La politique étrangère servile du gouvernement Trudeau

Le discours du Trône libéral prononcé le 23 novembre par la gouverneure générale Mary May Simon a clairement indiqué les intentions du gouvernement Trudeau en matière de politique étrangère pour la 44e législature. La gouverneure générale a identifié ce qu'elle a appelé les défis pressants de notre époque comme étant « la montée de l'autoritarisme » et « la lutte entre les grandes puissances » et a déclaré que cela exige un engagement accru du Canada auprès de ses alliés clés et des coalitions, des organisations et des partenaires internationaux. Elle a également annoncé que le Canada allait déployer des efforts conscients pour approfondir les partenariats dans la région indo-pacifique et dans l'ensemble de l'Arctique.

Pas besoin d'être un génie pour comprendre que cela signifie intensifier la participation du Canada aux tentatives de plus en plus désespérées de son « allié clé » d'imposer au reste du monde son soi-disant ordre international fondé sur des règles, mettant ainsi en danger la paix et la sécurité. Il s'agit d'accroître l'intégration du Canada dans la machine de guerre des États-Unis par l'entremise de l'OTAN, qui élargit son champ d'activité dans la région de l'Asie-Pacifique et au-delà, se livrant à de dangereuses provocations contre la Chine et la Russie. Il s'agit d'intensifier l'ingérence du Canada dans les affaires des nations et des peuples souverains qui refusent de se plier aux diktats des États-Unis et adoptent et défendent leur propre voie indépendante de développement.

Les intentions du gouvernement Trudeau de maintenir le cap avec une politique étrangère qui s'aligne sur l'ordre du jour hégémonique de l'impérialisme américain sont claironnées par sa nouvelle ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly. À sa première rencontre avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken, lors d'une séance d'information à Washington le 12 novembre, Mélanie Joly s'est enthousiasmée à l'idée qu'une de leurs priorités serait de travailler ensemble « pour protéger et promouvoir la démocratie et les droits de la personne dans le monde ». Il y a de nombreux exemples de ce que cela signifie en pratique.

La « promotion de la démocratie » de type américain
au Nicaragua et au Venezuela

Dans une déclaration arrogante faite au nom du Canada à la suite des élections générales du 7 novembre au Nicaragua, dans lesquelles les électeurs ont réaffirmé à une majorité écrasante leur soutien à la révolution sandiniste et à son dirigeant, le président Daniel Ortega, Mélanie Joly dit au peuple du Nicaragua que l'élection ne reflétait pas sa volonté et que « le régime » l'avait privé de son droit de voter dans des élections libres et équitables. D'autres accusations et calomnies sans fondement contre le président Ortega ont suivi. La déclaration concluait en disant que le Canada avait l'intention de « demander des comptes à ce régime oppressif et à ceux qui le soutiennent ».

Une semaine plus tard, le gouvernement Trudeau a annoncé qu'il étendait ses sanctions dites ciblées à onze autres personnes liées à l'État et au gouvernement du Nicaragua, prétendument pour violations des droits humains. Le Canada suit en cela l'exemple du Congrès américain qui, quelques jours avant les élections, a adopté la Loi RENACER (Reinforcing Nicaragua's Adherence to Conditions for Electoral Reform) pour renforcer ses mesures coercitives unilatérales dans une tentative évidente d'influencer les élections. La loi des États-Unis exige expressément une meilleure coordination de ces mesures avec l'Union européenne et le Canada.

D'autres sales coups, étroitement coordonnés avec les États-Unis, ont eu lieu lors de la 51e Assemblée générale de l'Organisation des États américains (OÉA) qui s'est tenue du 10 au 12 novembre.  C'est là que Mélanie Joly a pris l'initiative de présenter, au nom des États-Unis, du Canada et de six autres pays, un projet de résolution qui déclarait que les élections du 7 novembre au Nicaragua « n'étaient pas libres, justes ou transparentes et n'avaient aucune légitimité démocratique ».[1].

Une des choses que les pouvoirs en place à l'OÉA ne peuvent pardonner au Nicaragua est sans aucun doute son refus de permettre à une mission d'observation de l'OÉA de superviser son élection du 7 novembre. Ce refus s'explique par l'ingérence constante de l'organisation dans les affaires intérieures du pays au cours des dernières années et par le rôle malveillant que l'OÉA a joué dans l'instigation du coup d'État de 2019 en Bolivie, en soulevant des allégations sans fondement selon lesquelles Evo Morales avait été réélu par fraude. L'examen ultérieur par des enquêteurs indépendants des données recueillies et interprétées par la mission d'observation de l'OÉA a démontré sur tous les fronts qu'il n'y avait pas eu de fraude et qu'Evo Morales n'avait pas « volé » l'élection comme l'a déclaré à qui voulait l'entendre l'infâme secrétaire général de l'OÉA, Luis Almagro.

Le fait que son élection ait été jugée illégitime par l'OÉA a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour le Nicaragua. Comme le Venezuela l'avait fait quatre ans plus tôt, le Nicaragua a annoncé le 19 novembre qu'il se retirait de l'OÉA. Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères Denis Moncada déclare que le Nicaragua n'est pas intéressé à faire partie d'une organisation interventionniste qui a pour mission de faciliter l'hégémonie des États-Unis sur les pays d'Amérique latine.

