Un état d'insécurité : le coût de la militarisation depuis le 11 septembre 2001

Voici des extraits du rapport produit par l'Institute for Policy Studies.

Le budget du Pentagone est plus élevé qu'au plus fort de la guerre du Vietnam ou de la Guerre froide, et va en augmentant, représentant plus de la moitié du budget discrétionnaire fédéral au cours d'une année donnée.

Le département de la Homeland Security (DHS) créé en 2003 est devenu une nouvelle agence gouvernementale aux proportions démesurées.

La création du DHS a aussi vu la création de la tristement célèbre Immigration and Customs Enforcement (ICE) et de la Customs and Border Protection (CBP), qui se sont fait connaître par la terreur qu'elles ont infligée aux communautés immigrantes, la répression des manifestations et la séparation forcée des enfants des parents.

Au moment où la sensibilisation à la brutalité policière et à la militarisation grandit rapidement, le militarisme a atteint de nouveaux sommets en ce qui concerne deux autres guerres qui perdurent : la guerre contre la criminalité et la guerre contre la drogue.

Au nom de la sécurité, les États-Unis ont dépensé plus de 21 billions de dollars sur la militarisation, la surveillance et la répression en l'espace de vingt ans.

Mais la pandémie de la COVID-19, l'insurrection de janvier au Capitol, les feux de forêt qui sévissent dans l'Ouest et même la chute de l'Afghanistan ont montré que même avec de tels investissements, la sécurité ne s'achète pas.

Vingt ans après le 11 septembre, la réponse a contribué à complètement militariser les politiques étrangères et domestiques au coût de 21 billions de dollars au cours des deux dernières décennies.

Des 21 billions de dollars que les États-Unis ont dépensés pour la militarisation à l'étranger et au pays depuis le 11 septembre, 16 billions de dollars ont été attribués aux forces militaires (y compris 7,2 billions de dollars à des entrepreneurs militaires), 3 billions aux programmes de vétérans, 949 milliards de dollars au Homeland Security et 732 milliards de dollars aux forces de l'ordre fédérales.

Les dépenses liées à la militarisation des États-Unis sur vingt ans (Exercice financier 2002-Exercice financier 2021)

Militaire : 16,26 billions de dollars

Vétérans : 3,07 billions de dollars

Homeland Security : 949 milliards de dollars

Forces de l'ordre fédérales : 732 milliards de dollars

Total : 21,02 billions de dollars

Le volet militaire est une des fonctions gouvernementales les plus onéreuses. Pour les fins de notre étude, les dépenses militaires comprennent le département de la Défense (DoD) et tous les coûts directs de la guerre, les activités liées aux armes nucléaires au département de l'Énergie et ailleurs, les dépenses en renseignements, comprenant la Central Intelligence Agency (CIA), l'aide militaire internationale, les prestations des militaires retraités et du système de service sélectif, et les autres dépenses de nature militaire à la Fondation des Sciences naturelles, à l'Administration maritime et à d'autres agences fédérales.

Nous incluons les coûts des prestations aux vétérans parce que c'est du service militaire et des activités militaires que vient la nécessité de ces prestations.

Nous incluons la plupart des programmes du département de la Homeland Security (DHS) parce qu'ils sont le résultat de la réponse post 11 septembre. [...] Bien que la Federal Emergency Management Agency (FEMA) fasse partie de DHS, nous l'excluons de cette analyse.

Les programmes des forces de l'ordre fédérales sont compris parce que la lutte contre le terrorisme et la sécurité frontalière font partie de leur mission de base, et parce que la militarisation de la police et la prolifération des incarcérations de masse sont en grande partie dues aux activités et aux influences des forces de l'ordre fédérales. Les agences des forces de l'ordre fédérales comme le Federal Bureau of Investigation (FBI), le Drug Enforcement Agency et les U.S. Marshals opèrent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des États-Unis, coopérant fréquemment avec le département de la Défense (DoD).

Sauf indication contraire, tous les chiffres de ce rapport sont basés sur les données de l'autorité budgétaire de l'Office of Management and Budget (OMB) et sont ajustés en fonction de l'inflation jusqu'à l'exercice financier 2021.

Selon le département de la Justice (DoJ), 88 % de son budget est alloué à des objectifs de lutte contre le terrorisme, de sécurité frontalière et de crimes violents, tandis que 12 % est alloué à son objectif de promouvoir l'État de droit et le bon gouvernement.

Au cours de ces vingt ans, la guerre contre le terrorisme s'est étendue dans des douzaines de pays, a coûté la vie à 900 000 personnes et a coûté des billions de dollars.

