Le problème du secret et des activités secrètes des services de renseignement


Manifestation sur la Colline du Parlement contre le projet de loi C-51, 14 mars 2015

L'article du LML du 7 février 2021« La gouvernance des pouvoirs de police ne protège pas ni les droits ni les valeurs démocratiques » indique que : « Ce qu'on appelle état de droit est en fait subordonné aux pouvoirs de police qui agissent régulièrement à huis clos au nom de l'intérêt national et de la sécurité nationale. »

La question du secret et des agissements d'une police politique secrète sous couvert de protéger la sécurité nationale est un élément important de la désinformation. Le but est de permettre à l'État canadien de s'engager dans des activités criminelles pour atteindre un objectif secret. Le recours aux pouvoirs de police pour protéger la sécurité nationale et pour désinformer le corps politique afin qu'il ne puisse pas agir d'une manière qui favorise ses intérêts est inacceptable. L'État dit que les Canadiens devraient sacrifier et abandonner leurs droits et leurs luttes au nom de la protection de la sécurité nationale qui est assimilée à la protection de l'ensemble de la société. Toute remise en cause de cette affirmation est non seulement taboue en soi, mais est considérée et traitée comme une menace à la sécurité nationale.

En 2015, la deuxième loi antiterroriste du gouvernement Harper, le projet de loi C-51, que le Parti libéral a voté avec les conservateurs, a modifié plusieurs autres lois, dont la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). La loi modifiée donne aux services secrets le pouvoir de se lancer dans des activités de perturbation à peu près partout. Cette loi dit que le SCRS « peut prendre des mesures, même à l'extérieur du Canada, pour réduire la menace » envers la sécurité du Canada. Les violations des droits et les activités de perturbations, le SCRS s'y livrait en toute illégalité depuis sa création. La loi C-51 n'a fait qu'inscrire cette illégalité dans la loi.

Le Parti libéral de Justin Trudeau a voté la Loi C-51, mais face à l'opposition massive du peuple à cette loi, à la veille des élections de fédérales de 2015 il a promis d'annuler « les dispositions problématiques du projet de loi C-51 » et de présenter de « nouvelles mesures législatives qui ramèneront l'équilibre entre notre sécurité collective et nos droits et libertés ». Cette mascarade de défense des droits et libertés, des valeurs canadiennes et d'interdiction de transgresser les droits limités inscrits dans la Charte des droits et liberté a pris force de loi avec la loi C-59, la Loi de 2017 sur la sécurité nationale, qui a reçu la sanction royale le 21 juin 2019.

Dans la loi C-59, il est dit que les pouvoirs de police ne peuvent « prendre des mesures qui limiteraient un droit ou une liberté garantis par la Charte canadienne des droits et libertés » que si « un juge décerne un mandat autorisant la prise de ces mesures ». Les mesures qui « limiteraient un droit ou une liberté », entre autres, sont : « a) causer, volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles à un individu ou la mort de celui-ci ; b) tenter volontairement de quelque manière d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice ; c) porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'un individu ; d) soumettre un individu à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, au sens de la Convention contre la torture. »

Déjà, la Charte des droits et libertés stipule que les droits limités qui y sont énoncés doivent être exercés dans des « limites raisonnables » et peuvent être restreints par une règle de droit « dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

La Loi C-59 a promulgué la Loi sur l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) qui est entrée en vigueur par décret en juillet 2019. Elle crée une nouvelle entité fédérale, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR).

Les modifications à Loi sur le SCRS portent également sur les activités de surveillance et de perturbations qui se mènent contre la souveraineté des pays souverains. Cette loi permet au SCRS de mener des activités de perturbation à l'étranger sans le consentement du pays visé. Toujours au nom de la protection de la sécurité nationale, le SCRS « prête son assistance au ministre de la Défense nationale ou au ministre des Affaires étrangères ».

