Les pays à faible ou moyen revenu privés de vaccins
Le représentant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le
président de l'Afrique du Sud ont récemment soulevé un point important :
la meilleure protection contre le COVID-19 et ses variants consiste à
s'assurer que les peuples du monde entier sont vaccinés. Les efforts
déployés par l'OMS
pour s'assurer que tous les pays reçoivent les vaccins dont ils ont
besoin, afin de limiter l'émergence de nouvelles variants, ont été minés
par le manque de coopération des pays qui ont des vaccins en réserve.
Le Canada et d'autres pays ont réagi au variant Omicron du coronavirus
responsable de la
COVID-19, le dernier variant préoccupante, en imposant des restrictions
de voyage à plusieurs pays, dont la plupart se trouvent en Afrique
australe
Entretemps, les pays des peuples opprimés, anciennement colonisés et
ceux qui sont victimes de l'agression impérialiste et de la guerre ont
été laissés à eux-mêmes.
Cyril Ramaphosa, le président de l'Afrique du Sud, lors d'une
conférence le 6 décembre à Dakar, au Sénégal, a condamné les nouvelles
restrictions imposées par l'Union européenne, le Royaume-Uni, les
États-Unis et d'autres pays à suite de la découverte du nouveau variant
Omicron initialement
repéré par des scientifiques sud-africains à la fin du mois de novembre,
disant qu'il s'agissait d'« apartheid vaccinal ».
« Vous vous demandez où est la science là-dedans. Ils nous ont
toujours dit de baser nos décisions sur la science, mais quand vient le
moment pour eux de le faire, ils ne le font pas », a-t-il expliqué.
Cyril Ramaphosa a aussi accusé ces nations d'avoir « accaparé les
vaccins », ajoutant : « La cupidité dont ils ont fait preuve est
décevante, surtout quand ils disent être nos partenaires. Nos vies en
Afrique sont tout aussi importantes que les vies en Europe, en Amérique
du Nord et partout
ailleurs . »
Le président sénégalais Mackay Sall a quant à lui prévenu que la
réaction des pays augmentait le risque que des pays ne divulguent pas
d'informations sur les variants de la Covid-19 dans le futur par crainte
de devoir faire face à des répercussions similaires.
Allocution du président sud-africain à la 8e réunion du Conseil de
facilitation du Dispositif pour accélérer l'accès aux outils de lutte
contre la COVID-19 (Accélérateur ACT)
Le 9 décembre, le président Ramaphosa a étoffé ses remarques du 5 décembre à la
8e réunion du Conseil de facilitation du Dispositif pour accélérer
l'accès aux outils de lutte contre la COVID-19.
Il a notamment déclaré : « Depuis sa formation, le dispositif pour
accélérer l'accès aux outils de lutte contre la COVID-19 a fait des
progrès remarquables dans l'exécution de son mandat de rendre
disponibles aux pays les plus vulnérables les outils dont ils ont besoin
pour combattre cette
pandémie.
« La réunion d'aujourd'hui est aussi importante et nécessaire que la première.
« La pandémie de la COVID-19 est loin d'être terminée.
« Même avant l'émergence du nouveau variant Omicron, plusieurs pays
ont subi des hausses d'infections, d'hospitalisations et de décès.
« Comme l'ont démontré les événements des derniers jours, nous vivons
sous la menace de variants en mutation, qui ont le potentiel de faire
déferler d'autres dévastations sur nos communautés dans le monde entier.
« Nous ne savons pas encore si le variant Omicron se propage plus
facilement, si le variant augmente le risque d'infection, si le variant
cause des maladies plus graves, ou si les vaccins actuels sont efficaces
contre le variant.
« Et pourtant, plusieurs pays ont décidé d'isoler certains pays du continent africain.
« Nous devons être préoccupés que certaines décisions ne sont plus
fondées sur la science et ne sont pas prises sur la base de la
solidarité.