En plus des guerres sans fin, les forces militaires américaines ont plus de 750 avant-postes dans près de 80 pays, et près de 220 000 troupes américaines stationnées de façon permanente à l'étranger en date de juin 2021. Les opérations militaires dépassent de loin les limites de la guerre contre le terrorisme, et dans certains cas, des actions passant pour des exercices militaires étaient en fait de réelles opérations militaires.

Conformément à leur soi-disant transition de la guerre contre le terrorisme à la « concurrence des grandes puissances », les forces militaires cherchent à réinvestir dans les armes nucléaires. [...] Les États-Unis ont bien plus d'armes nucléaires que quelque autre pays, et beaucoup plus que ce qui est nécessaire pour justifier des théories telles que la dissuasion nucléaire. Les États-Unis se démarquent aussi en tant que le seul pays à avoir utilisé une arme nucléaire contre des êtres humains ce qu'il a fait deux fois. Le danger de ces armes dépasse énormément le cadre de la logique donnée pour justifier leur déploiement continu. Pourtant, les forces militaires envisagent un programme de renouvellement de 1,5 billions de dollars pour maintenir opérationnelles les armes nucléaires américaines.

Récemment, les forces militaires des États-Unis ont aussi été actives le long des frontières américaines, déployant des troupes à la frontière du sud, où 3 000 troupes y jouent toujours un rôle de surveillance. Certains États ont aussi envoyé des troupes de la Garde nationale à la frontière. De 2016 à 2017, les soldats de la Garde nationale ont été déployés pour supprimer les manifestations menées par les Autochtones contre le pipeline Dakota Access près de la réserve sioux de Standing Rock, et en juin 2020, ils ont été envoyés à Washington pour mater les manifestations de Black Lives Matter. Les troupes de la Garde nationale sont aussi intervenues suite à l'insurrection du Capitol le 6 janvier 2021.

Dans l'ensemble, le total des dépenses militaires au cours des vingt dernières années se monte à plus de 16 billions de dollars, y compris le budget pour le département de la Défense, les armes nucléaires et les activités connexes, et certains coûts liés aux retraites au sein des forces de renseignement et militaires.

Nous incluons aussi l'aide aux forces armées étrangères, ainsi que des dépenses de défense civile moins élevée, par exemple pour le service sélectif, les cimetières militaires et d'autres.

Dépenses militaires, exercice financier 2002-exercice financier 2021

Département de la Défense : 14,14 billions de dollars

Personnel militaire retraité et autres programmes : 1,27 billions de dollars

Programmes d'armes nucléaires : 460 milliards de dollars

Aide aux forces armées étrangères : 267 milliards de dollars

CIA et renseignements* : 28 milliards de dollars

Total : 16,26 billions de dollars

Note* : Les dépenses liées à la CIA et au renseignement ici sont loin d'être exhaustives. Le total alloué au renseignement national et militaire uniquement pour l'exercice financier 2020 était de 85,8 milliards. Ces dépenses sont probablement enfouies quelque part dans le budget militaire mais ne sont pas repérables dans les documents publics.

Le calcul en fonction du 11 septembre a engendré une croissance de dépenses militaires. De l'exercice financier 2001 à l'exercice financier 2002 (l'exercice financier qui a débuté le 1 octobre 2001), les dépenses militaires ont augmenté de 5,8 %. L'année suivante, pour l'exercice financier 2003, les dépenses militaires ont augmenté de 30 % de plus que les niveaux de l'exercice financier 2001. Elles atteindraient éventuellement un sommet de près d'un billion de dollars en 2010, avant de baisser modérément en raison de la séquestration budgétaire, pour ensuite augmenter de nouveau. Aujourd'hui, les dépenses militaires sont plus élevées qu'au plus fort de la guerre du Vietnam, de la Guerre froide, de la guerre de Corée et de la première guerre du Golfe.

Les guerres sans fin

Les États-Unis ont envahi l'Afghanistan en 2001, suivi de l'Irak en 2003. Ces occupations représentent les occupations actives les plus longues de l'histoire des États-Unis les guerres sans fin. Au moment même où les troupes américaines quittent l'Afghanistan, la guerre contre le terrorisme se poursuit dans de nombreux pays, sous différentes formes.

Les coûts de la guerre mondiale contre le terrorisme sont alarmants : près de 900 000 vies perdues par la violence, et plusieurs autres vies perdues en raison de la destruction d'infrastructures critiques telle que les hôpitaux, et 37 millions de personnes déplacées, selon le projet « Cost of War » de l'Université Brown.

En 2010, les frappes progouvernementales (y compris les frappes américaines) ont tué le plus grand nombre de civils afghans qu'en aucun temps depuis le début de la guerre. Seulement en Afghanistan, 47 000 civils ont été tués depuis le début de la guerre contre le terrorisme.

