Sur le droit à un vote éclairé

Les petits partis exigent l'abolition des privilèges de radiodiffusion électorale et défendent le droit à l'égalité et à un vote éclairé

Dans ce numéro, Le Marxiste-Léniniste publie une lettre soumise par 11 des 20 partis enregistrés du Canada demandant à l'arbitre en matière de radiodiffusion Monica Song d'utiliser les pouvoirs discrétionnaires de sa fonction pour faire respecter le droit à un vote éclairé en allouant du temps d'antenne pour la publicité électorale télévisée et radiophonique de manière égale à tous les partis, et pressant les autres partis à soutenir cette position. La lettre a été présentée à une réunion des partis politiques enregistrés convoquée par l'arbitre en novembre 2020 pour déterminer la répartition du temps d'émission à la prochaine élection générale.

http://www.cpcml.ca/francais/Images2019/RenouveauDemocratique/DroitVoteInformePlum4.pngLa Loi électorale du Canada comprend une « formule législative » pour la répartition du temps d'émission électoral, payant et gratuit, entre partis politiques enregistrés. Adoptée en 1974, cette formule utilise des facteurs de pondération fondés sur la performance électorale antérieure d'un parti pour répartir le temps d'émission : le nombre de sièges qu'il a remportés à l'élection précédente, le pourcentage de votes qu'il a obtenus et le nombre de candidats qu'il a présentés. La formule est d'abord utilisée pour diviser les 390 minutes aux heures de grande écoute que certains réseaux autorisés par une licence doivent chacun mettre à la disposition des partis politiques pendant une campagne électorale. La même proportion de temps est ensuite utilisée pour répartir une plus petite quantité de temps gratuit que les réseaux doivent fournir pour les publicités électorales, à une heure de diffusion choisie par le réseau. La quantité de temps payant allouée à un parti déterminait également le temps maximum qu'un parti enregistré pouvait acheter, mais en 1993 cet aspect de la loi a été invalidé puisque considéré comme une restriction inconstitutionnelle de la liberté d'expression. Aujourd'hui, le seul rôle réel du régime de radiodiffusion est de répartir le temps gratuit sur une base inégale. Un parti peut acheter autant de publicité que ses moyens lui permettent, tant qu'il ne dépasse pas la limite des dépenses électorales.

Le régime de radiodiffusion de la Loi électorale était initialement administré par le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). En 1993, la Loi électorale a été modifiée pour créer le poste d'arbitre en matière de radiodiffusion, doté de pouvoirs discrétionnaires lui permettant de modifier la répartition si elle est « inéquitable pour l'un des partis enregistrés ou contraire à l'intérêt public ». L'arbitre en matière de radiodiffusion est tenu de convoquer une réunion annuelle de tous les partis enregistrés pour délibérer sur la répartition du temps d'émission dans le but supposé d'établir un consensus. En l'absence d'un consensus, c'est l'arbitre qui décide.

La réunion pour la répartition du temps d'antenne de novembre 2020 a donné lieu à une discussion intense au cours de laquelle les petits partis ont fait valoir la nécessité de défendre le principe d'égalité. Le Parti libéral est le seul parti à la Chambre à avoir tenté de défendre la loi telle qu'elle est, affirmant qu'elle reflète la « volonté des Canadiens » puisqu'elle a été adoptée par le Parlement. Tous les partis représentés à la Chambre des communes ont voté contre le principe de l'égalité.

En janvier, l'arbitre en matière de radiodiffusion a rendu sa décision, confirmant ce que l'on appelle l'« approche modifiée 50-50 », selon laquelle 50 % du temps disponible est attribué de manière égale et l'autre moitié selon la formule législative. Sur cette base, les cinq partis de la Chambre des communes se sont vu attribuer 58 % du temps d'antenne disponible. Les libéraux et les conservateurs se retrouvent avec 77,5 et 70 minutes respectivement, le NPD 33 minutes, le Bloc québécois 23 et les Verts 16. Le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) a le droit d'acheter 9 minutes, les autres petits partis disposant également de 6 à 9 minutes[1].

