Créer un tabou pour réprimer toute critique des institutions politiques du Canada

Le Comité permanent du patrimoine canadien a récemment mené une étude sur les relations entre Facebook et le gouvernement fédéral. Il a examiné les échanges de courriels entre un membre du personnel politique (Owen Ripley) du ministre du Patrimoine canadien (Steven Guilbault) et le directeur des politiques publiques de Facebook Canada (Kevin Chan). L'échange impliquait une demande du directeur de Facebook que le fonctionnaire du ministère du Patrimoine fasse circuler une annonce pour un poste au sein du département de politique publique de Facebook. Le membre du personnel du ministre du Patrimoine a accepté de faire circuler l'annonce à « quelques personnes qui pourraient être de bons candidats » et la haute direction de Facebook a fait savoir que Facebook était ouverte à une embauche temporaire afin que la personne puisse retourner travailler pour le gouvernement.

Au cours de l'étude, il a été jugé que cet échange de courriels n'était pas approprié parce que le ministère du Patrimoine canadien était en train de rédiger une nouvelle loi sur la radiodiffusion (le projet de loi C-10) qui aurait des conséquences pour Facebook, ce qui laisse entendre que c'était compromettant. Malgré l'apparence d'irrégularité, le Comité a appris qu'en fait ce n'était pas inappropriée. Au cours du débat, il a simplement été confirmé qu'il y a des portes tournantes qui permettent un va-et-vient entre le secteur privé et le secteur public. (Le projet de loi C-10 a maintenant franchi l'étape de la deuxième lecture et est de retour devant le Comité du patrimoine pour étude.)

Toutefois, au cours du débat, des accusations déconcertantes ont été portées selon lesquelles le NPD avait soulevé cette question dans le but de remettre en question et de nuire à l'intégrité et à la crédibilité des institutions gouvernementales, notamment la fonction publique. Le ministre du Patrimoine a déclaré que « tout le monde dans ce pays a la responsabilité, le devoir, surtout les élus, de veiller à ce que nous protégions nos institutions. » Il a poursuivi en disant : « La dernière chose que nous devrions essayer de faire, c'est de les diminuer d'une manière ou d'une autre dans l'espoir de marquer des points. Il y a d'autres moyens de marquer des points sur le plan politique. Bien sûr, nous sommes des adversaires politiques – je le comprends – mais certainement pas au détriment de nos institutions. »

Cette tentative de faire un tabou de toute critique des institutions gouvernementales au nom de la défense de ces institutions ressemble beaucoup aux affirmations des agences de renseignement qui disent que « discréditer les institutions libérales-démocratiques afin de faire progresser des modèles de gouvernance alternatifs » est une menace pour la sécurité nationale. La définition même de la démocratie donne certainement aux gens le droit de décider quels modèles de gouvernance et quelles institutions répondent à leurs besoins.

Il suffit de regarder les manigances des partis cartellisés et de leurs gouvernements pour voir ce qui a jeté le discrédit sur les institutions démocratiques, les partis cartellisés, le gouvernement et la Chambre des communes.

Après avoir refusé de mettre fin au mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour comme il avait promis de le faire lors de l'élection qui a porté les libéraux au pouvoir en 2015, le gouvernement Trudeau a confié à la police et à la bureaucratie liée au Conseil privé le soin de s'occuper des menaces potentielles au processus électoral. Le premier ministre Trudeau a rejeté le système de représentation recommandé par le Comité spécial sur la réforme électorale, composé de représentants de tous les partis et déclaré :

« Si nous devions faire un changement ou risquer un changement qui augmente les voix individuelles, cela augmenterait les voix extrémistes et les voix activistes qui ne peuvent exister au sein d'un parti qui doit élaborer ce qui convient le mieux à l'avenir du pays dans son ensemble, comme le font les trois partis existants. Je pense que nous entrerions alors dans une ère d'instabilité et d'incertitude. Nous mettrions en danger ce qui fait de nous des gens plus chanceux que n'importe qui d'autre sur la planète. »

Une telle déclaration, tout comme l'opinion du ministre du Patrimoine selon laquelle les institutions gouvernementales ne devraient pas être critiquées afin de les protéger – une déclaration qui défend les privilèges et le statu quo – sont faites pour paraître normales et responsables, comme étant dans l'intérêt public. Alors que les pouvoirs de police ont pris en charge les élections et décident ce qui est dans l'« intérêt national », le gouvernement libéral continue de se présenter comme le champion de la démocratie et des institutions démocratiques.

Le point central de la gouvernance est de contrôler les décisions qui touchent nos vies. Jamais la manière d'y parvenir n'est traitée comme un problème qui nécessite une solution. Le rôle qui est maintenant circonscrit pour les Canadiens est de sanctionner ceux qui ne les représentent pas pour qu'ils gouvernent en leur nom et ils ne doivent pas critiquer ni eux ni leurs institutions.

Le problème, maintes fois identifié par les Canadiens, que notre système électoral – appelé démocratie représentative – et nos « institutions démocratiques » ne représentent pas l'opinion de la majorité de la population, n'est pas pris en compte. Le système électoral lui-même est conçu pour priver le peuple du pouvoir et pour perpétuer une caste dirigeante qui paie les riches.

Tabou ou pas, le peuple continuera de lutter, de faire entendre ses revendications pour une société qui lui convienne, qui réponde à ses besoins et dans laquelle il est le décideur.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 6 - 28 février 2021

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