Selon une étude issue du projet de l'Université Brown sur les coûts de la guerre, il est estimé que le total des coûts de la guerre contre le terrorisme est de l'ordre de 8 billions de dollars au cours de 2021, y compris 800 milliards d'augmentation de dépenses du département de la Défense non liées à la guerre de 2001  à 2020, attribuables à la guerre contre le terrorisme. De 2002 à 2019, près de 127 milliards de dollars en aide aux forces militaires étrangères ont été attribués à deux principales cibles de l'occupation américaine : l'Afghanistan (91 milliards de dollars) et l'Irak (36 milliards de dollars).

De 2018 à 2020, les États-Unis ont mené des opérations contre le terrorisme dans 85 pays, ce qui comprend des opérations de combat dans 12 pays et des frappes aériennes et de drones dans 7 pays, ce qui représente plus de la moitié des pays du monde.

Le Pentagone et l'aide militaire

Les dépenses consacrées au département de la Défense ont atteint 14 billions de dollars au cours des 20 dernières années, y compris 1,9 billions en fonds alloués spécifiquement aux guerres par le biais des fonds du Overseas Contingency Operations. Même si au cours des dernières années ces fonds ont servi de plus en plus à des dépenses militaires routinières (ou « besoins de base »), ce montant ne reflète pas les coûts réels de la guerre contre le terrorisme.

Plus de 70 % des dépenses de 14 billions de dollars du Pentagone au cours des 20 dernières années ont été consacrées à des opérations, des achats et la recherche et le développement. Les opérations et l'entretien (5,7 billions de dollars) comprennent les coûts pour l'opération, le déploiement et l'entretien des systèmes d'armement, y compris les près de 300 navires et plus de 13 000 aéronefs et installations des forces armées, sans oublier la formation et d'autres coûts.

L'approvisionnement (2,8 billions de dollars) comprend l'acquisition et la modernisation des principaux systèmes d'armement tels que les navires et les aéronefs, ainsi que les véhicules de transport terrestre, les missiles et les munitions.

Seulement 3,3 billions de dollars, ou 23 % du total, ont été attribués en rémunération au personnel militaire. En 2021, la rémunération d'un membre enrôlé des services de niveau débutant était à peine supérieure à 20 000 dollars, l'équivalent d'un salaire de 10,30 dollars de l'heure. Les membres des forces armées bénéficient d'un logement ou d'une indemnité de logement, mais celles-ci ne couvrent pas tous les coûts liés au logement.

Les trois plus grands bénéficiaires de l'aide militaire étrangère, l'Afghanistan (91 milliards de dollars), Israël (57 milliards de dollars) et l'Irak (36 milliards de dollars) représentaient près de 70 % de l'ensemble de l'aide militaire. Mais les États-Unis ont donné de l'aide militaire à la majorité des pays de la terre au cours des années 2002-2019.

Les contrats militaires

Au cours d'une année donnée, près de la moitié du budget du département de la Défense est alloué aux entrepreneurs. Au cours des 20 dernières années, les entrepreneurs ont reçu plus de 7,2 billions de dollars en fonds du DoD, comparativement à seulement 4,7 billions de dollars dans les 20 années précédentes, incluant les années les plus intenses de la Guerre froide et de la course aux armements nucléaires. Pour l'exercice financier 2020, si le budget total du DoD était de 753 milliards de dollars, 422 milliards ont été attribués aux entrepreneurs militaires.

Les principaux entrepreneurs du Pentagone empochent plus en un an que plusieurs agences gouvernementales. Seulement pour l'exercice financier 2020, Lockheed Martin a empoché plus de 75 milliards de dollars en contrats du DoD. Par comparaison, le budget du Centre pour le contrôle des maladies (CDC) n'était que de 16 milliards de dollars en 2020, ce qui comprenait les fonds d'urgence pour la COVID.

La guerre contre le terrorisme a généré d'énormes profits pour ces entreprises. Les actions des cinq principales compagnies de défense, qui valaient 10 000 dollars lorsque la guerre contre le terrorisme a débuté, valent 100 000 dollars aujourd'hui, alors qu'elles ne sont que de 61 000 dollars pour le marché boursier dans son ensemble.

L'équipement militaire et la police

Le Pentagone fournit de l'équipement militaire aux agences des forces de l'ordre d'États et locales par le biais de son programme 1033. Aujourd'hui, les agences des forces de l'ordre des États et locaux possèdent 1,83 milliards de dollars d'équipement militaire transféré depuis le 11 septembre, y compris des véhicules résistants aux mines, des aéronefs, des drones, des armes militaires et des munitions. Le DoD a aussi cédé de l'équipement aux agences fédérales, dont au département de la Homeland Security (DHS) et au département de la Justice (DoJ).

