Présentation du Parti marxiste-léniniste du Canada à la Commission des débats des chefs

La Commission des débats des chefs est mandatée par décret pour organiser deux débats des chefs – un en français et un en anglais – pour la prochaine élection générale du Canada. Elle est actuellement engagée dans un processus de consultation « auprès de différents intervenants afin de déterminer les critères de participation » à ces débats. La Commission a écrit à tous les partis politiques enregistrés et admissibles pour « inviter les chefs à lui soumettre la liste des critères qui, selon eux, devraient être pris en compte pour établir si un chef doit être invité à participer aux débats des chefs de la prochaine élection générale fédérale ».

Nous reproduisons ci-dessous la présentation soumise par la dirigeante nationale du Parti marxiste-léniniste du Canada Anna Di Carlo.

15 mars 2021

Le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) est heureux d'avoir l'occasion de présenter son point de vue sur la façon dont les critères d'admissibilité sont déterminés pour les débats télévisés des chefs au niveau fédéral.

La lettre d'invitation du 23 février de la Commission des débats des chefs (la Commission) nous informe que le gouvernement libéral a remis à la Commission le pouvoir de fixer les critères d'inclusion dans les débats. Les libéraux ont modifié le décret CP 2018-1322 à cette fin. Comme la Commission le déclare dans le document Les débats, essentiels à la démocratie : Rapport sur la Commission des débats des chefs de 2019 et l'avenir des débats au Canada, il y avait une préoccupation constante que « le gouvernement est mal placé pour établir des critères de participation aux débats des chefs, étant donné la perception de conflit d'intérêts causé par la participation future du premier ministre aux débats ». Le décret modifié est censé corriger cette irrégularité où le parti au pouvoir décide qui doit être entendu pendant une élection.

L'objectif de la Commission, tel qu'annoncé dans le budget fédéral de 2018, était de « mettre en place un processus selon lequel les débats des chefs fédéraux seraient organisés dans l'intérêt public et renseigneraient mieux les Canadiens sur les partis en lice, leurs chefs et leurs positions politiques ». La Commission devait veiller à l'élimination de « la torsion des règles pour obtenir des avantages politiques » et des « jeux partisans ».

Loin de créer une commission habilitée à faire cela, le décret PC 2018-1322 établit des critères qui maintiennent le caractère exclusif des débats. Trois critères sont établis à l'avance et pour être admissible un parti doit répondre à au moins deux d'entre eux : 1) il doit déjà être représenté à la Chambre des communes; et 2) il doit avoir l'intention de présenter des candidats dans au moins 90 % des circonscriptions; et 3) ses candidats doivent avoir obtenu au moins 4 % du nombre de votes validement exprimés lors de l'élection générale précédente. Le troisième critère s'accompagne de la stipulation que le commissaire aux débats peut inclure un parti qui ne remplit pas deux des trois critères s'il juge qu'il a « une véritable possibilité d'être élu lors de l'élection générale » en se basant sur des sondages et d'autres méthodes, comme cela a été fait pour le Parti populaire du Canada lors de l'élection de 2019.

Suivant ce processus de sélection, quinze des 21 partis enregistrés ont été exclus des débats en 2019.

Le dilemme de la Commission

Nous sommes informés que le but de cette consultation est de donner lieu à une détermination indépendante et impartiale des critères, sans influence ni ingérence du gouvernement. Or, la Commission commence sa lettre d'invitation en citant son mandat fondateur, lequel reste inchangé, notamment le premier préambule du mandat qui stipule : « Attendu qu'il est souhaitable que les débats des chefs soient efficaces et informatifs, qu'ils suscitent l'intérêt et qu'ils profitent de la participation des chefs qui sont les plus à même de devenir premier ministre ou dont le parti politique est le plus à même de remporter des sièges au Parlement ».

Le maintien de ce préambule tourne en dérision l'affirmation que la Commission est désormais indépendante et impartiale, puisqu'il préserve le critère antidémocratique primordial qui conduit à l'exclusion et brime le droit des citoyens de voter en connaissance de cause.

L'article 4 du décret initial est également conservé. Il stipule que « la Commission est guidée par la poursuite de l'intérêt public et par les principes de l'indépendance, de l'impartialité, de la crédibilité, de la citoyenneté démocratique, de l'éducation civique, de l'inclusion et de l'efficacité financière ».