« Cette pandémie a montré comment nous réagissons à une crise véritablement mondiale.
« Elle a montré plusieurs lacunes et faiblesses.
« Mais nous pouvons et devons améliorer notre façon de répondre aux crises.
« La vie et le moyen de subsistance de milliards de personnes sont en jeu ici.
« Nous avons dit à plusieurs reprises que personne ne sera en
sécurité si nous ne protégeons pas nos populations vulnérables partout.
« Nous possédons en partie la solution : le Dispositif pour accélérer
l'accès aux outils de lutte contre la COVID-19 qui, s'il est pleinement
financé, fournirait aux pays à faible ou moyen revenu des vaccins, des
traitements, des tests et des ÉPI pour les travailleurs de la santé de
premières
lignes.
« Il y a deux leçons importantes à tirer de la situation actuelle.
« Premièrement, l'inégalité vaccinale est dangereuse mais elle est aussi tout à fait évitable.
« Après un an de campagne vaccinale la plus ambitieuse au monde,
aucun pays ne devrait souffrir de manquer d'un accès suffisant aux
vaccins.
« Et pourtant, sur les près de 7,5 milliards de doses de vaccins
contre la COVID-19 administrées de par le monde en date du mi-novembre,
71 % ont été administrées aux pays à revenu élevé et intermédiaire. «
Seulement 0,6 % ont été administrées aux pays à faible revenu.
« L'Afrique est la plus durement frappée par l'accès inéquitable à ces vaccins qui sauvent des vies.
« Deuxièmement, nous devons investir dans tous les aspects de la réponse à la pandémie.
« En plus de la vaccination, il faut des tests et la surveillance
génomique pour identifier les points chauds de la maladie et localiser
l'émergence de nouveaux variants.
« Il faut des traitements, y compris d'oxygène médicale, pour les personnes gravement atteintes de la COVID-19.
« Des traitements potentiellement efficaces sont en développement.
« Nous devons assurer que, dès qu'ils seront approuvés pour leur
sécurité et leur efficacité, ils soient également disponibles pour tous
les pays.
« Pour cette raison, nous réclamons toujours l'ADPIC [l'Accord sur
les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce de l'Organisation mondiale du commerce], même dans ses diverses
formes pouvant être négociées.
« Nous devons investir dans le renforcement des systèmes de santé
parce que les systèmes de santé sont ce qui transforment les vaccins en
campagnes de vaccination et les tests de dépistage en dépistage sur le
terrain.
« Nous avons besoin de recherche et de développement pour adapter nos
outils et garder une longueur d'avance sur le virus en mutation.
« Nous avons besoin du plein éventail de contre-mesures – que ce
soit les vaccins, les traitements, des systèmes de santé qui
fonctionnent, et de l'équipement de protection personnelle – pour
combattre la COVID-19 et sauver des vies.
« Et le monde a besoin de l'Accélérateur ACT pour que cela se produise.
« Cette initiative existe pour répondre à l'objectif le plus vital de tous : sauver des vies.
« Nous ne pouvons vaciller et j'aimerais ajouter que c'est un domaine dans lequel nous ne devons pas échouer.
« Il est donc nécessaire que les dirigeants mondiaux s'unissent pour
financer intégralement le nouveau Plan stratégique de l'Accélérateur ACT
pour que nous puissions sauver des vies, et pour que nous puissions
mettre fin à cette pandémie, pas seulement pour quelques-uns, mais pour
tous et toutes,
surtout dans les communautés les plus vulnérables. »
La mise en réserve des vaccins dans les pays européens
Une étude publiée le 18 novembre par la Plate-forme internationale de
responsabilisation par rapport à la COVID (PIR-COVID), intitulée «
Tenir le monde responsable : des actions urgentes requises pour combler
les écarts dans la réponse mondiale à la COVID-19 », confirme et
quantifie les
accusations voulant que les pays riches font des réserves de vaccins
contre la COVID-19. PIR-COVID est une initiative du Centre mondial
d'innovation en santé et de l'effort collaboratif de l'Université Duke.