Le transfert d'équipement militaire a monté en flèche (en 2012), culminant à 386 millions de dollars en 2014. Aujourd'hui, les transferts sont encore plus nombreux qu'ils ne l'étaient pendant la guerre contre le terrorisme, une somme de 152 millions de dollars en 2020 et de 101 millions pour le premier semestre de 2021.

Cet équipement est utilisé par les agences de police locales pour les descentes effectuées par l'escouade des armes et tactiques spéciales (SWAT), qui sont souvent menées sans discernement, le plus souvent pour des crimes allégués liés à la drogue et ciblent de façon disproportionnée les gens de couleurs. Lors d'un incident, un enfant de la Géorgie a été gravement blessé lorsque la grenade assourdissante lancée par l'équipe SWAT est tombée dans son parc. L'équipement militaire a aussi été utilisé dans les réponses policières lors des manifestations, notamment lors des soulèvements contre les morts aux mains de la police à l'été 2020 et précédemment. Les peuples autochtones sont le groupe racialisé le plus à risque d'être tués dans des confrontations avec la police.

Les anciens combattants

Les services accordés par les États-Unis aux anciens combattants des forces armées atteignent 3 billions de dollars au cours des 20 dernières années. Évidemment, ces services sont offerts aux anciens combattants de plusieurs guerres, et pas seulement des guerres contre le terrorisme. Il y a 19 millions d'anciens combattants aux États-Unis, dont 14 millions ont servi en temps de guerre, et 3,5 millions dans la guerre mondiale contre le terrorisme.

Les anciens combattants de la guerre contre le terrorisme ont été appelés à participer sans arrêt à des déploiements au cours des 20 dernières années, avec de graves répercussions sur leur santé mentale et physique, la stabilité familiale et les possibilités d'amorcer une carrière au civil. Les anciens combattants souffrent grandement des risques du suicide, de l'itinérance et de la violence familiale, parmi les autres conséquences à long terme d'avoir servi dans les guerres des États-Unis.

Selon le projet « Les coûts de la guerre » de l'Université Brown, il est estimé que les futurs coûts pour venir en aide aux anciens combattants de la guerre contre le terrorisme, à eux seuls, atteindront 1 billion de dollars d'ici l'exercice financier 2059.

Les programmes pour les anciens combattants, exercice financier 2002-exercice financier 2021

Sécurité du revenu : 1,26 billions de dollars

Santé des vétérans : 1, 26 billions de dollars

Autres : 254 milliards de dollars

Prestations de réintégration : 196 milliards de dollars

Pensions :103 milliards de dollars

Total : 3,07 billions de dollars

Homeland Security

On dit de la création du département de la Homeland Security (DHS) qu'elle est « la restructuration la plus vaste et la plus importante du gouvernement fédéral depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale ». Avec la création du DHS en 2003, on a amalgamé en totalité ou en partie les 22 différents départements et les agences fédéraux en un seul département. La Federal Emergency Management Agency (FEMA), l'administration de la sécurité du transport (TSA), la garde côtière, les services secrets, les agences de l'immigration et d'autres ont été amenés sous le contrôle du DHS.

Bien que le DHS ait été créé pour répondre au terrorisme et le prévenir, il est plutôt devenu un agent de répression. Le DHS a surveillé des groupes politiques et infiltré des communautés, violemment supprimé des manifestations et mené la guerre contre l'immigration, souvent en coordination directe avec les forces militaires et les autres agences des forces de l'ordre.

Transformant l'appareil d'intervention policière aux frontières et pour l'immigration, le département a aussi assimilé le Service d'Immigration et de Naturalisation (INS), qui faisait anciennement partie du département de la Justice, et a transféré ses fonctions à trois nouvelles agences au sein du DHS :

Les Services à la Citoyenneté et à l'Immigration (USCIS), Immigration and Customs Enforcement (ICE) et Protection des douanes et des frontières (CBP).

Les agences d'immigration du DHS ont militarisé la frontière et perturbé les communautés immigrantes même lorsqu'il n'y avait aucun soupçon de menace terroriste, dans ce qu'on a surnommé la « guerre contre les immigrants », qui a débuté dès 2003. De 2002 à 2019 (l'année la plus récente de données complètes), 5,8 millions de personnes ont été déportées. Les déportations annuelles en 2019 ont été deux fois plus élevées que le nombre de déportations en 2002.