La Commission semble avoir elle-même vu que le préambule et l'article 4 posent un dilemme. Elle affirme : « Ces deux objectifs, l'un favorisant étroitement le premier ministre le plus probable et l'autre reflétant une plus grande inclusion et un plus grand éventail de points de vue, sont quelque peu contradictoires. L'accent mis sur la première option permettrait de réduire le nombre de participants aux débats, peut-être à deux ou à trois dans le contexte canadien. En mettant l'accent sur la deuxième option, la scène serait élargie pour y inclure jusqu'à cinq ou six chefs. »

En présentant la chose comme étant un choix entre « deux ou trois chefs » ou « cinq ou six chefs », la Commission détourne l'attention du fait que les deux options sont basées sur des critères d'exclusion et sont donc antidémocratiques. Ni le préambule, ni les principes directeurs ne reconnaissent le droit à un vote informé.

Même l'inclusion de l'expression « citoyenneté démocratique » comme un « principe » est inquiétante. La Commission n'explique pas ce qu'elle entend par « citoyenneté démocratique » et ne dit pas quels droits démocratiques sont conférés au citoyen selon elle. Par définition, une conception moderne de la citoyenneté reconnaît tous les citoyens comme membres égaux d'un corps politique jouissant de droits égaux, y compris le droit de voter en connaissance de cause. L'ajout de l'adjectif « démocratique » laisse entendre qu'il existerait une autre forme de citoyenneté qui se définit différemment. La Commission affirme cependant que les débats « constituent un point de convergence pour les campagnes, qui peuvent favoriser une citoyenneté démocratique. Ils permettent notamment aux citoyens d'influencer le programme électoral, de s'informer sur les candidats, leurs partis et leurs programmes, de participer à la discussion politique et de se sentir capables de participer au processus électoral. »

http://www.cpcml.ca/francais/Images2020/Slogans/120522-MtlPancarteDevenonslesdecideursCr3.jpgLe processus par lequel les citoyens sont censés être autorisés à faire toutes ces choses n'est pas contrôlé par eux. Nous revenons une fois de plus au dilemme de savoir qui décide de ce qui est bon pour les citoyens et suivant quel critère. En fait, l'expérience a montré que les débats des chefs au Canada sont un mécanisme servant à imposer à l'électorat ce qui est déterminé comme étant « les enjeux » par le consortium médiatique « indépendant » et une poignée de conseillers.

Dans tous les documents liés à la Commission, de l'annonce de la création de la Commission dans le budget 2018, au décret et au rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre donnant son appui à la formation de la Commission, en passant par le rapport post-débat de la Commission, nous ne trouvons qu'une seule référence au droit des Canadiens de voter en connaissance de cause. Parlant des débats de 2019, la Commission conclut dans son rapport : « L'influence des débats a été tangible. Ces deux événements clés ont aidé les Canadiens à exercer leur droit de vote en toute connaissance de cause. À une époque où l'existence de nos institutions et la santé de la démocratie sont devenues sujet de préoccupation et de questionnement, il s'agit certes d'un signe d'espoir. »

Le lecteur serait en droit de penser que le principe de l'inclusion est effectivement contraire à l'exclusion stipulée dans le préambule du mandat de la Commission. La ligne directrice sur l'inclusion ne fait toutefois référence qu'à l'auditoire. Dans son rapport de 2019, la Commission conclut : « Pour ce qui est des mesures d'inclusion, nos constatations sont mitigées. Nous relevons que les personnes handicapées, non européennes et rurales, ainsi que les jeunes, étaient moins sensibilisés aux débats (dans les jours précédant les débats). »

Ce classement des citoyens en identités appelées « personnes handicapées, non européennes et rurales » et l'invention d'une inquiétude à savoir s'ils étaient au courant ou non des débats montrent que la Commission se réfère uniquement à l'auditoire. Cela montre également à quel point la Commission cherche à détourner l'attention de la question en jeu, à savoir l'exclusion politique et la marginalisation de facto de la grande majorité des Canadiens. Cela restera le cas tant que les éléments qui informent la Commission impliquent l'exclusion de la majorité des partis des débats, n'informant pas les Canadiens à leur sujet et leur permettant encore moins de participer aux discussions sur ce qu'ils proposent.

L'objectif de la Commission ne devrait pas être de justifier l'exclusion politique et la marginalisation des citoyens au nom des « principes de l'indépendance, de l'impartialité, de la crédibilité, de la citoyenneté démocratique, de l'éducation civique, de l'inclusion et de l'efficacité financière ». Elle doit permettre aux citoyens de voter en connaissance de cause en respectant le principe démocratique fondamental de l'égalité, qu'il s'agisse de l'égalité des partis, des candidats ou des citoyens.