PIR-COVID souligne que son plus récent rapport « s'attarde aux
objectifs de couverture vaccinale, qui ont été largement adoptés par les
dirigeants mondiaux mais en l'absence d'un plan d'action qui puisse
garantir sa mise en oeuvre. Se basant sur des données du compteur Launch and Scale
de recherche sur la COVID, de l'Équipe spéciale multilatérale de
dirigeants contre la COVID-19, et de l'OMS, nous trouvons que 82 pays
(notamment la plupart des pays à faible revenu et les pays africains) ne
réussiront pas à atteindre la couverture vaccinale de 40 % avant la fin
de 2021.
« Au niveau mondial, ce n'est pas une question d'approvisionnement
mais de distribution. L'augmentation de la production des vaccins contre
la COVID-19 au cours de cette année a été une réussite exceptionnelle ;
le monde fabrique maintenant près de 1,5 milliards de doses par mois.
Nous avons
suffisamment de doses pour vacciner beaucoup plus que 40 % de la
population dans chaque pays. Cependant, une grande part de ces réserves
est concentrée dans un nombre restreint de pays riches, qui en ont plus
que ce qui leur est nécessaire. Sur la base de données sur les taux de
réserves et de
vaccination, nous prévoyons que les pays du G7 et de l'UE auront
collectivement plus de 830 millions de doses en surplus à la fin de
2021. Entretemps, plusieurs pays sont aux prises avec des manques
importants de réserves. Pour les pays qui n'ont pas encore atteint la
couverture à 40 %, notre
analyse indique qu'un autre 1,05 milliards de doses sont requises pour
atteindre cet objectif. Suite aux livraisons attendues de COVAX [un
accès mondial et équitable aux vaccins contre la COVID-19] en novembre
et en décembre, le manque dans ces pays se chiffre à 650 millions de
doses. »
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Le rapport souligne que les pays du G7 possèdent 1 618 765 480 doses
qui permettraient aux pays à faible ou moyen revenu d'atteindre le taux
mondial minimal de 40 %, mais à ce jour ils n'ont expédié que près de
319 millions de ces doses ou environ 20 % de leur engagement. Pour ce
qui est du
Canada, il s'est engagé à faire don de 51, 542 080 doses. De ce nombre,
seulement 10 % ont été expédiées.
Notamment, PIR-COVID souligne que « les pays à revenu élevé ont
continué de s'en tenir à l'objectif d'un taux de vaccination de 40 %
sans adopter des mesures d'envergure et d'urgence pour les atteindre de
façon réaliste. »
Ce rapport ne s'attarde qu'aux vaccinations et PIR-COVID affirme : «
De futures analyses cibleront la quantification des besoins et des
engagements envers le dépistage lié à la thérapeutique, la diagnostique,
l'oxygène, ainsi que l'état de préparation à venir. »
Pour lire le rapport de PIR-COVID dans son intégralité, cliquez ici.
Le manque d'accès fiable aux vaccins
Le 29 novembre, l'Union africaine, les Centres africains pour le
contrôle et la prévention des maladies, la Coalition pour l'innovation
de la préparation épidémique, Gavi (l'Alliance vaccinale), l'Unicef et
l'OMS ont émis une déclaration conjointe sur les dons de doses de vaccin
contre la
COVID-19 aux pays africains. Ils soulignent que les dons qui arrivent
présentement en Afrique sont problématiques. Ils affirment que « la
majorité des dons reçus jusqu'à présent étaient ponctuels et fournis
avec peu de préavis, et leur durée de conservation était courte. Il est
donc extrêmement
difficile pour les pays de planifier des campagnes de vaccination et
d'accroître leur capacité d'absorption. Pour atteindre des taux de
couverture plus élevés sur le continent, et pour que les dons soient une
source d'approvisionnement durable qui puisse compléter
l'approvisionnement provenant des
accords d'achat de l'AVAT et de COVAX, cette tendance doit changer.