La militarisation de l'ICE et de CBP a été bien documentée, avec ses recours à la force excessive et au profilage racial. ICE a un « Bureau des programmes tactiques et d'armes à feu » qui approvisionne ses agents en équipement et en formation, tandis que les agents de CBP reçoivent des armes de guerre, dont des fusils M4 avec silencieux et des lunettes de vision de nuit ainsi que des véhicules tactiques, et les frontières sont patrouillées par des drones « Predator ». Dans des cas extrêmes, lors de déportations à outrance, même des citoyens américains ont été ciblés. De récents rapports indiquent que des drones du CBP ont été utilisés pour surveiller les activistes autochtones. La guerre contre le terrorisme est devenue un catalyseur pour la suprématie blanche et la violence, encourageant des mouvements de suprémacistes blancs, y compris ceux qui ont mené l'insurrection du 6 janvier 2021 au Capitol américain. Et, comme pour les forces de l'ordre locales, des suprémacistes blancs ont accédé à des postes de pouvoir au sein des agences d'immigration fédérales.

Sécurité intérieure et programmes sélectionnés, exercices financiers 2002-2021

U.S. Customs and Border Protection : 267 milliards de dollars

Garde côtière américaine : 232 milliards de dollars

U.S. Immigration and Customs Enforcement : 125 milliards de dollars

Transportation Security Administration : 109 milliards de dollars

Services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis : 64 milliards de dollars

Secret Service : 43 milliards de dollars

Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures : 33 milliards de dollars

Bureau de lutte contre les armes de destruction massive : 6,5 milliards de dollars

Federal Law Enforcement Training Center : 6,2 milliards de dollars

Total : 949 milliards de dollars (à l'exclusion de la FEMA)

Depuis 2002, les dépenses du DHS ont totalisé 949 milliards de dollars, principalement pour les opérations de militarisation des frontières et de l'immigration : le CBP, la garde côtière américaine et l'ICE représentent ensemble 65 % du total.

Dépenses pour la sécurité intérieure, exercices financiers 2002-2021 : 392 milliards de dollars

ICE, douanes et protection des frontières

Le Customs and Border Protection (CBP), l'agence chargée du contrôle des frontières et des douanes, comprend la Border Patrol, et l'Immigration and Customs Enforcement (ICE), l'agence chargée de l'application de la loi punitive sur l'immigration, comme les opérations de détention et d'expulsion des immigrants. Ensemble, ils ont représenté plus de 392 milliards de dollars au cours des 20 dernières années, soit près de la moitié des dépenses du DHS (à l'exclusion de la FEMA).

Presque chaque année, le Congrès approuve des augmentations massives du financement de ces agences qui profilent, emprisonnent et expulsent les immigrants. Les dépenses combinées de l'ICE et de la CBP sont plus de six fois supérieures aux 64 milliards de dollars consacrés aux services de citoyenneté et de naturalisation depuis l'exercice financier 2002.

En 20 ans, les dépenses pour l'ICE et la CBP ont plus que doublé, passant de 12 milliards de dollars pour l'exercice financier 2002 à plus de 25 milliards de dollars pour l'exercice financier 2021. Au cours de cette période, les dépenses consacrées à l'ICE et au CBP ont représenté plus du double du financement des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) (même en tenant compte des dépenses liées aux pandémies en 2020 et 2021), et quatre fois le financement de l'Administration des services de toxicomanie et de santé mentale, alors même que la crise des opioïdes est devenue un sujet de préoccupation nationale, causant plus de 49 000 décès en 2019.

Le CBP, qui comprend la Border Patrol, fait partie des plus grandes organisations d'application de la loi au monde. Même si le nombre de migrants traversant la frontière sud a diminué, le nombre d'agents de la patrouille frontalière a augmenté parallèlement au gonflement du budget de la CBP. Alors qu'elle comptait un peu plus de 10 000 agents au cours de l'exercice 2002, la patrouille frontalière en comptait plus de 19 000 au cours de l'exercice 2020. Près d'un tiers des agents de la CBP sont des vétérans de l'armée, ce qui contribue à l'éthique militarisée de la police des frontières.

Il y a eu au moins 177 affrontements mortels avec la CBP depuis 2010. Malgré cette histoire violente d'inconduite, peu ou pas de mesures de surveillance ou de responsabilité ont été mises en place pour tenir l'agence responsable de l'usage excessif et mortel de la force et de l'abus de pouvoir.