Dans toutes ses délibérations, la Commission occulte complètement le fait que le système maintient le traitement de participants de seconde classe pour les candidats indépendants qui, comme la majorité des partis politiques, ne bénéficient même pas d'une reconnaissance symbolique.

Les critères d'inclusion

Tant qu'il s'agira de débats nationaux des chefs de partis, les critères d'inclusion ne peuvent être autres que ceux énoncés dans la Loi électorale du Canada sur l'enregistrement des partis. La loi dit qu'un parti politique peut être enregistré lorsqu'il présente au moins un candidat à une élection partielle ou à une élection générale après avoir soumis le nom de 250 membres à Élections Canada. Il doit avoir un agent officiel et un organe exécutif, et il doit déclarer que l'un de ses objectifs essentiels est de « participer aux affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l'élection d'un ou de plusieurs de ses membres ».

À moins d'une modification des critères d'enregistrement prévus dans la Loi électorale du Canada, un parti politique enregistré est un parti politique enregistré et le principe démocratique d'égalité doit s'appliquer. Aucun autre critère ou jugement sur la valeur d'un parti politique ne peut être justifié si le processus doit être perçu comme étant démocratique.

Si les élites dirigeantes du Canada veulent un système dans lequel seuls les partis politiques et les candidats qui « ont une chance de gagner » (selon elles) devraient être reconnus, elles doivent modifier la Loi électorale du Canada. Par exemple, la loi pourrait exiger que pour être enregistré un parti doit prouver une « probabilité de gagner des sièges au Parlement ».

Il faudrait également modifier la Charte des droits et libertés. L'article 3 stipule présentement que « tout citoyen a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales » mais il serait plus exact de dire que « tout citoyen a le droit de vote aux élections législatives fédérales ou provinciales et tout citoyen qui, selon l'État, a des chances de remporter un siège au Parlement a le droit de se présenter à une élection ».

Évidemment, cela créerait un autre dilemme. Est-ce l'élection qui détermine le gagnant ou est-ce le cartel formé par les partis ayant des sièges à la Chambre des communes, leurs groupes de réflexion, leurs firmes de sondage, leurs médias et aussi les banques qui leur prêtent de l'argent sur la base de l'évaluation du risque informée par les « chances de gagner » établies par toutes ces institutions ? Cela nécessiterait également un examen impartial de la neutralité des firmes de sondage et des questions qu'elles posent.

En l'absence d'une telle enquête pour établir la vérité à partir des faits, les élites qui prennent toutes les décisions sur ce qui est bon pour les Canadiens en partant de la perspective d'exclusion préétablie qui guide cette Commission sont également celles qui établissent les firmes de sondage, ont recours aux services des firmes de sondage et formulent les questions posées. D'où le dilemme pour la Commission.

La plus grande diversion que commet la Commission est de prétendre éliminer la perception d'un conflit d'intérêts en retirant des mains du premier ministre et de son cabinet le pouvoir de décider qui doit être inclus dans les débats des chefs. Comment va-t-elle maintenant éliminer la perception qu'elle est elle-même en conflit d'intérêt puisqu'elle est formée de représentants qui ont un intérêt à perpétuer les critères les plus exclusifs et élitistes au nom de la citoyenneté démocratique et de l'inclusion ?

Pour sortir de ce bourbier, la Commission doit reconnaître la nécessité d'un renouvellement démocratique du processus électoral afin qu'il ne soit pas basé sur des privilèges et soit conçu non pas pour porter des partis politiques au pouvoir mais pour investir le peuple du pouvoir de décider. En attendant, les modifications que le PMLC a proposées pour rendre la Loi électorale du Canada et la Charte des droits et libertés conformes à la réalité du processus électoral actuel du Canada permettraient au moins d'éliminer l'hypocrisie et la contradiction flagrante entre la proclamation des droits par la Charte et les limites qui leur sont aussitôt imposées, limites qui non seulement seraient « raisonnables » mais « dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

Il va de soi que ceux qui jouissent de positions de pouvoir et de privilèges et qui sont protégés par un système qui s'autoperpétue voudraient railler ces propositions et les déclarer scandaleuses et peut être même extrémistes.

Il ne reste pas moins que tant que les partis politiques jouent un rôle dominant dans les élections, tous les partis politiques enregistrés doivent bénéficier des mêmes possibilités que les partis de l'establishment, à défaut de quoi l'électorat ne peut pas voter en connaissance de cause.