La décision du Nicaragua de quitter l'OÉA n'a pas empêché le Canada et la poignée d'autres pays qui ont coparrainé sa résolution condamnant l'élection du Nicaragua de demander la convocation d'une session extraordinaire du Conseil permanent de l'OÉA le 8 décembre. L'objectif était d'adopter une autre résolution d'ingérence, cette fois-ci à la suite de « l'évaluation de la situation au Nicaragua » demandée dans la résolution précédente. La résolution du 8 décembre, qui a été adoptée sans discussion, rappelait au Nicaragua que tant que le processus de retrait de l'OÉA, qui doit durer deux ans, n'est pas achevé, ses obligations envers l'organisation restent en vigueur, de même que son devoir de se conformer à ses obligations internationales en matière de droits humains. Il contenait une liste d'exigences et d'impositions auxquelles le Nicaragua devait se conformer, sans doute pour éviter d'être expulsé d'une organisation qu'il avait déjà dit vouloir quitter, mais plus probablement pour tenter de légitimer l'application de mesures plus coercitives par des pays comme les États-Unis et le Canada lorsqu'ils décideront de le faire. L'une des demandes les plus scandaleuses de la liste, surtout si l'on considère les sources, était que le Nicaragua mette en uvre les « réformes électorales complètes demandées dans les résolutions précédentes et conformément aux obligations du Nicaragua en vertu du droit international ». De toute évidence, le Canada et les autres pays qui ont soutenu cette résolution pompeuse se sentent non seulement qualifiés pour juger le système et les lois électorales du Nicaragua, mais ne se sentent pas non plus tenus de respecter le droit international lorsqu'il s'agit de respecter la souveraineté des pays et de ne pas s'ingérer dans leurs affaires intérieures. 

Le représentant du Nicaragua a déclaré que son pays rejetait la tenue de cette session illégitime et que celle-ci représentait une nouvelle attaque contre le Nicaragua et son peuple, en violation de la Charte des Nations unies, du droit international et de la charte de l'OÉA elle-même. Dans une déclaration faite le même jour, le ministre Moncada a déclaré que les positions du Nicaragua sont et ont été claires, à savoir que « nous ne sommes pas une colonie, nous ne sommes pas des esclaves, nous ne sommes pas les serviteurs de qui que ce soit, d'un empire ou d'un gouvernement qui se prend pour une puissance ». Au contraire, a-t-il dit, « nous accusons l'OÉA, qui n'a aucune autorité morale pour accuser qui que ce soit, parce qu'elle est, avec les États-Unis, selon les mots de Sandino, 'la tanière où l'on fabrique les crimes, les violences et les atrocités'contre tous les droits humains, politiques, économiques, climatiques et sociaux, et contre les libertés que nos peuples revendiquent et exigent avec toujours plus de force et de détermination ».

Les résultats des « mégas-élections » du 21 novembre au Venezuela, qui n'est plus membre de l'OÉA, n'ont pas non plus été du goût des États-Unis et du Canada, malgré la large participation des partis d'opposition et des candidats qu'ils soutiennent, notamment ceux qui avaient boycotté les élections précédentes. Les États-Unis et le Canada ont publié des déclarations peu après la fin des élections, affirmant qu'elles n'avaient été ni « libres » ni « équitables ». Le président Nicolas Maduro a été accusé de toutes sortes de crimes et de méfaits, et même des effets des sanctions brutales des États-Unis qui font tant de mal au peuple vénézuélien. Les deux gouvernements ont affirmé, sans apporter de preuve, que l'élection ne reflétait pas la volonté du peuple vénézuélien. Mélanie Joly a ajouté que le Canada soutenait les forces d'opposition et leur appel à une élection qui « reflète les véritables désirs du peuple vénézuélien ».

Le gouvernement Trudeau a beaucoup de comptes à rendre aux peuples nicaraguayen, vénézuélien et canadien au nom desquels sa ministre des Affaires étrangères prétend parler alors qu'elle ne fait que répéter comme un perroquet des lignes de conduite qui proviennent du département d'État des États-Unis

Note

1. La résolution a été présentée au nom d'Antigua-et-Barbuda, du Canada, du Chili, du Costa Rica, de la République dominicaine, de l'Équateur, des États-Unis et de l'Uruguay. Antigua-et-Barbuda, l'Argentine, les Bahamas, la Barbade, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, la République dominicaine, l'Équateur, le Salvador, la Grenade, le Guatemala, la Guyane, Haïti, la Jamaïque, le Panama, le Paraguay, le Pérou, le Suriname, Trinité-et-Tobago, les États-Unis et l'Uruguay ont voté pour. Le Nicaragua s'y est opposé, tandis que le Belize, la Bolivie, la Dominique, le Honduras, le Mexique, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines se sont abstenus. Le représentant illégalement accrédité Juan Guaido, prétendant représenter le Venezuela, a également voté pour. Saint-Kitts-et-Nevis était absent.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 15 - 12 décembre 2021

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