Les États-Unis disposent du plus grand système de détention d'immigrants au monde, qui a atteint des proportions gigantesques au cours des dernières décennies. Chaque année, des centaines de milliers d'immigrants sont enfermés dans plus de 200 centres de détention de l'ICE, où ils sont souvent soumis à des conditions abusives en attendant que leur statut d'immigrant soit déterminé. La majorité de ces centres de détention sont gérés par des sociétés privées à but lucratif. La détention des immigrants s'est développée au cours des dernières décennies parallèlement à l'incarcération massive des communautés noires et brunes non immigrées aux États-Unis. En fait, la police locale, étatique et fédérale coordonne souvent son action avec celle de l'ICE et de la CBP, créant ainsi des passerelles entre les systèmes de répression pénale et d'application des lois sur l'immigration.

Malgré les protestations massives et l'importance de cette question dans la campagne présidentielle, le nombre d'immigrants placés en détention a plus que doublé sous l'administration Biden depuis la fin février 2021.

Le mur à la frontière

Ces dernières années, le fameux mur à la frontière est devenu emblématique de la militarisation de la région frontalière du sud des États-Unis. Sous l'administration Trump, les contribuables ont dépensé la somme énorme de 16,3 milliards de dollars pour la construction du mur à la frontière, dont près de 10 milliards de dollars que l'administration a détournés du budget militaire.

L'administration Biden s'est engagée à ne pas construire « un autre centimètre de mur » et a présenté son soutien à la surveillance des frontières et au financement des technologies comme une alternative plus douce au mur frontalier de Trump. Mais les systèmes de surveillance de haute technologie, connus sous le nom de « frontières intelligentes » ou « murs virtuels », ne représentent pas l'approche plus douce que leurs partisans prétendent. Les technologies de surveillance sont destructrices pour l'environnement, menacent la vie privée et les libertés civiles, et peuvent entraîner la mort d'un plus grand nombre de migrants, car les individus sont dirigés vers des itinéraires plus dangereux. Loin d'être « humaines », ces technologies ne font que perpétuer la militarisation et la surveillance de masse dans les zones frontalières et au-delà.

Les forces de l'ordre fédérales

L'approche militarisée de la frontière adoptée par le département de la Sécurité intérieure (DHS) trouve un écho interne dans les activités des forces de l'ordre fédérales dans le cadre de la guerre contre les immigrants, de la guerre contre la drogue et de la guerre contre la criminalité. Les activités des forces de l'ordre fédérales ont conduit à des tactiques policières violentes, à des pratiques de surveillance sans discernement, à un profilage racial et à des résultats racistes, ainsi qu'aux incarcérations de masse.

Selon un rapport de 2018 de la Commission américaine sur la détermination des peines, 34 % des peines fédérales ont été prononcées pour des infractions liées à l'immigration, ce qui fait ressortir le système de poursuites fédérales comme un élément clé de la guerre contre les immigrants. Un autre 28 % des peines étaient pour des crimes liés à la drogue. Les arrestations fédérales ont également été dominées par les infractions liées à l'immigration, qui représentaient 56 % de toutes les arrestations fédérales au cours de l'exercice 2018. Seulement 1,9 % des arrestations fédérales concernaient des infractions violentes.

Les Noirs et les Latinos font les frais de l'application des lois fédérales. Les Hispaniques ont fait l'objet de 54 % des condamnations fédérales en 2018, et les Noirs un autre 20 %. Les Noirs représentent 38 % des détenus des prisons fédérales, soit bien plus que leur part dans la population.

Les récents soulèvements en réponse aux morts au main de la police de George Floyd, Breonna Taylor et d'autres ont amené les forces de police du pays à être examinées de près. Alors que la police locale a reçu la part du lion de l'examen pour ses tactiques violentes, des enquêtes récentes ont révélé que les U.S. Marshals sont plus susceptibles d'utiliser leurs armes que la police locale. Pourtant, le département de la Justice (DoJ) a refusé de publier des informations sur les fusillades impliquant des marshals, alors que les principaux services de police sont tenus de le faire.

Les forces de l'ordre fédérales transmettent également leurs tactiques à la police locale. Le FBI forme les directeurs généraux des services de police locaux et élabore un programme de formation aux armes à feu pour les agents de police.

La plupart des activités fédérales d'application de la loi sont supervisées par le département de la Justice, dont les quatre objectifs stratégiques sont les suivants : 1) « renforcer la sécurité nationale et contrer la menace terroriste »; 2) « sécuriser les frontières et améliorer l'application des lois sur l'immigration et le règlement des litiges »; 3) « réduire les crimes violents et promouvoir la sécurité publique »; et 4) « promouvoir la règle de droit, l'intégrité et le bon gouvernement ». Selon le département de la Justice, 88 % de son budget est consacré aux trois premiers objectifs : la lutte contre le terrorisme, la sécurité des frontières et les crimes violents.

Des agences telles que le Federal Bureau of Investigation (FBI), la Drug Enforcement Agency (DEA), le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) et les U.S. Marshals sont depuis longtemps à l'avant-garde de la guerre contre le crime et la drogue, et jouent un rôle de plus en plus important dans la guerre contre les immigrants.