Que les débats d'exclusion soient organisés directement par un conglomérat de partis politiques à la suite de négociations secrètes et intéressées avec les médias, comme c'était le cas avant la création de la Commission des débats des chefs, directement par le gouvernement ou par un organisme « indépendant » mandaté pour mettre en oeuvre une directive du gouvernement, on ne changera pas l'eau en vin.

Un virage rétrograde dans le processus électoral et politique

Le PMLC est d'avis que la création de la Commission des débats des chefs – par décret gouvernemental, rien de moins – fait partie d'une tendance rétrograde. Le renforcement du pouvoir et du privilège dans la conduite des élections ne rend pas légitime la marginalisation politique accrue des citoyens. Cela arrive à un moment où la légitimité et la crédibilité des institutions de la gouvernance sont en grande difficulté et cette tendance va à l'encontre de la demande des Canadiens que fin soit mise à toute forme de privilège dans le processus électoral et politique.

http://www.cpcml.ca/images2018/Quebec/180521-MontrealJNP-07.JPGLe traitement discriminatoire des candidats et des partis politiques qui ne souscrivent pas à l'idéologie officielle dominante et aux « valeurs et principes » présentés comme fondamentaux pour notre sécurité nationale et notre intérêt national n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est l'abandon insouciant de toute prétention à respecter les formes démocratiques. Plus le peuple revendique son droit de participer à la prise des décisions qui ont des conséquences pour lui, sur tous les fronts, plus ceux qui occupent des positions de pouvoir et d'influence font des déclarations ouvertes qui écartent, délégitiment et même criminalisent de grands pans de l'opinion politique. De grands efforts sont faits de concert avec les médias pour créer un climat dans lequel cela est considéré comme « normal ». Cela est présenté comme étant non seulement dans l'intérêt de la démocratie, mais aussi nécessaire pour défendre la sécurité nationale et l'intérêt national.

Le premier ministre Justin Trudeau a lui-même relancé cette tendance rétrograde dans un discours à Yellowknife le 10 février 2017. Pour justifier sa décision sans précédent d'annuler la recommandation du Comité spécial sur la réforme électorale d'introduire un système ou une représentation proportionnelle, et sa décision d'abandonner sa promesse électorale de 2015 de réformer le processus électoral pour le rendre plus représentatif que ce que permet le scrutin uninominal à un tour, il a déclaré que la stabilité du Canada serait mise en danger si un parti autre que les « trois partis existants », ou autre que des partis comme eux, était élu à la Chambre des communes.

« Si nous devions faire un changement ou risquer un changement qui augmente les voix individuelles, a déclaré Justin Trudeau, cela augmenterait les voix extrémistes et les voix activistes qui ne peuvent exister au sein d'un parti qui doit élaborer ce qui convient le mieux à l'avenir du pays dans son ensemble, comme le font les trois partis existants. Je pense que nous entrerions alors dans une ère d'instabilité et d'incertitude. Nous mettrions en danger ce qui fait de nous des gens plus chanceux que n'importe qui d'autre sur la planète. »

Le gouvernement libéral a par la suite supprimé le ministère des Institutions démocratiques. Il est vrai que ce ministère avait été créé pour des raisons intéressées et qu'il parvenait bien mal à donner une crédibilité démocratique à son ministre, sans parler du premier ministre et de sa « lettre de mandat » qui était censée guider le travail de ce ministère.

S'ils ont critiqué la volte-face du premier ministre sur la réforme électorale, il demeure qu'aucun des partis siégeant à la Chambre des communes ne s'est élevé contre la déclaration qu'un régime autocratique serait dorénavant utilisé pour marginaliser tous les partis autres que ceux déjà présents à la Chambre. Il n'y a pas eu d'objection non plus des personnalités de la presse monopolisée.

Aujourd'hui, même le Parlement devient un « service non essentiel », les partis cartellisés étant réduits à présenter des projets de loi privés et des motions et à se servir des commissions parlementaires pour fomenter des scandales et des diversions. Pendant ce temps, le gouvernement agit en toute impunité, sans avoir à rendre de comptes, même symboliquement, au Parlement ou au peuple. Les exigences de la privatisation néolibérale sont telles que même les apparences extérieures de ce qu'on appelle les institutions démocratiques libérales doivent être sacrifiées. Cela comprend la prétention que les élections sont libres et équitables et qu'elles sont le moyen par lequel les Canadiens peuvent exiger des comptes des partis cartellisés et de leurs candidats. On aura beau prétendre qu'une nouvelle formule de débats des chefs permettra l'expression d'un vote éclairé, cela ne changera pas cette réalité.