« Les pays ont besoin d'un approvisionnement prévisible et fiable. Le
fait de devoir planifier à court préavis et d'assurer l'utilisation de
doses à courte durée de conservation augmente de façon exponentielle la
charge logistique de systèmes de santé déjà mis à rude épreuve. En
outre, ce type
d'approvisionnement ponctuel utilise des capacités – ressources
humaines, infrastructures, chaîne du froid – qui pourraient être
orientées vers un déploiement efficace et durable à long terme. Il
augmente aussi considérablement les risques de péremption lorsque des
doses dont la durée de
conservation est déjà courte arrivent dans le pays, ce qui peut avoir
des répercussions à long terme sur la confiance dans les vaccins.
« Les dons à COVAX, à l'AVAT et aux pays africains doivent être faits
de manière à permettre aux pays de mobiliser efficacement leurs
ressources nationales pour soutenir le déploiement et permettre une
planification à long terme afin d'augmenter les taux de couverture. Nous
demandons à la
communauté internationale, en particulier les donateurs et les
fabricants, de s'engager à l'égard de cet effort en adhérant aux normes
suivantes, à compter du 1er janvier 2022 :
« -quantité et prévisibilité : Les pays donateurs doivent s'efforcer
de libérer les doses données en grandes quantités et de manière
prévisible, afin de réduire les coûts de transaction. Nous reconnaissons
et saluons les progrès réalisés dans ce domaine, mais nous constatons
que la fréquence des
exceptions à cette approche impose un fardeau accru aux pays, à l'AVAT
et à COVAX.
- Mise en réserve : Ces doses ne doivent pas être mises en réserve,
afin d'accroître l'efficacité et de soutenir la planification à long
terme. Leur mise en réserve rend beaucoup plus difficile l'affectation
de l'approvisionnement sur la base de l'équité et la prise en compte de
la capacité
d'absorption de certains pays. Cela augmente également le risque que les
dons à courte durée de conservation mobilisent la capacité de la chaîne
du froid des pays – capacité qui n'est ensuite plus disponible lorsque
l'AVAT ou le COVAX allouent des doses à plus longue durée de
conservation dans le
cadre de leurs propres accords d'achat.
- Durée de conservation : Par défaut, les doses données devraient
avoir une durée de conservation d'au moins 10 semaines à leur arrivée
dans le pays, avec des exceptions limitées uniquement lorsque les pays
bénéficiaires indiquent leur volonté et leur capacité à absorber des
doses ayant une durée
de conservation plus courte.
- Préavis : Les pays bénéficiaires doivent être informés de la
disponibilité des doses données au moins quatre semaines avant leur
arrivée prévue.
- Temps de réponse : Toutes les parties prenantes doivent s'efforcer
de fournir une réponse rapide aux informations essentielles. Il s'agit
notamment des informations essentielles sur l'approvisionnement fournies
par les fabricants (volumes totaux disponibles pour les dons, durée de
conservation,
site de fabrication), de la confirmation de l'offre de dons par les
donateurs et de l'acceptation ou du refus des allocations par les pays.
Les informations de dernière minute peuvent encore compliquer les
processus, augmenter les coûts de transaction, réduire la durée de
conservation disponible et
augmenter le risque de péremption.
- Produits complémentaires : La majorité des dons reçus jusqu'à
présent ne comprenaient pas les fournitures nécessaires à la
vaccination, telles que des seringues et du diluant, et ne couvraient
pas non plus les frais de transport. Par conséquent, ces fournitures
doivent être achetées séparément,
ce qui entraîne des coûts, une complexité et des délais supplémentaires.
Les doses données devraient être accompagnées de tous les produits
complémentaires essentiels afin de garantir une allocation et une
absorption rapides. »
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 15 - 12 décembre 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/L510154.HTM
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