Les procureurs fédéraux (U.S. Attorneys) et les prisons fédérales mènent des poursuites agressives et prononcent des peines de prison sévères. Ces agences n'opèrent pas seulement à l'intérieur des États-Unis. Le FBI a plus de 90 bureaux à l'étranger, et près de la moitié de ses dépenses (84 milliards de dollars) au cours des 20 dernières années ont été considérées comme liées à la défense. De même, la DEA a 91 bureaux à l'étranger dans 68 pays, les U.S. Marshals ont trois bureaux de terrain à l'étranger et l'ATF a au moins huit bureaux à l'étranger.

Les exploits à l'étranger des forces de l'ordre fédérales ont souvent été associés à la violence locale. En 2012, des agents de la DEA au Honduras ont été impliqués dans un incident au cours duquel quatre civils ont été tués, dont deux femmes enceintes et un enfant. Les agents de la DEA ont quitté les lieux sans venir en aide aux civils tués et blessés. Ils ont ensuite tenté de dissimuler leur rôle au Congrès. En Haïti, un ancien informateur de la DEA était l'un des suspects arrêtés dans l'assassinat du président Jovenel Moïse.

Dépenses des forces de l'ordre fédérales, exercices financiers 2002-2022

Application de la loi fédérale et litiges : 445,4 milliards de dollars

Federal Bureau of Investigation : 174 milliards de dollars

Drug Enforcement Administration : 53 milliards de dollars

Procureurs des États-Unis : 44 milliards de dollars

Confiscation d'actifs : 35 milliards de dollars

Bureau des alcools, du tabac, des armes à feu et des explosifs : 26 milliards de dollars

U.S. Marshals : 24 milliards de dollars

Détention des prisonniers fédéraux : 15 milliards de dollars

Executive Office for Immigration Review : 8 milliards de dollars

Autres : 66 milliards de dollars

Système pénitentiaire fédéral : 146 milliards de dollars

Aide à l'application de la loi au niveau des États et des collectivités locales : 138 milliards de dollars

Autres, liés à la défense : 2 milliards

Total : 732 milliards de dollars

La guerre contre le terrorisme

Avec l'expansion majeure d'un certain nombre de bureaux à la suite de l'adoption du Patriot Act et du Protect America Act sous l'administration Bush, le département de la Justice a revendiqué un mandat de « concentration implacable et de coopération sans précédent » au service de la lutte contre le terrorisme prétendant protéger les libertés civiles tout en les violant en réalité par des tactiques agressives d'application de la loi et l'expansion des pouvoirs de surveillance.

Même avant le 11 septembre, les organismes fédéraux chargés de l'application de la loi, comme la DEA, recueillaient depuis des décennies des informations sur tous les appels téléphoniques des États-Unis vers 116 pays. Après le 11 septembre, la surveillance des citoyens ordinaires a explosé, donnant aux forces de l'ordre l'accès aux enregistrements téléphoniques de dizaines de millions d'Américains. Le FBI a surveillé des groupes politiques et religieux qui exercent leurs droits au titre du premier amendement, y compris les Quakers contre la guerre. À la suite de la tentative d'insurrection du 6 janvier 2021, le DoJ cherche maintenant à obtenir de nouveaux pouvoirs au nom de la lutte contre le terrorisme intérieur, ce qui suscite des inquiétudes quant à l'expansion de l'État de surveillance et de sécurité qui cible encore plus de secteurs de la population sans pour autant réduire de manière significative les attaques terroristes.

Entre-temps, un certain nombre de complots terroristes prétendument déjoués se sont révélés être des cas de piégeage, ce qui eu pour effet de détourner les ressources des forces de l'ordre de la poursuite de menaces réelles et amadouer au contraire des individus vulnérables pour qu'ils participent à des plans mis au point par des agents du FBI.

Certains analystes ont conclu que la nature des stratégies antiterroristes du FBI semble créer des « terroristes » à partir de citoyens ordinaires, ce qui n'est certainement pas le but pour lequel les fonds ont été légiférés.

Une enquête menée par The Intercept a révélé que sur les quelque 1 000 personnes poursuivies pour des infractions liées au terrorisme depuis 2001, dont beaucoup ont été arrêtées lors d'opérations d'infiltration du FBI, la majorité n'avait jamais commis de crime violent, n'avait pas les moyens ou l'occasion de commettre des actes de violence et n'avait pas de liens directs avec des organisations terroristes.