http://www.cpcml.ca/images2018/Rights/slogans/170705-Montreal-PiquetC59-10cr3.jpgAujourd'hui, toutes les décisions cruciales affectant le corps politique sont prises par le premier ministre et ses ministres, qui utilisent les pouvoirs de prérogative pour définir les politiques, c'est-à-dire les pouvoirs de police. La création de la Commission n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Aujourd'hui, ce sont les pouvoirs de police qui dictent l'objectif de l'élection, soit de porter au pouvoir un gouvernement qui respecte « les valeurs et les principes » consacrés par la Couronne. Des firmes privées et des agences de renseignement ont carte blanche pour fixer les règles du jeu en restreignant la liberté d'expression et de conscience et en marginalisant et criminalisant toute opinion qui, selon elles, menace les institutions démocratiques libérales en crise. Des affirmations absurdes sont faites pour tenter de justifier cette tendance, comme lorsque le premier ministre déclare que la plus grande menace pour notre démocratie, ce sont les « voix extrémistes » qui n'adhèrent pas à l'un des trois partis attrape-tout. La réalité est que ces partis agissent en cartel pour écarter du pouvoir le peuple et même leurs propres membres. Ils ont depuis longtemps sabordé leurs propres organisations de circonscription et ils ne recrutent des membres que pour avoir de l'argent et légitimer leur chef qui brigue le poste de premier ministre.

Le financement

Le PMLC s'oppose également à l'utilisation de fonds publics pour renforcer un régime antidémocratique. Le budget supplémentaire de dépenses du gouvernement libéral pour les débats des chefs lors des prochaines élections s'élève à 5 147 844 $. La Commission des débats des chefs s'est vu allouer un budget de 6 millions de dollars pour 2019 et a dépensé 4,1 millions de dollars. Il s'agit d'un montant assez exorbitant quand on sait que le coût d'un débat télévisé en 2011 était de 250 000 dollars et qu'il a été absorbé par les membres du consortium médiatique.

La création d'une commission des débats des chefs est une autre façon grossière de financer certains partis politiques durant une élection. Ce qui ne sert pas à promouvoir les uns sert à justifier l'érection d'un mur du silence autour des autres. Cela tourne en dérision les règles sur les dépenses électorales et la notion d'égalité des chances et d'élections libres et équitables. En fait, beaucoup ne trouveraient pas exagéré d'appeler cela une forme de corruption.

Le PMLC préconise le droit de l'électorat à un vote éclairé et le droit de tous les candidats de participer à une élection qui est menée de manière impartiale, sans privilèges accordés à un candidat ou à un parti par l'État. Le respect de ces principes démocratiques est d'autant plus pertinent quand des fonds publics sont utilisés pour faire la promotion de certains candidats et partis qu'une poignée de personnes jugent dignes d'être élus. Le PMLC est d'avis que les fonds publics devraient être utilisés pour financer le processus et non les partis politiques comme c'est le cas aujourd'hui, sans parler de l'aspect discriminatoire de ce financement.

En conclusion, tous les éléments qui informent la Commission impliquent l'exclusion de la majorité des partis des débats, ce qui sert à marginaliser ces partis qui sont ensuite diffamés, accusés d'être marginaux, non pertinents, extrémistes et ainsi de suite.

Justifier l'exclusion politique et la marginalisation des citoyens au nom des « principes de l'indépendance, de l'impartialité, de la crédibilité, de la citoyenneté démocratique, de l'éducation civique, de l'inclusion et de l'efficacité financière », ou au nom de la nécessité de n'inclure que les chefs susceptibles de devenir premier ministre, aboutit à ce même résultat. Une fois que les élites dirigeantes ont retiré de la table la discussion sur le droit à un vote éclairé et le principe démocratique fondamental de l'égalité, ceux-ci deviennent une préoccupation encore plus importante pour le corps politique.

Il reste cette question cruciale : pourquoi les élections devraient-elles être guidées par l'objectif de former un gouvernement de parti ? Pourquoi tous les candidats ne sont-ils pas placés sur un pied d'égalité et pourquoi des moyens ne sont-ils pas conçus pour informer la population de ce que chacun d'eux propose ?

Le PMLC a étudié attentivement les documents relatifs à la création de la Commission des débats des chefs, ses délibérations post-2019 ainsi que le « nouveau » mandat de la Commission; il les fait connaître le plus largement possible et invite tout le monde à échanger les opinions et à participer à la discussion sur cette question.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 8 - 21 mars 2021

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