
Le Centre de géopolitique latino-américaine
(CELAG) souligne que l'urgence mondiale a engendré
un besoin urgent et non prévu de liquidités
externes de la part des pays latino-américains,
pour faire face non seulement aux dépenses reliées
à la pandémie, mais aussi à la fuite de capital
qui a eu lieu dans la région.
Malheureusement, les gouvernements de plusieurs
de ces pays ont utilisé les prêts pour aider les
grandes compagnies et les grandes entreprises à
faire face à la crise au lieu de s'attaquer aux
sérieux problèmes de la population.
Le FMI et la Banque mondiale sont tous deux des
organisations financières qui ont été créées en
1944, lors de la rencontre de Bretton Woods avant
la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Elles ont
été dominées depuis le début par les États-Unis et
les puissances d'Europe de l'Ouest et elles ont
agi contre les intérêts des peuples.
Les programmes d'ajustement visent à accroître la
confiance des marchés du capital international
dans le pays débiteur. Sans l'approbation du
Fonds, qui agit comme un censeur en déterminant la
volonté et la capacité du pays à payer les coûts
du service de la dette, les portes demeurent
généralement fermées à la fourniture de prêts.
Pour exercer leur contrôle, ces organisations
obligent les pays qui reçoivent cet « avantage » à
se soumettre à des conditions qui vont des
recommandations non obligatoires à des inspections
extrêmes avec imposition de sanctions forcées.
Comme les pays deviennent de plus en plus
endettés, ils sont forcés de se conformer aux
directives financières, économiques et sociales
que ces institutions établissent afin de respecter
ces engagements et de pouvoir ainsi avoir accès à
de nouveaux crédits dont les montants deviennent
impossibles à payer.
C'est ainsi que ces organisations forcent les
gouvernements à promouvoir la privatisation des
entreprises et des services publics, à abaisser
les salaires et les pensions de même qu'à
augmenter les prix de l'eau, de l'électricité et
du carburant.
Ces politiques d'emprunt ont fait en sorte que
si, en 2008, la dette publique interne et externe
de l'Amérique latine atteignait 40 % du produit
intérieur brut, onze ans plus tard, en 2019, elle
atteignait déjà 62 % du PIB.
En conclusion, ce nouvel endettement affectera
encore plus la souveraineté et l'indépendance
économique et politique de plusieurs de ces pays
si leurs gouvernements le permettent.
Hedelberto Lopez Blanch est un journaliste,
auteur et chercheur cubain.
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 8 - 21 mars 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/LS51089.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|