La guerre contre les immigrants

Ces dernières années, plus de la moitié des arrestations fédérales et plus d'un tiers des condamnations fédérales ont été prononcées pour des infractions liées à l'immigration. Les cinq districts qui ont prononcé le plus de peines fédérales se trouvent tous dans des États frontaliers : deux au Texas, un en Arizona, un au Nouveau-Mexique et un au sud de la Californie. Plus de 40 % des peines prononcées concernaient des non-citoyens, presque tous condamnés pour des infractions liées à l'immigration.

Si l'ICE et la CBP procèdent à des rafles d'immigrants, c'est le département de la Justice qui poursuit les affaires d'immigration. Les organismes fédéraux chargés de l'application de la loi, notamment le FBI, la DEA, l'ATF et le service des U.S. Marshals, collaborent tous officiellement avec l'ICE et le CBP.

L'approche initiale des forces de l'ordre fédérales dans la guerre contre le terrorisme a servi de prétexte dans la guerre contre les immigrants. Dans l'année qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001, l'administration Bush a créé un programme administré par le département de la Justice appelé « National Security Entry-Exit Registration System » (NSEERS), qui enregistrait les détenteurs de visas non citoyens et ciblait de manière disproportionnée les personnes arabes et musulmanes. Le programme a été largement considéré comme un échec pour ce qui est de conduire à des condamnations pour terrorisme et a été suspendu sous l'administration Obama. En 2017, l'administration Trump a relancé une politique ouverte de ciblage des musulmans avec une interdiction de voyage de sept pays à majorité musulmane, une décision défendue par le département de la Justice de Trump.

Profilage racial et ethnique

Le ciblage des musulmans ne s'est pas limité à l'immigration, et les musulmans n'ont pas été le seul groupe ciblé. Un rapport de l'ACLU a révélé qu'un bureau du FBI du Michigan a lancé un effort pour collecter des informations sur tous les musulmans et les personnes originaires du Moyen-Orient vivant au Michigan, sans aucune preuve de criminalité de la part des individus ou des groupes. Ces tactiques du FBI ont pour effet d'aliéner de nombreux Américains musulmans du gouvernement et de nourrir des opinions négatives systématiques sur les musulmans, qui ont contribué à la xénophobie et aux restrictions actuelles en matière d'immigration.

Le même rapport fait état d'un effort du bureau du FBI de Knoxville, dans le Tennessee, pour cartographier les mosquées; d'un effort du FBI à Atlanta, en Géorgie, pour suivre la croissance globale de la population noire à la recherche de groupes « séparatistes noirs »; et de plans pour surveiller des communautés chinoises entières à San Francisco à la recherche de crime organisé. Aucun de ces efforts n'était lié à des preuves ou à des crimes spécifiques. Ils étaient plutôt fondés principalement sur la race, l'ethnicité ou la religion.

Les modèles racistes de surveillance et de harcèlement se reflètent également dans les arrestations et les peines de prison. Au cours des 10 années précédant 2019, 179 personnes ont été arrêtées dans le cadre d'incidents dits de « reverse-sting » (souvent considérés comme des pièges) par le district sud de New York de la DEA. Pas une seule d'entre elles n'était blanche.

Incarcération de masse

La guerre contre la drogue est l'un des principaux moteurs de l'incarcération de masse. Dans les prisons fédérales, plus de 67 000 personnes, soit près de la moitié de la population carcérale fédérale, purgent une peine pour des accusations liées à la drogue. La politique et les dépenses fédérales sont également à l'origine de l'incarcération de masse aux niveaux local et étatique. En 1986, l'Anti-Drug Abuse Act (Loi sur la lutte contre l'abus de drogues) a consacré l'imposition désormais célèbre de peines minimales obligatoires sévères pour le crack. L'adoption de la loi sur la criminalité de 1994 a créé de nouveaux flux de financement fédéraux qui ont encouragé les États à adopter des lois sur les peines sévères et à construire davantage de prisons. Nombre de ces programmes sont toujours en vigueur aujourd'hui.

Le financement des prisons fédérales a été multiplié par plus de 11 depuis 1976, passant de 901 millions de dollars en 1976 à 10 milliards de dollars en 2021. Au cours de cette période, le nombre de personnes incarcérées dans les prisons fédérales a été multiplié par neuf, passant de 24 000 en 1980 à plus de 219 000 en 2013, bien que ce nombre n'ait cessé de diminuer depuis. Au cours des 20 dernières années, le système pénitentiaire fédéral a coûté 146 milliards de dollars, et le financement des prisons fédérales a augmenté de 23 %, malgré la récente baisse du nombre de prisonniers fédéraux.

Le rapport « Cost of Militarization » est disponible ici.

(Traduction de l'anglais par LML)


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 14 - 13 novembre 2021

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