Depuis l'adoption de ce régime, treize élections fédérales ont eu lieu, chacune avec une répartition du temps d'antenne qui privilégie les partis politiques en place. L'élection fédérale de 1979 a été la première à se tenir sous le régime de radiodiffusion, à une époque où il y avait six partis enregistrés, dont le PMLC. Sur les 390 minutes disponibles, les libéraux en ont obtenu 155, les conservateurs (alors progressistes-conservateurs) 134 et le NPD 63. Le Crédit social a eu droit à 22 minutes. Le PMLC, qui présentait 144 candidats dans cette élection, s'est vu attribuer 8 minutes et le Parti communiste la même chose.

Le 18 mai 1979, le PMLC a envoyé sa première lettre de protestation à ce sujet au directeur général des élections du Canada et au commissaire du CRTC. Il s'opposait à la façon dont les médias monopolisés divisent les partis politiques entre partis « majeurs » et partis « mineurs » pour justifier leur refus d'informer l'électorat sur les opinions de tous les partis. Le PMLC reprochait notamment au CRTC son échec à faire respecter les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion qui stipulent que les médias doivent fournir « la possibilité raisonnable et équilibrée d'exprimer des vues différentes sur des sujets qui préoccupent le public ».

La lettre indiquait que « bien que le Parti marxiste-léniniste soit tenu d'obéir à toutes leurs lois, il n'a pas les mêmes droits. Les [partis au pouvoir] ont tous les droits : ils peuvent adopter des lois et peuvent appliquer celles qui servent leurs intérêts, tandis que la classe ouvrière et le peuple en général n'ont aucun droit ». La lettre concluait que « les résultats des élections ne peuvent être considérés comme les résultats d'un processus démocratique, même dans la définition la plus étroite du terme ».

En juin 1996, à l'initiative du PMLC, neuf partis politiques enregistrés ont présenté une soumission conjointe à l'arbitre en matière de radiodiffusion, soulignant l'importance de maintenir le droit à un vote éclairé et l'égalité des partis politiques dans le contexte du mécontentement politique croissant et de la perte de crédibilité du processus électoral et politique[2], ce qui a été confirmé par une lettre de suivi du leader national du PMLC, Hardial Bains[3].

Cinq ans plus tard, le 1er juin 2001, le directeur général des élections de l'époque, Jean-Pierre Kingsley, recommandait au Parlement de modifier la Loi électorale afin de séparer la répartition du temps gratuit de la formule législative. Il proposait d'augmenter le nombre de stations tenues d'accorder du temps gratuit et de répartir ce temps gratuit de façon égale entre tous les partis politiques enregistrés. Sa recommandation a été rejetée par la Chambre des communes. Depuis, cette même recommandation a été reprise par les directeurs généraux des élections, Marc Mayrand et Stéphane Perrault, mais elle a été rejetée à chaque fois par les partis à la Chambre des communes.

La décision de l'arbitre en matière de radiodiffusion, qui avantage certains partis politiques par rapport à d'autres, n'est ni raisonnable ni perçue comme étant démocratique. Pour permettre aux Canadiens d'exercer leur droit à un vote éclairé, il faut des mesures qui, à tout le moins, les informent correctement de la présence et des positions de tous ceux qui participent à une élection.

Notes

1. Décision de l'arbitre en matière de radiodiffusion sur la répartition de 2020 du temps d'émission payant, 8 janvier 2021

2. Lettre adressée à l'arbitre en matière de radiodiffusion par neuf partis politiques enregistrés, le 31 mai 1996

3. « Hardial Bains adresse une lettre à l'arbitre en matière de radiodiffusion », Le Marxiste-Léniniste quotidien, 6 juillet 1996


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 8 - 21 mars 2021

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