Ces activités de perturbation sont une violation de la souveraineté des pays souverains et un élément de la conduite des affaires internationales du Canada. Elles comprennent notamment l'assistance et la coopération avec le gouvernement d'un État étranger ou l'une de ses institutions dans un but de changement de régime dans le pays ciblé. Un exemple de cela est le Venezuela, où les diplomates canadiens interviennent et mènent toutes sortes d'activités en vue d'un changement de régime. La direction et l'implication du Canada dans le Groupe de Lima ainsi que dans l'Organisation des États américains en est un autre exemple. L'adoption de lois pour rendre « légale » la violation des principes fondamentaux, sur lesquels les Nations unies sont fondées et qui guident la conduite des relations internationales, sert ensuite à appuyer les exigences du Canada que tous les pays doivent être fondés sur des règles conformes aux exigences des impérialistes américains.

L'intégration du Canada à l'appareil sécuritaire des États-Unis et du Groupe des Cinq est consacrée, entre autres, par la Loi sur le SCRS qui impose de « conclure des ententes ou, d'une façon générale, coopérer avec le gouvernement d'un État étranger ou l'une de ses institutions, ou une organisation internationale d'États ou l'une de ses institutions ».

Le secret et la protection des sources sont une condition sine qua non – une condition essentielle des lois et des services de sécurité qui traitent des questions de « sécurité nationale ». Il suffit de penser aux certificats de sécurité et à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. En vertu de cette loi, le fait de ne pas connaître les accusations qui sont portées contre une personne, le fait de ne pas avoir à sa disposition les preuves ou les allégations qui sont portées contre une personne, tout cela est à la discrétion des pouvoirs de police, des agences de sécurité. Les rapports que soumettent ces agences, que ce soit l'Agence des services frontaliers du Canada, le SCRS ou autres, peuvent être rédigés ou réécrits en leur faveur en toute impunité, avec les conséquences tragiques de détention arbitraire, de séparation des familles, de détention des enfants, d'expulsion et de différentes formes de traitement et de torture.

Cette méthode est utilisée contre les réfugiés et les migrants en situation irrégulière au nom de la protection de la sécurité nationale. Des immigrants ou des réfugiés peuvent être expulsés du pays sans en connaître les motifs. En vertu de l'article 86 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le ministre de l'Immigration peut utiliser exactement les mêmes procédures que pour le certificat de sécurité, c'est ce qui est appelé les « certificats de sécurité légers », une procédure plus rapide. Ce n'est pas la même procédure aussi lourde qui est utilisée maintenant – la procédure des certificats de sécurité a été abandonnée parce que les personnes visées se défendaient trop vigoureusement. Cette procédure de « certificats de sécurité légers » a été utilisée des centaines de fois au cours de dernières années, la plupart du temps à l'insu des Canadiens.

La loi confère également l'immunité aux agents des services de sécurité, le droit de commettre des infractions, de faire de fausses déclarations, de violer leur « devoir de franchise » envers les tribunaux.

Toutes ces mesures ont été adoptées systématiquement au fil des ans, là encore la plupart du temps à l'insu des Canadiens. Les pouvoirs de police qui composent l'État se livrent à des activités de perturbation, en même temps qu'ils se protègent avec des lois passées par le parlement pour interdire et étouffer toute résistance populaire aux violations des droits. Depuis 2001-2002, après l'adoption de la loi antiterroriste, l'État, quel que soit le parti cartellisé qui a formé le gouvernement, a continuellement renouvelé ces mesures annoncées comme des « mesures d'exception » équilibrées, directement dirigées contre les luttes des travailleurs, des peuples autochtones, des réfugiés, des migrants, du peuple québécois et de leurs communautés.

Ces lois « antiterroristes », présentées comme des lois d'exception, ont créé des états d'exception qui sont devenus permanents. Cela crée une situation dangereuse à l'heure actuelle. Il s'agit clairement d'une restructuration inacceptable de l'État qui permet à une police politique aux activités autrefois secrètes d'agir ouvertement, de protéger des sources, en toute impunité, au nom de la sécurité nationale et de la nécessité d'intégrer encore davantage le Canada à l'appareil sécuritaire de la machine de guerre des États-Unis.

Les tentatives de désinformation du corps politique dans le but de violer les droits du peuple et de ses collectifs et de mener des attaques contre les luttes du peuple en toute impunité sont une très mauvaise façon de donner de la légitimité aux prétentions d'être progressistes, humanitaires et respectueux des lois. Cela ne sert qu'à créer des colosses aux pieds d'argile.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 6 - 28 février 2021

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